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Education sexuelle à l’école : Laurence Rossignol demande au ministre de « réfléchir à un programme »

Le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye a affirmé vouloir accentuer les cours d’éducation sexuelle à l’école. Une obligation légale depuis 2001 pourtant mal appliquée voire pas du tout, c'est ce qui ressort des auditions d’une mission sur la pornographie de la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Simon Barbarit

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C’est un objet de polémique qui pointe le bout de son nez régulièrement à la rentrée scolaire : les cours d’éducation à la sexualité. Cette année, c’est Éric Zemmour qui a ouvert les hostilités. L’ancien candidat à la présidentielle, dont l’école est l’un des sujets de prédilection (voir notre article) a appelé, ce week-end, ses partisans à mettre en place « un réseau national de parents vigilants » dans chaque établissement » afin « de ne plus rien laisser passer », citant, « des intervenants extérieurs (apprenant) à votre fille de six ans que si elle le souhaite, elle peut devenir un garçon ».« Des propos d’un professionnel de la polémique qui ne songe pas à l’intérêt des enfants, mais qui songe à sa carrière politique, d’ailleurs mal en point », a répondu, sur Franceinfo, le ministre de l’Éducation. Pap Ndiaye en profite pour rappeler : « Nous devons parler d’éducation à la sexualité à l’école »

« Quand il y en a, ces cours peuvent être totalement inadaptés aux connaissances des élèves »

Pour mémoire, c’est une loi, celle du 4 juillet 2001, qui prévoit la dispense dans les écoles, collèges et lycées de ces « séances d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle ». Mais dans les faits ces séances obligatoires ne sont pas dispensées ou mal. C’est ce qui ressort d’un rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. « Quand il y en a, ces cours peuvent être totalement inadaptés aux connaissances des élèves. Certains collégiens nous ont dit que leurs intervenants en sont encore à dispenser des cours d’anatomie », relate Annick Billon présidente centriste de la délégation aux droits des femmes du Sénat.La délégation a mené pendant 6 mois une mission sur les dérives de l’industrie pornographique et les effets de son exposition de plus en plus précoce sur les mineurs. A ce titre, l’opportunité de ces séances d’éducation à la vie sexuelle avait occupé une bonne partie des auditions.Lire notre article. Porno : « Plus l’exposition des enfants est précoce, plus il y a une banalisation du fait sexuel », alertent les associationsEntre 2018 et 2020, la réalisatrice Ovidie qui a mené une action de prévention sur l’exposition aux images pornographiques dans les établissements scolaires du département de la Charente, a relevé que les deux heures d’enseignement obligatoire à la vie sexuelle et affective n’avaient pas eu d’effets sur les collégiens et lycéens. « Ce sont des discours un peu culpabilisants du type : le porno, ce n’est pas la réalité… Ce type de discours là, c’est un échec », avait-elle tranché devant le Sénat.Pire, Israël Nisand, gynécologue-obstétricien, qui intervient, lui aussi, dans les collèges pour « faire de l’information à la sexualité » a, lui, noté une évolution inquiétante du questionnement des élèves depuis l’apparition des « tubes » pornographiques. « Je suis tombé de l’armoire la première fois qu’un jeune au fond d’une classe m’a demandé : comment se fait-il que les femmes aiment sucer le sexe des animaux ? », relatait-il à la délégation.

« Ces séances ne consistent pas à enseigner une pratique de la sexualité »

L’ancienne ministre des familles de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol (PS), co-rapporteure de la mission au Sénat se réjouit d’entendre « le ministre dire que la loi doit être respectée ». « Mais comme c’est obligatoire, ce serait encore mieux de réfléchir à un programme. Ça permettrait d’éviter les phantasmes de Zemmour et de certains parents d’élèves. Je rappelle que ces séances ne consistent pas à enseigner une pratique de la sexualité. Elles sont d’abord nécessaires à la lutte contre les grossesses non désirées et les maladies sexuellement transmissibles. Nous en avons aussi besoin pour faire de l’éducation au consentement, lutter contre les discriminations et prévenir les violences sexuelles », souligne la sénatrice. L’année dernière, le rapport sur la prostitution des mineurs de la magistrate Catherine Champrenault préconisait d’y intégrer également une sensibilisation aux conduites prostitutionnelles.

Mais qui pour s’en charger ?

« Si c’est aux enseignants de le faire, il faudrait leur dégager du temps et une formation. Les médecins et les infirmières scolaires sont en sous-effectifs. Heureusement, il existe des associations et le planning familial. Mais là encore, il faut des moyens », insiste Annick Billon. Il y a deux ans, la sénatrice avait déposé un amendement au budget, pour une rallonge de 250 000 euros de crédits supplémentaires afin de garantir la tenue effective de trois séances d’éducation à la sexualité par an.« C’est bien que les associations le fassent mais ça peut parfois entraîner des difficultés du fait de leur positionnement idéologique. Il faudrait un système mixte avec des formateurs certifiés. Mais on en revient au même problème, pour ça il faut un programme préétabli », appuie Laurence Rossignol.Marie Mercier, la sénatrice LR, à l’origine de la disposition qui vise à retreindre l’accessibilité des sites pornos aux mineurs estime « que tout ce qui peut permettre une éducation à la sexualité est une bonne chose ». Néanmoins, la sénatrice préférerait que ces cours soient prodigués en dehors des établissements scolaires. « J’ai vu des élèves traumatisés par un cours de SVT où on montre comment mettre un préservatif sur une banane. La classe ce n’est pas forcément le meilleur endroit. Ces enseignements pourraient, par exemple, se faire par petit groupe au sein des maisons de l’adolescent », propose-t-elle.

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