Droits des usagers : le Sénat autorise le partage de données entre administrations
Le Sénat a adopté l’article du projet de loi de décentralisation autorisant les collectivités à partager des données avec les administrations chargées de délivrer des prestations sociales. Ce partage de données encadré par la CNIL ne pourra se faire qu’au bénéfice de l’usager, pour l’informer de droits dont il ne bénéficierait pas alors qu’il en a la possibilité.
C’était une promesse que la majorité sénatoriale avait fait hier à l’opposition lors de débats houleux sur le RSA. Après avoir facilité le contrôle des allocataires du RSA par les départements, le Sénat améliore en contrepartie le partage de données entre administration. La ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault explique l’esprit du dispositif nommé « dites-le nous une fois » : « Les complexités administratives éloignent des services publics ceux qui en ont le plus besoin. L’objectif est que les administrations s’échangent des informations au lieu de les demander aux usagers. » Le gouvernement tient par ailleurs à ce que le dispositif soit « strictement encadré ». Le but sera uniquement, sous le contrôle de la CNIL, d’informer les usagers de leurs droits, notamment pour lutter contre le taux de non-recours aux prestations sociales, très important pour le RSA par exemple (36 %). A l’image de Françoise Gatel, l’ensemble des sénateurs et sénatrices présents saluent le dispositif : « Le ‘dites-le nous une fois’est une solution dont chacun a rêvé, nous ne pouvons y être que favorables. » Mais quelques débats subsistent encore sur l’application précise de la mesure.
Partage de données : « Comment justifier que quand on vit dans une partie agglomérée c’est possible et que sinon c’est ‘bienvenu au ploukistan’ ? »
Lors des travaux préparatoires, la commission a notamment précisé que les communes de moins de 10.000 habitants ne seraient « pas tenues » de participer au dispositif de partage de données, afin « d’éviter une obligation que tout le monde n’est pas en capacité de tenir ou qui comprend des risques » d’après Françoise Gatel, la rapporteure centriste du projet de loi. Le risque pour la commission est que des petites communes qui n’ont pas les moyens humains et techniques de mettre en place ce type de dispositif soient ensuite prises à défaut. Pour la ministre, cette précision n’est pas nécessaire, puisque les collectivités « n’ayant pas la possibilité matérielle » de mettre en place le partage de données « échappent au dispositif ». Dans la rédaction du gouvernement, « là où ce n’est pas possible et bien on ne peut pas le faire » résume Jacqueline Gourault.
Les sénateurs de gauche semblent aller dans le sens du gouvernement. « Était-il sage de pénaliser les habitants de ces territoires, qui sont déjà les plus éloignés des administrations ? » interroge par exemple Guy Benarroche, sénateur écologiste. Éric Kerrouche, sénateur socialiste, dénonce une « restriction » du dispositif et une « atteinte disproportionnée aux citoyens de ces communes, qui ne sont pas des citoyens de seconde zone ». Il poursuit : « Comment justifier que quand on vit dans une partie agglomérée c’est possible et que sinon c’est ‘bienvenu au ploukistan’, on ne peut rien faire. Je suis désolé ce n’est pas entendable ici dans la maison des territoires. »
Françoise Gatel réfute ces accusations. Pour elle, ces reproches sont infondés puisque la commission sécurise juridiquement la situation des petites communes, mais n’empêche en aucun cas les communes volontaires de participer au dispositif. « C’est simplement pour qu’on ne puisse pas attaquer une commune qui ne l’a pas fait. Que les communes de 200 habitants qui peuvent le faire le fassent » explicite-t-elle. Mais la ministre n’est pas encore convaincue : « Cela vous amène quand même à mettre psychologiquement un chiffre de population. Je me bats parce que je crois à ça. C’est dire ceux qui sont au-dessus de 10 000 ont les moyens, les autres ne l’ont pas. Cela aggrave la vision d’une différence entre les communes rurales et les plus grosses. » Sans surprise, c’est la version de la majorité sénatoriale qui a été votée.
« Un détournement du dispositif »
L’autre point de débat c’est l’utilisation de ce partage de données par les collectivités locales, et notamment les maires. La majorité sénatoriale a souhaité que les données « nécessaires » puissent être recueillies par les collectivités, sous les mêmes procédures de contrôle, afin de pouvoir par exemple constituer des recensements d’enfants en âge d’être scolarisés. « On a voté récemment une loi qui oblige les maires à s’assurer que les enfants de plus de 3 ans soient scolarisés. Comment un maire peut-il être tenu pour responsable d’une population qu’il ne connaît pas ? Ce que nous demandons c’est que la CAF transmette aux maires toutes les données dont elle dispose pour avoir les noms des enfants dont le maire doit rendre compte. C’est extrêmement codifié et organisé : la CNIL n’a rien dit car c’est un service que l’on rend aux usagers » précise Françoise Gatel.
Malgré l’opposition de la gauche sénatoriale qui accuse la majorité de « détourner le dispositif », René-Paul Savary, sénateur LR, reste convaincu de l’utilité de la mesure, notamment en cas d’urgence : « Demain il y a un incident nucléaire, il faut manger des pastilles d’iode. Comment les maires font-ils pour savoir qui en a chez lui, où en distribuer ? Il faut impérativement pouvoir croiser ces données, même si on ne les croise pas systématiquement. »
« Cela doit rassurer certains collègues sur la moralité de cette assemblée »
Si détournement du dispositif il y a, la majorité sénatoriale tient à rassurer sur le fait qu’il ne concernera jamais la lutte contre la fraude sociale, qui a déjà fait débat plusieurs fois lors de l’examen de ce texte. A l’occasion d’un amendement déposé par Valérie Goulet, sénatrice centriste, souhaitant utiliser ces données pour lutter contre « les gens qui pillent le système », Françoise Gatel, la rapporteure du texte pourtant membre du même groupe politique, s’est montrée très claire : « Nous interdisons l’utilisation de ces données pour détecter des fraudes : c’est la CNIL qui le dit, on peut utiliser ces données seulement pour donner des informations à absolument pas pour détecter la fraude. Je tiens à le dire très clairement que ça enlève quelques idées qui pourraient planer et qu’on enlève tout procès d’intentions à qui que ce soit. […] Cela doit rassurer certains collègues sur la moralité de cette assemblée. »
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