Neuf mois après son élection, Emmanuel Macron a clarifié mardi ses projets sur tous les dossiers chauds -- service national, Syrie, pouvoir d'achat, Europe, Hulot et Darmanin -- lors d'une séance de questions-réponses transformée en toute première conférence de presse.
Cette rencontre avec 120 journalistes de l'Association de la presse présidentielle a duré presque deux heures, au cours desquelles le président a répondu sur tous les sujets, livrant même quelques confidences sur l'exercice du pouvoir.
Admettant en souriant que la position du gouvernement sur le service national n'était "pas très claire", il a ainsi annoncé qu'il souhaitait un service national avec "une partie obligatoire de 3 à 6 mois", "ouvert sur la chose militaire" mais pouvant être plus long si l'on intégrait une partie civique.
Interrogé sur les craintes des Français sur leur pouvoir d'achat, une inquiétude visible dans les sondages, il a écarté catégoriquement toute "réponse rapide" par la "dépense publique".
"Je ne suis pas prisonnier des sondages. Je ne suis pas obsédé par ce qu'à ce stade on me fasse confiance ou pas sur le pouvoir d'achat, car quand on vous pose la question, nous sommes tous pareils, ce n'est jamais assez", a-t-il dit. "Il faut convaincre nos concitoyens au moment où il faut savoir s'ils vous font confiance ou non", a-t-il précisé, en allusion aux échéances électorales.
Il a admis par ailleurs avoir "échoué" à tenir sa promesse de l'automne qu'il n'y ait plus personne dans la rue pour la fin de l'année, rejetant la faute sur un afflux de migrants.
"On a échoué là-dessus car il y a eu une pression migratoire forte en fin de trimestre", a-t-il dit, demandant d'éviter toute polémique face au "devoir d'humanité". Il a aussi expliqué qu'il avait chargé le gouvernement de mieux compter le nombre de sans-abri.
Il a par ailleurs défendu ses ministres Gérald Darmanin et Nicolas Hulot, s'insurgeant contre la "République du soupçon" qui imposerait d'écarter des ministres pour des "plaintes classées sans suite". "Cela devient une forme de République du soupçon où tout se vaut", a déploré le chef de l'Etat.
M. Macron a assuré n'avoir pas eu connaissance de l'existence de la plainte qui avait été déposée contre Nicolas Hulot lorsqu'il l'avait fait entrer au gouvernement.
Mais à ses yeux, le but des contre-pouvoirs comme la presse ne doit pas être de "détruire ceux qui exercent le pouvoir".
Il a aussi évoqué la révision constitutionnelle, misant sur un projet de loi prêt "au début du printemps" qui ferait l'objet, "dans l'idéal", d'une première lecture à l'Assemblée comme au Sénat avant l'été.
Interrogé sur le recours au référendum pour tout ou partie de cette réforme, notamment face à un blocage du Sénat, Emmanuel Macron a assuré qu'il n'avait pas fait de "choix" donc qu'il n'avait "pas d'annonce" à faire en ce sens.
- "Nous frapperons" en Syrie -
Côté international, il s'est engagé avec fermeté à frapper le régime syrien si l’utilisation des armes chimiques est "avérée". "Dès que la preuve sera établie, je ferai ce que j'ai dit. Nous frapperons", a-t-il martelé, ajoutant que pour l'instant les services français n'en avaient pas la preuve.
Le chef de l'Etat a également détaillé sa stratégie pour les futures élections européennes de 2019, expliquant vouloir recomposer le paysage politique de l'UE en créant une nouvelle force politique progressiste qui puisse mobiliser y compris au sein des partis européens actuels.
Car ces derniers sont traversés selon lui par des "divergences de vues assez fondamentales", que ce soit au sein du Parti populaire européen ou du Parti socialiste européen.
"L'Europe gagnerait à une recomposition politique", qui est "possible et souhaitable si on veut donner un mandat clair à la commission", a-t-il expliqué.
Il faut "essayer une clarification idéologique, il y a la place pour un réformisme et un progressisme européens. Il peut y avoir une initiative" au moment des européennes pour, après les élections, "structurer son propre groupe" en "fédérant d'autres mouvements".
Emmanuel Macron a enfin confié que, pour lui, l'exercice du pouvoir, qui n'est "pas une épreuve" mais "une ascèse", une fonction qui marque "la fin de l'innocence" et où "il n'y a pas de temps pour le répit". "Je ne suis pas l'enfant naturel de temps calmes de la vie politique, je suis le fruit d'une forme de brutalité de l'Histoire, une effraction", a-t-il commenté.