Elections régionales en Paca: « Avec cette alliance, Renaud Muselier s’est fait piéger par Jean Castex »

Elections régionales en Paca: « Avec cette alliance, Renaud Muselier s’est fait piéger par Jean Castex »

L’alliance entre Renaud Muselier et la République en marche dès le premier tour des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur fracture encore un peu plus la droite. Les Républicains tiendront demain matin un comité stratégique en présence du président sortant de la région. En plus de lui retirer l’investiture LR, le parti pourrait décider de monter une liste contre lui. Plusieurs sénateurs LR comme Marc-Philippe Daubresse y sont favorables.
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La droite n’avait vraiment pas besoin de cela. Alors que le parti peine encore à exister face à Emmanuel Macron depuis la défaite de François Fillon en 2017, et qu’il n’est toujours pas en mesure de se ranger derrière un champion incontestable et incontesté à un an du scrutin présidentiel, les Républicains poursuivent leur descente aux enfers.

La sortie du Premier ministre hier dans le JDD a fait l’effet d’une bombe politique à droite. « La majorité présidentielle répond très favorablement à l’initiative de Renaud Muselier », a révélé Jean Castex, confirmant ainsi l’alliance passée entre le président LR sortant de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et la République en marche. L’objectif ? Faire barrage au Rassemblement national de Thierry Mariani dès le premier tour des élections régionales qui auront lieu les 20 et 27 juin prochains.

Une liste commune entre Renaud Muselier et la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées Sophie Cluzel, qui a aussitôt vivement fait réagir à droite. A commencer par Christian Jacob, le président des Républicains qui s’est empressé d’annoncer hier que le patron du conseil régional de Paca ne pourrait plus « bénéficier de l’investiture LR ».

 

Les candidats de droite aux élections régionales en Ile-de-France et dans les Hauts de France, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand ont également condamné le choix de leur collègue marseillais de céder aux sirènes macronistes. Tout comme l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy, vent debout ce matin sur le plateau de Public Sénat. L’ex-tête de liste des Républicains aux dernières élections européennes a notamment dénoncé « des jeux d’appareils qui écœurent les électeurs ».

 

« Macron utilise le RN comme un tremplin »

« De basses manœuvres de la part d’Emmanuel Macron » que dénoncent de nombreux sénateurs LR de la région. « Cet accord signe l’échec de la République en marche, qui pour exister, a besoin de piquer des talents à droite comme Renaud Muselier. Mais cette alliance contre nature prouve surtout que Marine Le Pen est l’assurance vie d’Emmanuel Macron pour 2022 », confie un sénateur de la région, qui se dit « triste pour sa famille politique et surtout triste pour les Français ».

Un sentiment que partage la sénatrice LR des Alpes-Maritimes, Dominique Estrosi Sassone. « Emmanuel Macron continue de vouloir faire de Marine Le Pen son unique adversaire pour 2022 et il utilise clairement le scrutin des régionales comme précampagne. Il ne veut pas faire barrage au RN, il en fait son tremplin », lance-t-elle, très remontée.

Pour le sénateur et membre du bureau politique du parti, Marc-Philippe Daubresse, « Renaud Muselier s’est fait piéger par Jean Castex qui a instrumentalisé les élections régionales en Paca ». L’ancien ministre et proche de Xavier Bertrand est persuadé que cet accord va « faire perdre des points à Renaud Muselier car la politique gouvernementale est rejetée massivement par les Français ».

Renaud Muselier « : Personne ne peut douter de ma loyauté »

Une levée de boucliers de sa propre famille politique qui a obligé Renaud Muselier à calmer le jeu à l’issue d’un déplacement dans la vallée sinistrée de la Roya, en compagnie du maire de Nice, Christian Estrosi. « Personne ne peut douter de ma loyauté, de ma fidélité à l’égard de ma famille politique », a plaidé le président de la région PACA en assurant qu’il n’avait « jamais demandé » l’investiture LR, mais « le soutien » de son parti. Renaud Muselier a également assuré qu’aucun ministre ne figurerait sur sa liste. Une déclaration qui implique donc que la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel, qui devait mener la liste LREM en PACA, devra quitter le gouvernement si elle veut se présenter sur la liste de Renaud Muselier. « Que les choses soient bien claires : cette liste sera d’abord celle de la majorité régionale actuelle, dont chacun reconnaît le bilan », a-t-il martelé.

