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Elections européennes : le risque du « vote sanction » pour la majorité présidentielle largement distancée par le RN

Sondage après sondage, l’écart entre la liste RN et le camp présidentiel semble résister à toute érosion. Public Sénat fait le point sur les dernières enquêtes d’opinion.
Romain David

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À quatre mois des européennes, le paysage électoral apparaît complètement figé. Les dernières enquêtes d’opinion confirment le rapport de force installé depuis plusieurs mois : à savoir la forte avance du Rassemblement national, qui caracole autour de 30 % d’intentions de voix, suivi de très loin par la majorité présidentielle, généralement sous les 20 %. Puis vient le bloc de gauche, avec des listes écolo, socialiste et insoumise dont le score oscille entre 7 et 10,5 %. Si traditionnellement la campagne des européennes se joue en quelques semaines, la crise des agriculteurs semble avoir anticipé le duel entre « progressistes » et » nationalistes », en reposant le débat autour du poids des directives européennes sur la politique nationale. Sans créer pour autant de rupture significative avec les dynamiques déjà en place, en dépit de la batterie de mesures présentées par l’exécutif en faveur des agriculteurs, ou le concert de critiques des oppositions.

Un sondage Elabe pour La Tribune et BFMTV publié samedi place la liste RN emmenée par Jordan Bardella à 27,5 % des intentions de vote, suivi de très loin par le camp présidentiel (Renaissance, MoDem et Horizons), à 16,5 %. Les Vert, le PS (allié avec Place publique) et LFI sont à touche-touche pour occuper la troisième marche du podium, respectivement à 9,5 et 9 % pour les deux autres listes. De son côté, François-Xavier Bellamy, fraîchement désigné pour conduire la campagne des LR, ne parvient pas à déjouer les mauvais scores de 2019, avec seulement 8 % des voix.

Publiée dimanche soir, une enquête Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio vient appuyer ce tableau. La liste du RN glane entre 28 et 29 %, selon les candidatures qui lui sont opposées. Dans la mesure où le candidat qui mènera la campagne de la majorité n’est toujours pas connu, l’institut teste trois hypothèses : l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, l’ancien ministre des Transports Clément Beaune et l’eurodéputée Valérie Hayer. Toutefois, aucun de ces noms ne permet à la majorité de passer la barre des 20 %. À gauche, la liste PS-Place publique de Raphaël Glucksmann oscille entre 9,5 et 10,5 % des voix, celle des écologistes conduite par Marie Toussaint entre 8 et 8,5 %, et l’écurie LFI, pilotée par Manon Aubry, ne dépasse pas les 8 %. LR, de son côté, plafonne à 7,5 %.

La majorité cherche sa tête de liste

Rappelons que les sondages n’offrent qu’une photographie à un instant T, et n’ont aucune valeur prédictive quant au scrutin du 9 juin prochain. D’autant que les projections sont en partie brouillées par l’absence de tête de liste du côté de la majorité. L’hypothèse Stéphane Séjourné, un temps évoquée, n’est plus d’actualité depuis que l’eurodéputé, président du groupe Renew au Parlement européen, a été nommé au ministère des Affaires étrangères. À présent que le gouvernement Attal est au complet, la majorité a le champ libre pour désigner son chef de file, mais le casting a pris des allures de casse-tête.

Le 6 février, Julien Denormandie a balayé sur franceinfo l’hypothèse d’un retour en politique. L’éventualité d’une candidature de Clément Beaune, qui a été en charge du portefeuille de l’Europe à la fin du premier quinquennat, est battue en brèche par ses critiques contre la loi immigration, ce qui lui a sans doute coûté sa place au sein du gouvernement. Notons que début janvier, l’ancien ministre s’est fendu d’une tribune dans les colonnes du Point pour revendiquer l’héritage de Jacques Delors. Une manière de candidater ? Outre Valérie Hayer, peu connue du grand public, les noms d’Olivier Véran, l’ancien porte-parole du gouvernement, et de Laurence Boone, ex-secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, ont également circulé.

« Il y a toujours un petit rebond électoral, lorsque la tête de liste est identifiée. Pour l’exécutif, ce sera une clef d’ajustement, d’autant que ses marges de manœuvre sont assez limitées. Le bilan d’Emmanuel Macron les discrédite sur les principaux thèmes de campagne : l’inflation, le pouvoir d’achat et l’immigration », relève auprès de Public Sénat Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa. « À ce stade, on ne voit pas de leader se dégager nettement. Depuis 2017, cette majorité n’arrive plus à installer des gens avec une forte aura, avec une forte personnalité politique », constate Virginie Martin, docteure en science politique et professeure chercheuse à la Kedge Business School.

Une droitisation de l’électorat

Lors du précédent scrutin, en 2019, le RN et Renaissance avaient fait la course en tête, décrochant tous les deux 23 sièges. Cette année, le parti à la flamme tricolore a pris le large dans les enquêtes d’opinion, porté à la fois par une tête de liste populaire – Jordan Bardella arrive à la quatrième position dans le baromètre Odoxa de janvier des personnalités politiques préférées des Français, juste derrière Marine Le Pen -, et une actualité qui place les sujets de prédilection du parti au cœur des préoccupations des Français.

