La Haute assemblée démarre cet après-midi l’examen d’un projet de loi présenté comme le pilier de l’acte II du quinquennat par l’exécutif. Le Sénat, chambre des territoires, est saisi en premier « parce que les déchets, ressource territoriale par excellence, c’est évidemment un des très grands champs d’action public des élus locaux que vous représentez » avait justifié la Secrétaire d’État à la Transition écologique, auditionnée par les sénateurs le 10 septembre dernier.
Bien lui en a pris, car les sénateurs avaient peu apprécié, au début de l’année, au moment des premières fuite de l’avant-projet de loi dans la presse, que la plupart des dispositions du projet de loi autorisaient le gouvernement à légiférer par ordonnances sur des sujets tels que « le tri des déchets, leur valorisation énergétique, le recyclage des biodéchets, la création de nouvelles filières de responsabilité des producteurs, les sanctions applicables aux éco-organismes ». Dans un communiqué, le président centriste de la commission de l’aménagement du territoire, Hervé Maurey, et le président LR du groupe d’études sur l’économie circulaire, Didier Mandelli, avaient parlé de « mépris » dont témoignait l’exécutif à l’égard du Parlement ».
Lutter contre l'obsolescence programmée
C’est finalement dans une version plus étoffée, de 13 articles, que le texte est arrivé sur le bureau des sénateurs cet été. Le projet de loi porte sur différents enjeux comme l’information du consommateur sur la réparabilité des équipements électriques et électroniques. Le gouvernement entend également faciliter l'utilisation de pièces détachées d'occasion, avec l'objectif de lutter contre l'obsolescence programmée. Il interdit la destruction de produits non alimentaires neufs, renforce le principe du pollueur-payeur à des nouveaux secteurs (jouets, article de sport, de bricolage, cigarettes, lingettes, matériaux de construction).
« Le volet environnemental laisse à désirer » pour les sénateurs
Mais, malgré les ambitions affichées, c'est peu dire que les sénateurs ne sont pas convaincus. « Le volet environnemental laisse à désirer. On est en deçà de ce que nous sommes en mesure d’attendre de ce qui nous a été présenté comme un grand texte de l’acte II du quinquennat. Donc beaucoup de déception de notre part, c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité enrichir le texte » résumait, la semaine dernière, Marta de Cidrac, rapporteure LR du projet de loi.
Dépôts sauvages : le Sénat veut renforcer le pouvoir de police des élus
Parmi les enrichissements de la Haute assemblée, on relèvera l’inscription dans la loi de l'objectif de 100% de plastique recyclé d'ici au 1er janvier 2025, l’interdiction de la distribution gratuite de bouteilles d'eau plate en plastique dans les établissements recevant du public. Frappés par le décès du maire de Signes cet été, les sénateurs ont prévu un renforcement du pouvoir de police des élus pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets.
Le Sénat estime que la consigne va légitimer l’utilisation du plastique
C’est surtout la mise en place de la consigne, présentée comme « la mesure phare » du texte qui concentre toutes les critiques du Sénat. En juillet, Brune Poirson avait confié à un comité de pilotage la charge de déterminer quels matériaux seraient concernés. La concertation, par le biais de ce comité de pilotage, est d’ailleurs toujours en cours, et la mise en place de ce dispositif de consigne est renvoyée par décret. « Une ambiguïté », et un dessaisissement du Parlement » pour Hervé Maurey, afin d’entretenir « l’image d’Épinal » de la consigne de réemploi des bouteilles en verre, appliquée aux bouteilles en plastique. Marta de Cidrac et Hervé Maurey déplorent, en outre, que la seule étude d’impact réalisée sur ce sujet par le gouvernement a été confiée aux industriels du « collectif boissons » avec le concours de l’éco-organisme, Citeo.
Invité de la matinale de Public Sénat « Bonjour chez vous », Hervé Maurey a confirmé ses critiques. « On considère que c’est une fausse bonne idée. En mettant en place cette consigne pour recyclage, quelque part, on légitime l’utilisation du plastique (…) Moi, les courriers que j’ai reçu des lobbys, c’est plutôt des courriers de Coca-Cola, tout à fait favorable à la mesure. Ça donne bonne conscience au consommateur » a-t-il regretté avant de prendre l’exemple de l’Allemagne qui a mis en place ce type de consigne, conduisant à une augmentation de 60% de l’utilisation du plastique à usage unique.
En commission, les sénateurs ont préféré miser sur le développement de la collecte « hors foyer » pour tous les emballages plastiques.
Une consigne pour « le recyclage, la réutilisation et le réemploi » du plastique
De son côté, Brune Poirson, invitée de la matinale de France Inter, a jeté l’opprobre « sur le lobby des gros recycleurs ». « En partie, ils envoient (le plastique) en Afrique et en Asie. C’est ça la réalité ». En ce qui concerne la consigne, la secrétaire d’État a précisé qu’elle aurait pour but « le recyclage, la réutilisation et le réemploi » du plastique. Concrètement, une « petite somme » supplémentaire à l’achat de bouteilles et canettes, « 10 ou 15 centimes » sera récupéré « lorsque vous rapportez au bon endroit cet emballage » a-t-elle indiqué. L’emplacement de ces « machines à déconsignation » n’est pas encore déterminé.
L’examen du projet de loi par le Sénat pourrait se poursuivre jusqu’à vendredi.