Paris: Dati, Evren and Jacob present for wishes for the new year to the press

Élections sénatoriales 2023 : à Paris, LR part divisé sur fond de tensions locales

La liste LR pour les sénatoriales, ébauchée par l’opposition de droite au Conseil de Paris et portée par la sénatrice sortante Catherine Dumas, soulève des critiques au sein du parti. Alors que les candidatures dissidentes menacent de se multiplier dans la capitale d’ici le scrutin de septembre, les regards se tournent vers la rue de Vaugirard où les arbitrages tardent à venir.
Romain David

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« Les vieux démons de la droite sont de retour. Nous n’avons rien appris des élections passées », soupire l’un des (nombreux) postulants à une investiture LR pour les sénatoriales à Paris. Un constat désabusé sur une droite locale qui apparaît totalement morcelée à trois mois des élections sénatoriales. Ce scrutin, au suffrage universel indirect, qui se déroule généralement à bas bruit, n’en reste pas moins l’objet de tractations complexes, d’autant plus à Paris : la ville-département demeure une circonscription particulièrement convoitée, où se télescopent luttes locales, ambitions nationales et tensions internes propres aux partis politiques. À ce stade, au moins deux listes Les Républicains pourraient ainsi se retrouver sur la ligne de départ : celle soutenue par Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement et présidente du groupe d’opposition « Changer Paris » au conseil de la ville, emmenée par la sénatrice Catherine Dumas, et celle de l’eurodéputée Agnès Evren, qui ne cache pas sa volonté de conduire une liste autonome après avoir perdu sa place dans la liste précédemment citée.

Deux champions pour une même bannière ? Ce serait sous-estimer la capacité des LR à nourrir la dispersion : car plusieurs sortants s’estiment lésés par la configuration qui semble aujourd’hui s’imposer, et attendent de pied ferme les arbitrages de la rue de Vaugirard, en menaçant eux aussi de prendre les devants avec leur propre feuille de match.

Quatre sièges sur douze

Il faut dire que les déchirements pour les sénatoriales à Paris sont devenus monnaie courante à droite. Déjà en 2017, la droite avait présenté trois listes différentes pour glaner finalement quatre sièges ; Pierre Charon, élu au Palais du Luxembourg depuis douze ans et qui conduisait lors du précédent scrutin la liste officiellement investie par LR ; Catherine Dumas, élue sur une liste qui rassemblait déjà des membres de l’opposition municipale, et enfin Philippe Dominati et Céline Boulay-Espéronnier, tous les deux élus sur une liste divers droite. Ces quatre sièges, la droite espère bien les conserver. Sur le papier, l’objectif reste atteignable dans la mesure où les dernières élections municipales n’ont pas bouleversé outre mesure les équilibres politiques. Pourtant, les bisbilles locales pourraient en décider autrement.

Pour rappel, le Sénat est renouvelé de moitié tous les trois ans. Paris, qui fait partie des départements renouvelables cette année, représente 12 sièges de sénateurs. Ils sont élus au suffrage universel indirect par un collège de grands électeurs, parmi lesquels figurent les conseillers municipaux. Mais dans la mesure où Paris ne compte que 163 conseillers municipaux pour plus de deux millions d’habitants, chaque conseiller est amené à désigner 16 « délégués », théoriquement rattachés au vote que souhaite défendre le conseiller, ce qui permet de porter le nombre de grands électeurs parisiens à près de 2 800, et ainsi de rééquilibrer le poids du corps électoral dans la capitale au regard de sa population.

La droite parisienne, minée par les tensions

Vendredi, lors du vote de désignation des délégués, Agnès Evren a reçu le soutien de 16 conseillers municipaux, soit potentiellement 256 voix, ce qui devrait être suffisant pour lui assurer un siège de sénatrice. De quoi lui donner des ailes alors qu’elle s’est vue, en mai dernier, éjectée de la troisième place sur la liste portée par Catherine Dumas, derrière Francis Szpiner, l’actuel maire du 16e arrondissement, au profit de Marie-Claire Carrère-Gée, conseillère de Paris et ancienne directrice de campagne de Michel Barnier pour la primaire de 2021.

« Je ne suis pas à l’origine de cette situation », explique-t-elle à Public Sénat. Elle assure vouloir défendre « une stratégie gagnante avec un objectif de quatre sièges pour la droite ». « Il y avait une liste de rassemblement qui avait été validée et qui, brusquement, a été remise en cause », déplore-t-elle. Une décision « injuste et stratégiquement incompréhensible » pour la patronne de la fédération LR de Paris, déjà élue dans le 15e arrondissement, l’un de plus gros pourvoyeurs de conseillers municipaux, rappelle-t-elle. On lui a fait savoir qu’il était préférable qu’elle aille jusqu’au bout de son mandat européen qui court jusqu’en 2024, mais l’intéressée ne manque pas de défendre son engagement au sein de la droite parisienne : « J’ai tout fait pour que cette fédération soit une locomotive derrière Rachida Dati. On parle de 2027, mais à Paris, la véritable échéance, ce sont les sénatoriales 2023 », martèle Agnès Evren.

