Ils ont été écartés du jeu. Les centristes de l’UDI et du Nouveau Centre n’auront finalement pas leur mot à dire quant au choix du candidat qui portera les couleurs de LR pour la présidentielle. 58 % des militants LR qui ont participé au congrès dématérialisé samedi se sont prononcés en faveur d’une désignation par les seuls adhérents du parti, lors d’un autre congrès qui se tiendra le premier week-end de décembre. Une décision qui a fait bondir les alliés historiques des Républicains. « Je crains que ce 25 septembre ne soit le 11 septembre de la droite pour la présidentielle », réagit auprès de Public Sénat le sénateur Hervé Maurey, membre du groupe union centriste et de la direction du Nouveau Centre. Dimanche soir, le président du parti, Hervé Morin, a été l’un des premiers à dégainer, dénonçant auprès du Figaro, la tentation d’un repli. « Lorsqu’un pays est aussi fracturé, il est dommage de ne pas commencer par rassembler massivement à travers une primaire ouverte ».
L’amertume est d’autant plus grande qu’il n’avait cessé, ces dernières semaines, d’envoyer des signaux à ses partenaires pour pouvoir intervenir dans le mode de désignation. Le 19 septembre, en marge de sa réélection à la tête du parti, il avait notamment fait adopter à l’unanimité une motion appelant à la tenue d’une primaire ouverte, alertant sur « le signal extrêmement négatif » que renverrait un mode de sélection fermé. En vain. Echaudés par le précédent exercice du genre - qui avait éjecté les deux favoris du moment, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy -, les militants LR ont fait le choix de l’entre-soi. « Que l’on arrête d’accuser la primaire dans l’échec de 2017, on sait bien que ce sont les affaires qui ont fait déraper la campagne ! », s’agace Hervé Maurey.
« On a le sentiment d’être quantité négligeable »
Cet élu dénonce l’affront fait aux électeurs mais aussi une erreur stratégique de taille. « On ne peut pas constituer une majorité, en disant à un partenaire avec lequel on travaille déjà depuis des années dans les territoires : circulez, il n’y a rien à voir », s’agace-t-il. « On a le sentiment d’être quantité négligeable ». D’autant que cette décision pourrait non seulement impacter la dynamique de campagne du candidat qui sera sélectionné - car « il ne sera pas le candidat de la droite et du centre, seulement celui de LR », insiste Hervé Maurey. Mais aussi pousser un électorat laissé de côté vers une majorité présidentielle qui apparaît déterminée depuis plusieurs semaines à réorganiser le centre de l’échiquier politique.
Dimanche, le Premier ministre Jean Castex s’est affiché aux côtés de François Bayrou pour l’université de rentré du Modem dans le Morbihan, manière de resserrer les liens avec les soutiens du chef de l’État mais aussi d’envoyer un signal fort en faveur de ce « grand parti démocrate français » qu’appellent de leurs vœux certains proches d’Emmanuel Macron. Dans le même temps, le jeune parti Agir, fondés par d’ex-LR ayant rallié Emmanuel Macron, tenait son second congrès à Paris. « Nous pensons depuis longtemps qu’il faut mieux travailler avec nos partenaires de LREM et le Modem et donc nous sommes favorables à une meilleure communication et à la création d’une maison commune », a plaidé son président Franck Riester sur franceinfo. Enfin, ajoutons à cela le lancement, le 8 octobre prochain, du parti d’Édouard Philippe, que l’ancien chef du gouvernement a décrit sur notre antenne comme un mouvement de soutien à une probable candidature d’Emmanuel Macron.
Une aubaine pour la majorité ?
Bref, en multipliant les appels du pied, les macronistes pourraient bien se donner les moyens de capitaliser sur la déception des centristes. « Bien sûr, l’électorat modéré sort désorienté de ce qu’il s’est passé ce week-end. D’un côté on lui claque la porte au nez, et de l’autre nos adversaires lui tendent la main », soupire Hervé Maurey. Le sénateur UDI Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste au Sénat, se montre plus serein. Il dénonce « une course d’annonces » face aux différents rassemblements du week-end dans le camp de la majorité. Et d’ironiser : « Pardon, mais cette ‘maison commune’, c’est plus une rénovation qu’une construction. Ce n’est jamais que l’organisation de quelque chose qui existe déjà sans être vraiment organisé ». Il reconnaît toutefois que l’initiative d’Édouard Philippe intrigue beaucoup au centre.
L’UDI va investir un candidat sans attendre le vote des adhérents LR
« Je respecte la décision des militants LR, mais elle nous met face à nos responsabilités », poursuit Hervé Marseille. « Il n’y aura pas d’automaticité à soutenir un candidat choisi par leurs seuls adhérents. Cela nous donne donc la liberté de choisir qui nous voulons », relève le sénateur. Auprès de Public Sénat, Jean-Christophe Lagarde, le patron de l’UDI, confirme une hypothèse qu’il avait déjà évoqué mi-septembre, à savoir celle d’un candidat investi par son propre parti. « Nous choisirons une candidature du centre lors d’un conseil national, à la mi-novembre », glisse-t-il. Avant de préciser : « Je pense que n’importe quel candidat à l’investiture LR a vocation à être candidat à notre investiture ». Il s’entretiendra donc cette semaine avec les principaux candidats à droite. L’UDI peut-elle encore envisager une candidature autre que celles déjà déclarées ? « Même si ça n’est pas l’option idéale, ni celle qui prévaut le plus, cela reste possible. Souvenez-vous des européennes… », avertit Hervé Marseille.
Lundi matin, Valérie Pécresse a tenu à adresser « un petit mot à [ses] alliés centristes ». « Par respect pour eux et, parce que je veux rassembler très largement face à Emmanuel Macron, j’irai présenter ma candidature à l’UDI et aux centristes », a-t-elle déclaré sur BFM TV. La décision des adhérents LR n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour la fondatrice de Libres ! qui disposait du soutien d’Hervé Morin. « Je continuerai à apporter mon soutien public à Valérie Pécresse », a-t-il précisé au Figaro. Un soutien, mais sans voix donc. Toujours sur BFM TV, la présidente de la région Île-de-France a évacué l’hypothèse d’un maintien de sa candidature si celle-ci n’était pas retenue par les militants LR mais recevait l’appui de l’UDI et du Nouveau Centre. « À la fin, il faut un seul et unique candidat mais il faut que nos alliés centristes sentent qu’on les respecte et il faut, eux aussi, les emmener dans cette dynamique pour desserrer l’étau Macron-Le Pen. »
Il faudra donc certainement attendre le 4 décembre pour que la situation se décante, au regard de la compatibilité, ou non, du candidat désigné par LR. « Cette date est beaucoup trop tardive », alerte Hervé Maurey. « On va passer encore plus de deux mois sur des querelles internes. Et pendant ce temps-là, les propositions des uns et des autres sur les sujets de fond resteront inaudibles. »