« La solution de la sagesse »

Mais les élus LR ne sont pas tous critiques avec la décision de Renaud Muselier de faire alliance avec la majorité présidentielle. Certains sénateurs LR de la région comme Jean Bacci soutiennent sa « solution de la sagesse ». « L’accord avec LREM est la meilleure des solutions pour ne pas laisser la région aux mains du Rassemblement national. On ne pouvait pas prendre le risque de ne pas être qualifiés pour le second tour. Il est certain que le président de la République tire profit de tout ça et divise un peu plus la droite, mais il fallait vraiment se débarrasser des étiquettes politiques contre le RN, car de toute façon les Républicains sont en train de mourir », lâche le sénateur LR du Var.

Même son de cloche pour le sénateur de l’Hérault voisin, Jean-Pierre Grand, qui « ne voit pas de différence dans la gestion d’une région par Renaud Muselier ou par la République en marche ». « Tous ceux qui s’emportent aujourd’hui à droite contre cette alliance sont ceux qui ont empêché Alain Juppé de prendre la place de François Fillon en 2017. La droite n’a pas besoin des autres pour perdre », fustige celui qui « préfère que sa famille politique soit claire face au RN dès le premier tour ».

Un comité stratégique sous haute tension

Mais les sénateurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sont nombreux à ne pas vouloir s’exprimer publiquement sur le sujet.

La raison invoquée ? La tenue d’un comité stratégique au siège parisien du parti demain à 8h30, en présence, sauf surprise, de… Renaud Muselier.

Valérie Boyer, la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône participera demain à cette réunion décisive pour l’avenir de la droite dans la troisième région de France et veut donc rester prudente. « Je ne vais pas commenter le commentaire. Je ne fais pas de la politique pour ça », râle-t-elle, dépitée par la situation.

« Il faut monter une liste LR contre Muselier »

Il faut dire que les enjeux de cette réunion sont énormes pour l’avenir de la droite dans la région, mais aussi au niveau national à un an de l’élection présidentielle. « Il y a deux lignes qui s’opposent au sein de la direction du parti. Ceux qui pensent encore pouvoir convaincre Renaud Muselier de faire machine arrière, et ceux qui savent que c’est trop tard et qui veulent le sanctionner en montant une liste LR adverse », confie un cadre influent des Républicains.

« On ne peut pas se contenter de dire qu’on lui retire l’investiture. Comme je pense que Renaud Muselier ne changera pas d’avis, je suis favorable à ce qu’on monte une liste LR contre lui pour qu’il retire son alliance avec la République en marche », assure Marc-Philippe Daubresse.

Une ligne partagée par Bruno Retailleau. « La droite ne peut pas laisser faire ces petites manœuvres d’appareils. Nous devons constituer une liste en Paca pour porter haut nos couleurs et redire que nos convictions ne sont pas à vendre contre un accord électoral contre nature ou quelques portefeuilles ministériels », a tweeté le patron de la droite sénatoriale.

 

Jean Leonetti : « David Lisnard peut porter cette liste »

Parmi les élus qui défendent haut et fort ce projet de liste, on retrouve aussi l’ancien ministre et actuel maire d’Antibes, Jean Leonetti. « Je ne désespère pas de convaincre Renaud de changer d’avis. Surtout après l’humiliation qu’il a reçue de la part de Jean Castex hier. On l’a bien compris, cette opération territoriale d’Emmanuel Macron est en fait une opération nationale pour assurer sa réélection », confie à Public Sénat Jean Leonetti.
Avant d’ajouter : « Il y a plusieurs conditions à la création d’une liste LR : d’abord, ce n’est jamais agréable de faire campagne contre un ancien collègue et ami, et puis je me demande si nous serons capables de monter une liste avant le 17 mars, date du dépôt final… »

Reste aussi à savoir qui pourrait porter cette liste face à Renaud Muselier et ses nouveaux alliés de la majorité présidentielle ? Même s’il a assuré ne pas vouloir être candidat, c’est le jeune et ambitieux maire de Cannes, David Lisnard qui apparaît comme le favori d’un top 3 composé également du député très droitier Éric Ciotti ou encore de Jean Leonetti. « Je veux aider mon parti et si une liste venait à être montée, je verrai bien David, car il nous faut un visage jeune », imagine Jean Leonetti.

« Une journée décisive pour notre famille politique »

Les électeurs républicains de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur devraient donc être fixés demain, sans doute en fin de journée après une autre réunion importante : celle de la Commission nationale d’investiture (CNI) qui pourrait également décider de lui retirer l’étiquette LR.

« Renaud Muselier doit aussi participer aussi à la CNI à 18h30. Par rapport à ses nouvelles déclarations du jour du côté de la vallée de la Roya, je pense qu’il va conserver la même ligne. Mais c’est quand même bien qu’il soit présent pour qu’on se dise clairement les choses tous ensemble. Demain, j’ai envie de dire que ce n’est pas le grand soir pour notre parti, mais c’est quand même une journée décisive pour l’avenir de la droite française… », anticipe la Dominique Estrosi Sassone.

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