Les candidats antisystème du Mouvement 5 Étoiles sont arrivés en tête des élections législatives, dimanche en Italie, avec environ 35% des voix. Mais en additionnant les partis, c’est bien la coalition entre Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Ligue, le parti d'extrême droite anti-européen de Matteo Salvini, qui est en tête. Le centre-gauche, du Premier ministre Matteo Renzi, est le grand perdant du scrutin. Pays ingouvernable, progression des populismes : les politiques français ont réagi pour la plupart avec inquiétude face à cette nouvelle donne de l’autre côté des Alpes.
À la mi-journée, le président de la République, Emmanuel Macron, a mis en avant le contexte de « forte pression migratoire », pour commenter les résultats des élections en Italie.
Peu de membres du gouvernement ont réagi dans les médias ou sur les réseaux sociaux à l’annonce des résultats en Italie. Pour la ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, le principal enseignement du scrutin est que l’Italie, « pays fondateur de l’Union européenne », soit « dans une phase d’euro-déception ». Après une crise économique « majeure », avec un « niveau de chômage élevé », puis un « afflux migratoire qu’il n’a jamais connu dans son histoire, le pays « s’est senti seul, abandonné par l’Union européenne », a expliqué la ministre sur France Info. Elle a appelé à « traiter ensemble, de façon rationnelle, des enjeux qui se traitent au niveau du continent » et encourage à « redonner la parole aux citoyens sur l’Europe ».
Christophe Castaner, le secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, s’inquiète également des résultats, et estime que la France n’en tirera pas parti. « Nous ne sommes pas renforcés quand il y a un affaiblissement de l’Europe », a-t-il réagi sur LCI. Pour lui, la « victoire des populistes » est un « mal qui menace partout en Europe ».
« L’Europe doit se réveiller vite »
Chez Les Républicains, le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi a tiré la sonnette d’alarme, constant que le cas italien était loin d’être isolé. « L’Europe doit se réveiller vite et prendre de vraies décisions, tant au niveau agricole, social que migratoire. Ne pas agir, c’est se préparer à un choc frontal aux élections européennes de 2019. »
La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a partagé sur France Inter les mêmes craintes : « Cet euroscepticisme est source de grande instabilité pour le continent, après le vote pour le Brexit, la situation compliquée à gérer en Espagne avec la Catalogne, et aujourd'hui on voit l'Italie entrer dans une période de turbulences, c'est très inquiétant ».
Chez les centristes, l’eurodéputé Jean Arthuis (allié de LREM) a constaté que l’Italie entrait « à son tour en instabilité politique pour être gouvernée ». « Face aux flux migratoires, l’UE n’a pas été à la hauteur de sa vocation. Incapable de sortir de l’accord de Dublin, au nom du respect de la souveraineté nationale. L’Italie en a subi les conséquences », selon lui.
Au Parti socialiste, le séisme des résultats italiens a également été ressenti, après la défaite du Parti démocrate. C’est « une alerte pour nous tous », a déclaré Olivier Faure, le patron des députés socialistes, et l’un des quatre candidats pour prendre la tête du PS. « Il existe une colère qui n’est pas maîtrisée. La social-démocratie n’a pas su prendre le virage de la globalisation et donne aujourd’hui le sentiment d’une impuissance par rapport à ces grands mouvements ».
« Ce week-end européen démontre – s’il en était besoin – la nécessaire refondation de la social-démocratie en Europe. Nous devons repenser et réaffirmer nos valeurs, vision et réponses de gauche. Le Parti socialiste prendra ses responsabilités. Le Parti socialiste européen doit faire de même », a tweeté le coordinateur du PS et sénateur Rachid Temal.
« Renzi est le principal responsable »
Membre du mouvement Génération.s, fondé par Benoît Hamon, le député européen Guillaume Balas a pointé la responsabilité du chef du gouvernement italien Matteo Renzi dans ce « désastre électoral », à cause de sa « conversion au centrisme libéral ». « Il faut maintenant créer une nouvelle force progressiste européenne », a-t-il appelé.
La politique du chef du gouvernement de centre-gauche Matteo Renzi a également été pointée par Yannick Jadot, eurodéputé EELV. « Renzi superstar il y a trois ans en prétendant réunir tous les réformistes « efficaces », est réduit aujourd’hui au rôle de spectateur d’une débâcle démocratique. À méditer ! » Citant tous les précédents européens, du Royaume-Uni à la Hongrie en passant par la Pologne ou encore l’Autriche, il a ajouté : « Les mêmes politiques génèrent les mêmes crises sociales et identitaires. Il va nous falloir refaire de l’Europe un grand projet de civilisation, écologique, démocratique et solidaire ! »
« Une nouvelle étape du réveil des peuples »
Sur notre antenne ce matin, le secrétaire national du Parti communiste français a vu dans les résultats en Italie « le signe d’une crise politique grave » et « très profonde ». Pour le sénateur de Paris, la question de l’immigration a certes « occupé une grande place dans le débat » mais « elle n’est pas la seule ». « Il y a derrière ça, aussi, la grande crise sociale : le chômage, la précarité, le développement de la pauvreté ».
Député de la France insoumise, Alexis Corbière a inscrit les résultats en Italie à « un mouvement de dégagisme au niveau européen ». « Il faut un mouvement humaniste, progressiste et citoyen, représenté en France par la France insoumise pour faire face à un populisme de droite », a-t-il ajouté.
Plusieurs responsables du Front national ont, en revanche, affiché leur satisfaction après cette journée électorale, et ont adressé plusieurs messages de félicitations aux électeurs italiens. « La progression spectaculaire et l'arrivée en tête de la coalition de La Ligue emmenée par notre allié et ami Matteo Salvini [le leader de la Ligue, NDLR] est une nouvelle étape du réveil des peuples ! Chaleureuses félicitations », a ainsi tweeté Marine Le Pen. Plus tôt, elle avait anticipé que l’Union européenne allait « passer une mauvaise soirée ».
Le sénateur FN Stéphane Ravier a mis lui en avant un « scrutin riche d’enseignements », citant notamment « l’alliance des droites inédites », qui a réuni les candidats de Silvio Berlusconi et ceux de la Ligue.
Quant au maire de Béziers, Robert Ménard (apparenté au Front national), il considère que ce « triomphe des "populistes" » montre que l’Europe bascule.