« Ce rapport de force n’est pas nouveau, il a été installé en 2019, et même avant, en 2014. Il confirme la place du RN dans l’opinion comme principale alternative au pouvoir », relève auprès de Public Sénat Frédéric Dabi, directeur général à l’Ifop. « Le socle électoral du RN s’est considérablement élargi. En dehors des cadres supérieurs, il n’a plus de véritable faiblesse électorale. Son score le plus impressionnant se situe chez les retraités, au-delà des 20 %, alors qu’il s’agissait d’une terre inconnue pour le parti co-fondé par Jean-Marie Le Pen. »

« La transformation de la bonne image dont bénéficie Jordan Bardella dans l’opinion en intentions de vote est difficilement quantifiable. En revanche, le parti profite d’un travail au long cours. La stratégie de respectabilisation mis en place après les législatives a été plutôt payante », observe Erwan Lestrohan. « Malgré la remontée du sentiment européen en 2022, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le scrutin semble plus centré sur les enjeux nationaux qu’en 2019. Dans un contexte post-covid, le curseur électoral s’est très nettement déplacé à droite : les questions de souveraineté et de protection des ménages face à la crise sont devenues centrales ».

« On parle de plus en plus dans le débat public de droit du sol, de souveraineté… autant de mots-clefs qui sont ceux du RN depuis des années », note également Virginie Martin.

Le score relativement honorable de la liste Reconquête, emmenée par Marion Maréchal (5 % chez Elabe et jusqu’à 6,5 % dans l’enquête Ifop-Fiducial), en dépit de la très forte dynamique de son principal concurrent, le RN, est d’ailleurs un autre symptôme de cette droitisation. « C’est un vote qui n’est pas à considérer comme une antichambre du RN. Il montre que le discours décliniste d’Éric Zemmour a permis de constituer un socle électoral », pointe Frédéric Dabi. Au sein de ce panorama, LR apparaît pris en étaux entre ces différentes forces et ne parvient pas à trouver l’oxygène nécessaire pour s’approcher des 10 %.

La tentation du vote sanction

À rebours de l’extrême droite, la majorité pâtit d’une forme d’essoufflement après sept années passées au pouvoir. L’élection de juin prochain, la première depuis la présidentielle, pourrait tourner au plébiscite pro ou anti-Macron dans un moment critique pour l’exécutif, à la recherche d’une nouvelle dynamique. « Ces élections vont avoir un statut particulier de ‘mid-term’ », sourit Frédéric Dabi. « Sauf dissolution, ce sera le seul scrutin national du quinquennat, ce qui maximise les envies de vote sanction. »

La nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre a été analysée par de nombreux commentateurs comme une manière d’installer un duel entre deux jeunes héritiers au parcours politique fulgurant. « L’effet de souffle provoqué par l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon pourrait provoquer un rebond. Mais il est encore trop tôt pour connaître l’espace politique que le Premier ministre sera en mesure d’occuper, alors qu’une majorité de Français doute de son autorité. Face à cela, le binôme Bardella-Le Pen se démarque par sa complémentarité ; l’émergence de l’un ne nuit pas à la popularité de la seconde », analyse Erwan Lestrohan.

Un bloc de gauche morcelé, sans véritable locomotive

À gauche, aucune liste ne se démarque, ni ne baisse au profit d’une autre – à l’exception de la liste PCF, qui pourrait ne pas franchir le seuil symbolique des 5 % – ce qui confirme la segmentation des préférences électorales de ce côté de l’échiquier politique. « Il y a une incertitude sur l’ordre d’arrivée. Traditionnellement, la campagne des européennes est plutôt courte et il pourrait y avoir de la volatilité électorale en fin de parcours, mais ce rapport de force assez figé apparaît déjà comme une sanction pour LFI, qui a été la force dominante à gauche depuis 2017 », note Frédéric Dabi. « Depuis l’éclatement de la Nupes, LFI se voit privée des éléments, le PS et EELV, qui lui ont permis d’atténuer son logiciel et d’élargir. Il faut se souvenir que ce sont les insoumis qui voulaient des listes communes », rappelle la politologue Virginie Martin.

Les Verts accusent un certain retard par rapport à 2019, et pourraient perdre jusqu’à huit sièges avec une tête de liste – Marie Toussaint – moins connue du grand public que son prédécesseur, Yannick Jadot, qui avait participé à la présidentielle. Son profil plus radical a pu faire fuir les électeurs de centre gauche qui s’étaient tournés vers le vote écologiste au dernier scrutin. Inversement, « la liste PS-Place publique arrive à capitaliser à la fois chez l’électorat potentiel de Jean-Luc Mélenchon et celui d’Emmanuel Macron, dont respectivement 23 et 10 % des électeurs se disent prêts à la soutenir », souligne Frédéric Dabi. Une spécificité qui toutefois ne permet pas aux socialistes, à ce stade, de se distinguer de leurs principaux concurrents de gauche.

Notons que le PCF, dont la liste arrive en queue de classement parmi les principaux partis politiques (3 à 3,5 % d’intentions de vote chez Ifop-Fiducial, 2,5 % du côté d’Elabe), pourrait finir sans aucun siège.

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