C’est « l’énergie des élèves » qui la motive chaque matin. Elle qui adore l’école depuis son arrivée en France vers l’âge de 7 ans, elle en est désormais à la tête. Depuis quelques années, elle dirige un lycée qui forme aux métiers du verre et du vitrail, dans le 5e arrondissement de Paris. Au cours de sa vie professionnelle, elle a pu constater le changement de comportement des parents vis-à-vis de l’autorité des professeurs.
« J’ai peur qu’on n’arrive à l’enfant-dictateur … »
Malgré la pédagogie à la française, qui reste selon elle « l’une des meilleures », « certains parents se comportent en consommateurs d’école ». Ils « osent remettre en question la pédagogie d’un enseignant, ce n’est pas entendable » pour la proviseure.
Pour Mahi Traoré : « On est passés de l’enfant roi à l’enfant négociateur, bientôt, j’ai peur qu’on n’arrive à l’enfant-dictateur », celui qui dicte le comportement qu’on doit avoir avec lui. Attachée à l’école républicaine, elle appelle tout de même l’institution à « s’adapter, sans pour autant se renier à l’horizon 2030 – 2050 ».
Pour Mahi Traoré, « le retour du religieux est réel »
En tant que proviseure, Mahi Traoré est très attachée à la laïcité. Elle a été marquée par l’assassinat de Samuel Paty, qu’elle qualifie de « 11 septembre de l’Éducation nationale ». Pour elle, « le retour du religieux est réel, le nier serait complètement absurde, il m’inquiète parce que ça veut dire qu’on va séparer nos citoyens dans des silos, des colonnes ».
« J’ai vu aussi une évolution progressive », observe-t-elle : « Des jeunes filles arrivaient à l’école en jogging et se changeaient dans les toilettes pour être comme tout le monde. Lorsqu’elles repartaient, elles se remettaient en jogging pour cacher leurs corps, et surtout pour répondre à une injonction communautaire. C’est ça qui est dangereux », selon Mahi Traoré.
« Je découvre le fait d’être noire de peau, et d’être une femme aussi »
Née à Bamako, Mahi Traoré est arrivée en France, à Clichy-la-Garenne, vers l’âge de sept ans. Elle se souvient du choc qu’elle a vécu. L’école constitue alors un refuge : « Moi j’adore l’école. Quand il y avait les vacances, j’étais malheureuse. Autant vous dire que c’était vraiment mon refuge, notamment le CDI ».
En France, elle a aussi vécu le racisme, à l’instar de son arrivée à La Sorbonne en 1994 : « Je découvre que je suis noire parce que lorsque j’essaye de participer, comme mes camarades, à un débat philosophique dans un café de La Sorbonne, les chaises se resserrent pour m’éjecter du cercle des philosophes. Je découvre le fait d’être noire de peau, et d’être une femme aussi. » Un combat pour la vie ensemble qu’elle n’a jamais abandonné.
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