Elections : au Sénat, une proposition de loi pour mettre fin à la pratique du « parachutage »

Elections : au Sénat, une proposition de loi pour mettre fin à la pratique du « parachutage »

Le LR Olivier Paccaud propose de modifier le Code électoral pour les parlementaires : les aspirants députés ou sénateurs ne pourront candidater dans une circonscription que s’ils y sont déjà électeurs où s’ils y payent des impôts.
Romain David

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Le sénateur Les Républicains Olivier Paccaud a déposé le 21 septembre une proposition de loi (PPL) visant à interdire « le parachutage » lors des élections législatives et sénatoriales. Cette pratique consiste pour un candidat à se lancer dans une circonscription où il dispose de peu, voire d’aucune attache locale. Une décision généralement pilotée par les appareils partisans pour occuper le terrain face à leurs rivaux. « Trop souvent accusés d’être hors-sol et loin des réalités locales, les élus nationaux font face à une défaveur grandissante dont le remède semble résider dans le lien qu’ils ont à justifier et à cultiver auprès de leurs électeurs », argue l’exposé des motifs de la PPL. « J’ai eu l’idée de ce texte après avoir été interpellé sur le sujet par le maire d’Orry-la-Ville », précise à Public Sénat Olivier Paccaud. « On reproche aux élus d’être hors sol, déconnectés des réalités. C’est très souvent injuste, mais parfois exact. Inversement, on remarque que plus l’élu est proche, moins la défiance est grande. De ce point de vue, les maires caracolent souvent en tête du palmarès des élus les plus appréciés. »

L’objectif de ce texte est donc de renforcer le lien entre élus et électeurs en mettant fin au nomadisme électoral. Le Code électoral prévoit déjà certaines dispositions en ce sens, en interdisant notamment de candidater dans plusieurs circonscriptions en même temps. La proposition de loi ajoute deux contraintes supplémentaires : être inscrit sur les listes électorales ou bien payer des contributions directes communales dans la circonscription concernée. « Par souci d’équité et de cohérence et en vertu de la règle générale qui leur rend applicable les dispositions relatives à l’éligibilité des députés, les sénateurs feront l’objet de ces mêmes obligations. Moins coutumiers de cette pratique qualifiée d’aussi vieille que la République, les membres de la chambre haute du Parlement ne sauraient néanmoins faire l’économie de cet impératif de proximité et de cette faculté à comprendre leur territoire », précise le texte.

Des représentants de la Nation

L’article 24 de la Constitution rappelle que les sénateurs « assurent la représentation des collectivités territoriales de la République ». Il n’y a aucune précision quant au devoir de représentativité des députés, mais une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 15 mars 1999 indique que « si députés et sénateurs sont élus au suffrage universel, direct pour les premiers, indirect pour les seconds, chacun d’eux représente au Parlement la Nation tout entière et non la population de sa circonscription d’élection ». La modification organique proposée par Olivier Paccaud pourrait donc se voir reprocher de renforcer le caractère local d’un mandat qui n’est pas supposé l’être. « Le texte pourrait buter sur cet élément, c’est possible, mais ce n’est pas mon interprétation », défend l’élu. « La Constitution a fait ses preuves. Néanmoins, elle a été régulièrement modifiée pour s’adapter aux défis du temps. Les raisonnements d’il y a 50 ans ne sont peut-être plus d’actualité. »

Concernant la contribution fiscale et l’acquittement des contributions communales comme critère alternatif de candidature, la suppression de la taxe d’habitation en limite désormais le nombre à deux : la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises. Cette mesure restreint donc la possibilité de candidater dans une circonscription aux seuls propriétaires. « Effectivement », concède encore Olivier Paccaud. « Mais la proposition de loi est tout à fait amendable et améliorable, sur ce point notamment ».

Pirouette électorale

Certains cas de parachutage sont restés dans les annales. Celui de Michel Debré en particulier. Le père de la Constitution de la Cinquième République a été député de La Réunion entre 1963 et 1988, étant à la même période à la fois maire d’Amboise et conseiller général d’Indre-et-Loire. Au milieu des années 1960, le Parisien Jacques Chirac s’implante en Corrèze d’où est originaire la famille de sa mère, avant de s’y faire élire député en 1967.

