Paris: Session to examine the LIOT draft law on the repeal of the pensions reform

Du 47-1 au 49.3 : retour sur la bataille des retraites au Parlement

Alors que l’année parlementaire s’achève, l’heure est au bilan. Et comment faire le bilan de la première année de quinquennat d’Emmanuel Macron sans évoquer la réforme des retraites ? Une bataille, à la fois parlementaire et sociale, qui aura rythmé l’actualité pendant plus de six mois, en mêlant innovations au niveau des usages constitutionnels, et une forte mobilisation sociale.
Louis Mollier-Sabet

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Dans les premières saisons de Game of Thrones, George R. R. Martin, l’auteur de la saga, avait pris l’habitude de scénariser un épisode, où se sont souvent déroulées les batailles les plus épiques de la série. Si l’année parlementaire qui vient de s’écouler avait été une saison de la série à succès, George Martin aurait très certainement scénarisé l’épisode de la réforme des retraites. Enfin, peut-être les épisodes, parce que la bataille fut longue. D’abord annoncée fin septembre, la réforme des retraites a finalement été présentée par Élisabeth Borne le 10 janvier, donnant ainsi le coup d’envoi d’un bras de fer parlementaire, politique et social de six mois.

Et c’est de l’intersyndicale qu’est venu le premier coup de semonce, avec deux manifestations les 19 et 31 janvier rassemblant chacune entre 1,1 et 2,8 millions de personnes selon les chiffres du ministère de l’Intérieur ou de la CGT. En tout état de cause, une intersyndicale unie de la CFDT de Laurent Berger à la CGT de Philippe Martinez venait de lancer le plus grand mouvement social qu’ait connu la France, au moins depuis la réforme des retraites de 2010 ou le plan Juppé de 1995.

Tout était joué lors du choix du véhicule législatif et d’une réforme des retraites par PLFRSS

Du côté parlementaire aussi, la navette a été pour le moins compliquée. L’exécutif a eu recours à toutes les procédures disponibles pour faire passer le texte chaud du quinquennat dans une Assemblée où il ne disposait pas d’une majorité claire sur le sujet. En ayant recours à un budget rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS), l’exécutif s’est ainsi garanti deux cartouches de poids. D’abord, l’article 47-1 de la Constitution fixe des délais contraints pour l’examen des lois de financement de la sécurité sociale, qui peuvent être transmises au Sénat sans vote à partir de 20 jours après le dépôt du texte sur le bureau de l’Assemblée nationale, et adoptées sans vote 50 jours après cette date de dépôt. Le deuxième avantage de ce véhicule législatif pour le gouvernement, a été de pouvoir – le cas échéant – utiliser un 49.3 « gratuit. » Depuis 2008, le gouvernement ne peut en effet utiliser qu’une seule fois le 49.3 par an, sauf sur les lois de finances – le budget et le budget de la Sécurité sociale – où le recours au 49.3 est illimité.

C’est avec ces deux armes que le gouvernement s’est lancé dans l’examen à l’Assemblée le 6 février dernier, et vu la teneur des débats, elles n’ont pas été de trop. Après des discussions internes à la gauche sur le degré d’obstruction parlementaire à imposer au gouvernement dans le cadre de ces délais contraints, et une véritable controverse de l’article 7, l’examen s’est achevé dans les délais du 47-1 le 17 février sur le fameux « personne n’a craqué » d’Olivier Dussopt. Des débats houleux, ponctués d’incidents, comme le « assassin » lancé par le député LFI Aurélien Saintoul à Olivier Dussopt, ou bien la photo du député LFI Thomas Portes, le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du Travail, qui lui avait valu d’être sanctionné par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Mais le travail parlementaire a aussi permis d’éclaircir des zones d’ombre, comme sur la revalorisation des petites pensions, un temps présentée comme une « retraite minimale à 1200 euros » par le gouvernement. Finalement, de nombreuses pensions resteront en dessous de ce seuil malgré une revalorisation du minimum contributif, même pour une carrière complète. De même sur l’évolution du dispositif carrière longue, qui avait pu être affichée comme la garantie qu’aucun actif ayant commencé sa carrière avant 21 ans ne devrait cotiser plus de 43 annuités, alors que l’extension du dispositif « carrières longues » ne le garantit pas.

