Mouvement ‘bloquons le pays le 10 septembre 2025’
Mourad ALLILI/SIPA

Electeur de Jean-Luc Mélenchon, plutôt diplômé, jeune et issu de ville moyenne : qui se cache derrière « Bloquons tout » ?

Selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, le profil sociologique et politique des partisans de « Bloquons tout » diffère fortement du mouvement des gilets jaunes. Les électeurs de gauche radicale y sont surreprésentés. Peu d’ouvriers et de retraités, mais surtout des cadres, des étudiants et des lycéens, qui n’excluent pas la violence comme mode opératoire.
François Vignal

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Le sujet a occupé les chroniques cet été : « Bloquons tout », un appel à la mobilisation et au blocage généralisé pour le 10 septembre prochain, contre notamment la politique budgétaire de François Bayrou. Alors que la date approche et que ce mouvement suscite nombre d’interrogations sur ses instigateurs, voire sur la crainte d’une instrumentalisation par des influences étrangères, la Fondation Jean-Jaurès a cherché à en savoir un peu plus sur les profils qui se cachent derrière « Bloquons tout ». Selon un sondage RTL, 63 % des Français soutiennent le mouvement.

Seulement 3 % ont voté Marine Le Pen en 2022

Pour cette étude, Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la fondation, a mis en ligne sur les différents groupes Telegram et Facebook du mouvement un questionnaire. Il a reçu 1089 réponses. Il en tire un portrait sociologique et politique de cette mobilisation. Une méthodologie qui a quelques limites : la note précise qu’elle « ne prétend pas à une représentativité parfaite de l’ensemble du mouvement « Bloquons tout », elle donne simplement une indication sur le profil et sur les motivations d’action de ses membres actifs sur ces réseaux en ligne ».

Résultat : il en ressort clairement que les partisans du mouvement sont « des activistes de gauche radicale » et d’extrême gauche, essentiellement des partisans de Jean-Luc Mélenchon, à une large majorité : 69 %, suivi à 10 % de soutiens de l’ex-candidat du NPA, Philippe Poutou (le questionnaire interroge sur le vote au premier tour de la présidentielle 2022), puis du candidat écologiste Yannick Jadot (5 %) et seulement, à 3 %, de Marine Le Pen.

Il ressort également que ces participants de « Bloquons tout » sont très politisés. 71 % disent avoir « beaucoup » d’intérêt pour la politique, contre 19 % dans l’ensemble de la population.

Inégalités et environnement comme préoccupations

L’appel de Jean-Luc Mélenchon à soutenir le mouvement aurait-il pu influencer les choses ? Il n’a en réalité rien changé, selon l’auteur de l’étude. « Si le leader de La France insoumise a annoncé son soutien au mouvement pendant que je menais l’enquête [le 22 août], son annonce n’a pas modifié la démographie des répondants, il n’y a pas eu d’arrivée en masse de militants insoumis, la proximité idéologique était préexistante », souligne dans un entretien au Monde Antoine Bristielle. Les acteurs de « Bloquons tout » « prennent soin de ne relier la mobilisation à aucun parti politique, ce qui est compréhensible. Ils ont le souci d’apparaître autonomes pour que le mouvement soit le plus large possible », ajoute le chercheur.

Sans surprise, trois thèmes marqués à gauche ressortent dans les préoccupations : la montée des inégalités sociales est la première (54 % contre 13 % dans la population générale), suivie par la protection de l’environnement (43 % contre 23 %) et l’avenir du système de santé (30 % contre 19 %). Les sujets identitaires sont très faibles (4 % seulement pour le niveau de l’immigration).

« Le mouvement est particulièrement présent dans les petites et moyennes communes »

Autre fait marquant : il s’agit avant tout d’un mouvement « composé de jeunes et plus précisément de jeunes actifs », avec 26 % de 25-34 ans (contre 15 % dans la population). Ils sont majoritairement des hommes (56 %).

Quant à la localisation, « le mouvement est particulièrement présent dans les petites et moyennes communes : 29 % des répondants vivent dans des villes de 2000 à 20 000 habitants (contre 18 % des Français) et 24 % dans des communes de 20 000 à 99 999 habitants (contre 14 % des Français). À l’inverse, il semble moins présent dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants », précise la note.

« Mouvement profondément différent des « gilets jaunes » »

Nous sommes donc face à « un mouvement profondément différent des « gilets jaunes » » d’un point de vue du profil sociologique et politique, selon l’auteur de l’étude. 27 % disent avoir été un gilet jaune et 61 % disent ne pas avoir été un gilet jaune mais soutenaient le mouvement.

« Les ouvriers et les retraités, deux groupes centraux parmi les « gilets jaunes », sont sous-représentés. A l’inverse, les cadres et les étudiants, les lycéens ou les inactifs y sont surreprésentés. S’il existe une frange modeste, avec 20 % des répondants déclarant disposer de moins de 1.250 euros par mois, Bloquons tout se caractérise par une surreprésentation des catégories intermédiaires touchant 1.251 à 2.000 euros par mois », résume au Monde Antoine Bristielle. Ce qui se retrouve dans le niveau de diplôme : 25 % ont bac + 3/+ 4 et 27 % ont bac + 5 et plus. Les diplômés niveau bac + 3 et bac + 5 sont donc surreprésentés.

Défiance élevée vis-à-vis du système institutionnel

Si beaucoup votent Mélenchon, le niveau de défiance vis-à-vis de la politique est, dans l’ensemble, très élevé en réalité. 76 % estiment que « la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus » (63 % dans toute la population) et 96 % que le système politique fonctionne « plutôt mal en France » (contre 78 % chez tous les Français).

Quant au mode d’action, 44 % des sympathisants de « Bloquons tout » jugent « qu’il est normal que certaines personnes utilisent la violence pour défendre leurs intérêts », contre 22 % dans la population.

Au regard des résultats de son enquête, Antoine Bristielle pense que le mouvement, s’il reste en l’état, ne connaîtra pas le même succès que les gilets jaunes. « Je me garderai bien de faire des pronostics, mais j’ai du mal à penser qu’une mobilisation aussi marquée politiquement puisse avoir la même répercussion qu’un mouvement « creuset » comme l’était celui des « gilets jaunes », affirme le directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean Jaurès. Réponse le 10 septembre.

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