Les dernières législatives ont également charrié leur escadron de parachutés : les candidates Nupes Sandrine Rousseau et Clémence Guetté en Île-de-France, ou encore le bras droit de Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, dans les Bouches-du-Rhône. Du côté de l’exécutif aussi : candidate dans la 6e circonscription du Calvados, Élisabeth Borne avait invoqué son grand-père maternel, Marcel Lescène, maire de Livarot.

Mais l’atterrissage n’est pas toujours garanti. Jean-Michel Blanquer avait été copieusement raillé après avoir eu toutes les peines du monde à justifier, sur BFMTV, sa candidature dans le Loiret. L’ancien ministre de l’Education national y a finalement essuyé un sérieux revers, arrivé en troisième position au premier tour. Il a toutefois déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. L’ex-ministre des sports, Roxana Maracineanu, s’est également cassé les dents dans la 7e circonscription du Val-de-Marne face à l’insoumise Rachel Keke, porte-parole des femmes de chambre en grève de l’hôtel Ibis Batignolles. Chou blanc aussi pour Éric Zemmour, le fondateur de Reconquête, qui a tenté de s’implanter dans le Var.

« Aux dernières législatives, trois partis en ont été les champions du monde du parachutage : LFI, le RN et LREM »

Olivier Paccaud avait déjà dénoncé ce type de pratique lors de la législative partielle de 2021 dans la 1ère circonscription de l’Oise, son département d’élection. Auprès du Parisien, le sénateur s’était étonné de voir Victor Habert, 28 ans, désigné par LR pour prendre la suite de son oncle, le député Olivier Dassault, tué quinze jours plus tôt dans un crash d’hélicoptère. « En 20 ans de présence au côté d’Olivier Dassault, je n’ai jamais vu Victor Habert dans l’Oise ! », s’était agacé Olivier Paccaud. « Le parachutage ne date pas d’aujourd’hui, la pratique est présente sur tous les bords de l’échiquier politique », observe encore l’élu auprès de Public Sénat. « Mais aux dernières législatives, trois partis en ont été les champions du monde : LFI, le RN et LREM », ajoute-t-il.

Deux propositions de loi similaires ont été déposées à l’Assemblée nationale en 2017, également portées un LR, le député Jean-Carles Grelier. À l’époque, l’initiative visait Jean-Luc Mélenchon parti en campagne à Marseille. Cinq ans plus tard, le fondateur de la France insoumise a rendu son écharpe de député… et les deux textes attendent toujours d’être fixé à l’agenda du Palais Bourbon.

Dans la même thématique

Elections : au Sénat, une proposition de loi pour mettre fin à la pratique du « parachutage »
2min

Politique

Félicitations de Guillaume Kasbarian à Elon Musk : « Un challenge méprisant et provocateur » à l’endroit des fonctionnaires, dénonce un sénateur socialiste

Au détour d’une question sur l’Education nationale, le sénateur socialiste de Seine-Saint-Denis, Adel Ziane a brocardé le ministre de la fonction publique Guillaume Kasbarian qui a félicité sur le réseau social X, Elon Musk après sa nomination par Donald Trump à la tête d’un ministère de l’« efficacité gouvernementale » pour « démanteler la bureaucratie gouvernementale ».

Le

FRA – ASSEMBLEE – QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
3min

Politique

Procès du RN : pourquoi l’avenir politique de Marine Le Pen pourrait être menacé d’une peine d’inéligibilité

À l’heure des réquisitions dans cette affaire de détournement de fonds publics, Marine Le Pen risque jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Elle pourrait aussi se voir priver de candidature à la prochaine présidentielle, en raison de la loi Sapin II votée sous François Hollande, et mal prise en compte par la défense, qui impose des peines obligatoires d’inéligibilité pendant cinq ans en cas de condamnation.

Le