Des débats d’une intensité rare au Sénat

Malgré les heurts sur la forme, l’utilisation du 47-1 a permis au gouvernement de transmettre le texte au Sénat sans encombre. La chambre haute a mis l’ouvrage sur le métier le 2 mars, dans un climat moins tendu qu’à l’Assemblée nationale, mais qui est monté en tension crescendo, à mesure que les nombreux amendements de la gauche retardaient les débats. La majorité sénatoriale souhaitant voter le texte avant la fin des débats le 11 mars, une sorte de « deal » avait été conclu avec la gauche pour que le vote de l’article 7 se fasse le 7 mars, journée de mobilisation intersyndicale. Mais, dans une nuit électrique, les groupes socialistes, communistes et écologistes ont usé de tous les ressorts pour empêcher ce vote de l’article 7 dans la nuit du mardi 7 au mercredi 8 mars.

Finalement, la majorité sénatoriale a même utilisé – pour la première fois depuis sa réforme de 2015 – l’article 38 du règlement du Sénat pour écourter les explications de vote et réussir à voter le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, après de multiples rebondissements, dans la nuit de mercredi 8 au jeudi 9 mars. Le 10 mars, c’est Olivier Dussopt, en concertation avec la majorité sénatoriale, qui a déclenché la procédure du « vote bloqué », prévue par l’article 44-3 de la Constitution, pour obliger les sénateurs à se prononcer sur le texte par blocs d’amendements sélectionnés par le gouvernement. À la chambre haute aussi, l’intensité des débats a donc atteint des niveaux inédits, qui ont pu rappeler les débats houleux du mariage pour tous en 2013, ou la précédente réforme des retraites de 2010.

« Il n’y a jamais eu une telle tension au Sénat, c’était un vrai débat politique majeur »

C’est surtout l’empilement de procédures réglementaires pour faire respecter les délais qui a été mal vécu, notamment par l’opposition sénatoriale. « Le règlement a été utilisé et abusé pour accélérer le mouvement et bâillonner la parole de l’opposition », commente Patrick Kanner, président du groupe socialiste, qui ajoute : « Il n’y a jamais eu une telle tension au Sénat, c’était un vrai débat politique majeur. » Le 11 mars, la réforme des retraites est donc adoptée au Sénat, par 193 voix contre 114, un score inhabituellement serré à la chambre haute.

Le 47-1 et le recours à divers points de règlement des assemblées ont permis au gouvernement de faire examiner le texte par les deux chambres dans les temps. Le 49.3 lui a ensuite permis de franchir la dernière marche lors du vote par les députés du texte validé par la commission mixte paritaire (CMP). Après de nombreux atermoiements, l’exécutif a acté que « le compte n’y était pas » et le gouvernement a engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale le 16 mars pour faire passer le texte.

La motion de censure déposée par le groupe centriste LIOT – qui a permis de rassembler les voix de la Nupes et du RN sur son nom – a alors recueilli un nombre plus élevé qu’attendu de signatures, échouant tout de même à faire tomber le gouvernement à 9 voix près. L’exécutif pensait alors en avoir fini et attendait simplement la validation du Conseil constitutionnel pour que la réforme termine « son chemin démocratique. » Le 14 avril, les Sages ont – comme attendu – validé l’essentiel de la réforme du gouvernement, et notamment le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, et à l’inverse censuré la proposition de loi référendaire de la gauche pour lancer un référendum d’initiative partagée sur le sujet.

Match retour l’année prochaine ?

Oui, mais voilà, le groupe LIOT, passablement agacé par la méthode de l’exécutif sur le dossier, n’avait pas dit son dernier mot. En déposant une proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites dans leur niche parlementaire du 8 juin, les centristes entendaient bien qu’un vote ait lieu sur la réforme en tant que telle, et pas seulement sur une motion de censure, une proposition de loi n’ayant par ailleurs aucune chance de rentrer en vigueur. Finalement, la majorité présidentielle a réussi, avec l’appui des Républicains, à vider la proposition de sa substance en commission des Affaires sociales, puis à déclarer irrecevables les amendements d’abrogation en séance, si bien que les députés ne se sont – à ce jour – toujours pas prononcés sur le report de l’âge légal en tant que tel.

Le 8 juin s’est donc achevé, après six mois de combat au Parlement, mais aussi dans la rue, la bataille de la réforme des retraites. Enfin, pour le moment. L’enchaînement avec la séquence de violences urbaines qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre peut laisser penser que la suite du quinquennat d’Emmanuel Macron ne sera de toute façon pas de tout repos, au Parlement où il dispose d’une majorité relative, comme dans le climat social du pays, encore marqué par une année extrêmement conflictuelle. La gauche devrait d’ailleurs remettre le sujet sur la table, soit par des propositions de loi d’abrogation, soit en tentant de déclencher un nouveau référendum d’initiative partagée, ce qui sera redevenu possible à partir du 2 juin 2024, un an après le dernier RIP déposé. Un dossier qui promet d’animer la deuxième année du quinquennat d’Emmanuel Macron.

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