« Des bouts de pansements ». C’est ainsi que Francette Popineau, secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, le premier syndicat des enseignants du primaire en France, qualifie les mesures annoncées par le ministre de l’Éducation. Une expression qui en dit long tant sur la nouveauté de ces mesures que sur leur capacité à réformer l’éducation.
Ce jeudi, Jean-Michel Blanquer présente son projet de décret sur les rythmes scolaires à la communauté éducative. Seulement quatre ans après la réforme engagée par Vincent Peillon puis par Najat Vallaud-Belkacem, le nouveau locataire du 110, rue de Grenelle souhaite « ouvrir une nouvelle liberté » aux communes en leur permettant, par un « consensus local » avec les conseils d’école, de revenir à la semaine à quatre jours. « Comme avant 2008, où les deux systèmes coexistaient », constate Francette Popineau. De son côté, Jean-Michel Blanquer a assuré mardi, sur Europe 1, que « la plupart des grandes villes de France vont conserver les rythmes scolaires actuels (4 jours et demi par semaine) ». De quoi rassurer un peu les sénateurs qui, dans un rapport présenté ce jeudi, recommandent de ne pas revenir à la semaine de quatre jours, malgré les défauts de la réforme « improvisée et incomplète ».
« Revenir en arrière le temps d’avoir une réflexion globale »
Pour la secrétaire générale du SNUipp-FSU, « ce décret ne résout rien, n’apporte rien, mais permet dans les zones de tensions où l’organisation est insatisfaisante de, peut-être, revenir en arrière le temps d’avoir une réflexion solide pour mettre les temps éducatifs et péri éducatifs autour de l’enfant ». Elle regrette que les réformes successives à ce sujet ne soient pas guidées par le rythme de l’enfant, mais par des problématiques souvent bien éloignées des bancs de l’école, telle l’industrie du tourisme pour le calendrier des vacances scolaires par exemple.
Autre mesure, Jean-Michel Blanquer souhaite ouvrir la possibilité aux élèves de CM2 s’apprêtant à rentrer en 6e des « stages de remise à niveau » d’une semaine, à la fin du mois d’août. « C’est comme si l’école se faisait en dehors de l’école alors que c’est dans la classe avec les copains », commente Francette Popineau, qui fait référence tant à ce stage qu’au dispositif « Devoirs faits » que le ministre compte lancer à la rentrée.
« Penser autrement plutôt que d’entériner les inégalités »
« Il faut des devoirs, y compris au primaire. Mais on sait aussi que cela peut renforcer les inégalités. Pour résoudre ce problème, les devoirs pourront être faits à l’école et au collège », a expliqué Jean-Michel Blanquer au Parisien. Une mesure qui ne convient pas à la secrétaire générale du SNUipp-FSU, plutôt favorable à la circulaire de 1956 qui abolissait les devoirs écrits. Quant aux inégalités, elle regrette surtout qu’elles soient « entérinées » et pense qu’il serait préférable de « penser autrement » : « Un enfant doit pouvoir être autonome lorsqu’il fait ses devoirs, l’école est censée l’avoir préparé à l’être. »
De son côté, la psychosociologue Joëlle Bordet estime que l’aide aux devoirs est insuffisante pour lutter contre les inégalités et souhaite replacer le débat sur la nécessaire « complémentarité entre l’école, la vie culturelle et les loisirs ». Une complémentarité qui peut être le fruit d’un aménagement du temps périscolaire, que le passage de la semaine à 4 jours et demi avait permis.
Joëlle Bordet déplore également la suppression de l’aide aux devoirs apportée par les associations. « Cela permettait un lien avec les parents que ne peut pas avoir l’école directement. Mettre tout dans l’école, c’est se priver d’un tiers essentiel que sont les associations. »
Le redoublement, une « ardoise magique »
Enfin, Jean-Michel Blanquer considère qu’ « il n’est pas normal d’interdire le redoublement. Plutôt fortement limité que supprimé par un décret datant de 2014, le redoublement va donc prochainement être rétabli. Le ministre de l’Éducation a toutefois précisé que ces cas « doivent rester rares » et qu’il doit être possible seulement « dans l’intérêt de l’enfant ». « Le redoublement c’est une ardoise magique », lance Francette Popineau pour souligner les allers-retours effectués par les gouvernements successifs à ce sujet. Elle rappelle que « le redoublement a très rarement fait ses preuves » et qu’il serait préférable de mettre en place des « SAS permettant aux élèves en difficultés de continuer à apprendre ».
Gérard Longuet, membre du groupe de travail du Sénat sur la réforme des rythmes scolaires, est, lui, plutôt « blanquerien » : « Le redoublement n’est pas une solution mais il ne faut pas l’exclure pour autant. » Il préconise en primaire « un contrôle effectif de la maitrise de la lecture car lorsqu’elle est détectée suffisamment tôt, elle permet de sauver le collège ».
Gérard Longuet : « Le redoublement n’est pas une solution mais il ne faut pas l’exclure pour autant »
« Il s’agit de propositions rapides, on n’a pas réfléchi à comment enrayer les situations difficiles », conclut la secrétaire générale de la SNUipp-FSU. Seule la volonté du ministre de mettre en place des chorales dans « toutes les écoles et collèges » la fait sourire. « Je ne suis pas opposée au fait que la rentrée soit joyeuse », poursuit-elle. La mesure ravit moins Joëlle Bordet : « Si c’est utiliser la culture comme encadrement, on est à côté. La culture, c’est un accompagnement. Quelle place donnent-ils au hip-hop, au jazz (…) ? Mais aussi au théâtre, au cinéma, à la créativité par les arts plastiques ? »
Si côté syndicats le scepticisme est de mise, l'opinion publique est, elle, plutôt favorable aux mesures proposées par Jean-Michel Blanquer. Selon un sondage Elabe pour Les Echos et Radio Classique, 52% des Français déclarent « faire confiance » à l'exécutif pour améliorer le système scolaire.