« Ne vous inquiétez pas. Nous ferons nos calculs nous-mêmes ». Interrogée sur la circulaire polémique du ministère de l’Intérieur qui donne l'instruction aux préfets de préciser les nuances politiques des candidats uniquement dans les communes de plus de 9 000 habitants, la sénatrice LR, Laure Darcos semble avoir trouvé la parade. Mais pour les observateurs du scrutin, le soir du second tour des élections municipales risque de tourner au casse-tête. En effet, malgré les résultats des scrutins connus, bien malin celui qui pourra dire quelle formation politique en sortira gagnante.
« Une forme de machiavélisme politique »
Circulaire Municipales: Laure Darcos dénonce le Machiavélisme politique du gouvernement"
« Beaucoup de maires se basent sur leur bilan. Beaucoup de candidats qui se présentent pour la première fois se basent sur leurs personnalités plutôt que sur une étiquette politique. Maintenant, je pense que derrière ça (cette circulaire), il y a une forme de machiavélisme politique qui est d’avoir compris que peu de marcheurs pourront montrer leur propre liste. Et d’une certaine manière, c’est pouvoir effacer l’étiquette des Républicains ou de l’UDI ou de partis plus traditionnels au soir du second tour » analyse Laure Darcos.
Cette inquiétude des formations traditionnelles remonte à quelques semaines. En décembre, le contenu d’une circulaire du ministère de l’intérieur transmise aux préfets fuite dans la presse. Le document leur donne instruction pour les communes de moins de 9 000 habitants, soit près de 97% des 35 382 communes de France, d’arrêter de donner une attribution politique aux maires nouvellement élus qui n’auront pas donné d’étiquette politique lors du dépôt de leur liste.
Moins de 9 000 habitants : « L’appartenance politique n’est pas indispensable »
Municipales: Christophe Castaner propose de "fixer un seuil en deçà duquel l’appartenance politique n'est pas indispensable"
Lors des questions d’actualités au gouvernement du 9 octobre dernier, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner avait décrit « le travail de nuançage » des préfets. « La préfecture ou la sous-préfecture interroge le candidat pour qu’il précise dans quelle catégorie politique il entend être inscrit. Effectivement, si le candidat ne le souhaite pas, il y a la possibilité pour le préfet de rechercher un certain nombre d’éléments (connaissance historique des candidats, programme du candidat, investiture ou soutien reçu NDLR) qui permettent de donner une attribution politique. Et nous le savons tous, en particulier au Sénat, que ce système n’est pas particulièrement adapté » avait-il jugé avant d’annoncer : « Nous pourrions parfaitement envisager de fixer un seuil à 3500 ou 9 000 habitants en deçà duquel l’appartenance politique aux grands courants que nous connaissons n’est pas indispensable ».
« Dans les communes de moins de 9 000 habitants ce sont les intérêts communaux qui priment »
Il était interrogé à l’époque par le sénateur du groupe République et Territoire, Dany Wattebled, qui aujourd’hui est satisfait de la fixation de ce seuil même s’il aurait souhaité « aller plus haut ». « Dans les communes de moins de 9 000 habitants ce sont les intérêts communaux qui priment » assure-il. « Et même dans les communes où la population est plus élevée, vous connaissez beaucoup de listes avec des sigles politiques ? » Et lorsqu’on l’interroge sur l’illisibilité de la carte électorale au soir du second tour, « On dira que c’est la démocratie qui a gagné » sourit-il.
« C’est une médiocre manœuvre politique »
Municipales: André Laignel dénonce « une médiocre manœuvre politique »
D’autres ne rient pas. Comme André Laignel, premier vice-président socialiste de l’Association des maires de France. « C’est une médiocre manœuvre politique. C’est vrai que La République en marche risque d’avoir des résultats qui ne sont pas vraiment brillants aux élections municipales et ils essaient tout simplement de les masquer. Ce n’est pas très fair-play, ni très sérieux » a-t-il déploré en marge des vœux de l’association Territoires Unis au Sénat.
La circulaire prévoit également 22 nuances de classement allant de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par gauche, droite ou centre. La circulaire prévoit également une nouvelle nuance, LDVC (pour liste « Divers Centres » à savoir celles qui ont reçu l’investiture de plusieurs partis (République en marche, MoDem, etc.). Cette attribution politique pourrait même être accolée aux listes qui n’ont pas été investies par la majorité présidentielle mais qui ont reçu un simple soutien. « Où va-t-on classer une liste menée par un maire sortant LR ou PS mais face à qui LREM n’a pas mis de candidat » s’interroge Dany Wattebled. Une question qui se posera, par exemple, en cas de victoire de Jean-Luc Moudenc à Toulouse ou de Christian Estrosi à Nice.
La semaine dernière devant l’association de la presse parlementaire, Gérard Larcher a dit craindre une « dénaturation de l’élection municipale ». Le président du Sénat avait « attiré solennellement l’attention du Premier ministre » sur « cette circulaire » qui d’après lui « n’est pas conforme aux valeurs démocratiques qui sont les nôtres » avant de demander une réécriture de la circulaire ou son examen par le Conseil d’État.