« Rachida Dati a commis une faute politique en voulant éliminer quelqu’un qui serait en mesure de contester son leadership à droite, car Agnès Evren incarne une volonté forte de renouvellement. Résultat : la liste éclate », observe le sénateur sortant de Paris Philippe Dominati. La démarche d’Agnès Evren a reçu le soutien d’un poids lourd de la droite parisienne, Philippe Goujon, le maire du 15e arrondissement, qui s’était refusé à soutenir la candidature de Rachida Dati à la mairie de Paris en 2020. « En faisant en sorte qu’Agnès Evren soit élue au Sénat, il s’assure d’avoir le champ libre pour être réélu dans le 15e », décrypte un fin connaisseur de la droite parisienne. Aux dernières municipales, Philippe Goujon avait conservé son mandat grâce à une alliance au second tour avec Agnès Evren, celle-ci étant arrivée en tête au premier tour.

Du rififi au Conseil de Paris

« On ne part pas en dissidence quand on passe son temps, sur les plateaux télévisés, à prôner le rassemblement de la droite », grince une élue LR de Paris. « Je pense qu’Agnès Evren joue le rapport de force pour pouvoir être réintégrée en bonne position dans la liste de Catherine Dumas. » Illustration des tensions qui minent la droite parisienne : la liste du groupe « Changer Paris » a saisi le tribunal administratif pour faire annuler le scrutin de vendredi. Dans un communiqué, ils accusent l’époux d’Agnès Evren, présent en tribune lors de la séance du Conseil de Paris, d’avoir « pris en photo des conseillers de Paris en train de voter dans l’isoloir », ce que conteste fermement la députée européenne.

Le recours déposé a finalement été retiré à l’ouverture de l’audience, ce mercredi 14 juin en fin de matinée. « C’est une campagne électorale qui va durer trois mois, et nous avons estimé qu’il fallait un geste d’apaisement », nous explique Catherine Dumas. « Mais nous voulions tout de même prendre acte de ce qui s’est passé, car nous considérons qu’il y a bien eu atteinte au secret du vote. » La plainte avait suscité une certaine consternation en haut lieu, rue de Vaugirard.

Pierre Charon réclame une place éligible

La direction du parti est sommée par les uns et les autres de trancher définitivement sur la liste officiellement investie par LR. « C’est un renvoi de balles permanent entre Éric Ciotti, Bruno Retailleau, Rachida Dati et Gérard Larcher. En vérité, les instances de LR sont incapables de mettre de l’ordre et de la discipline là-dedans », soupire un membre de la droite sénatoriale. Une commission d’investiture avait été annoncée pour le mois d’avril ou de mai, elle n’a pas encore eu lieu. « D’ici quinze jours », glisse-t-on. « Notre liste ne bougera plus », assure Catherine Dumas. « J’ai reçu le soutien de Bruno Retailleau et de Gérard Larcher, c’est ce qui compte ».

D’aucuns pourtant misent sur ce rendez-vous, comme le sortant Pierre Charon. Ce fidèle sarkozyste, rompu aux arcanes de la vie politique, ne fait guère mystère de son envie de rempiler pour un troisième mandat. L’usage veut que les sortants soient nommés en tête de liste, c’est donc la deuxième position, derrière sa collègue Catherine Dumas, à la place de Francis Szpiner, qu’il entend viser. Mais du côté du groupe « Changer Paris », on rappelle que Pierre Charon n’est plus membre du Conseil de Paris depuis 2020, un critère qui semble déterminant pour candidater dans la capitale – puisque la circonscription se confond avec les limites de la ville -, sans qu’il s’agisse pour autant d’un impératif. « Bruno Retailleau s’était engagé à ce que les sénatoriales ne soient pas une élection de recasage pour les députés perdants. Et là, on écarte Pierre Charon pour récompenser Francis Szpiner, qui n’a jamais réussi à remporter une législative. Je comprends la colère de Pierre », relève l’un de ses collègues au Palais du Luxembourg.

« Parmi les 39 conseillers municipaux sur les 55 du groupe qui se sont prononcés pour la liste de Catherine Dumas vendredi dernier, il y a ceux qui m’avaient soutenu en 2017. Le trou dans la raquette pourrait se resserrer », avertit Pierre Charon, l’œil malicieux. Une référence à peine voilée à sa dissidence de 2011, qui lui avait permis d’être élu. À l’époque, il avait été suspendu de l’UMP, pour se voir réintégrer trois mois plus tard une fois entré au Palais du Luxembourg. « Nous avons fait toutes les simulations possibles. Ma liste est assurée de faire au moins trois sièges. Je ne vois pas comment Pierre Charon parviendrait à en faire un », pondère Catherine Dumas.

Céline Boulay-Espéronnier réfléchit à présenter sa propre liste

Autre sortante à espérer une issue favorable : Céline Boulay-Espéronnier. Son colistier de 2017, Philippe Dominati, sur une liste divers droite, a choisi de ne pas se représenter, mais Céline Boulay-Espéronnier, qui siège au sein du groupe LR depuis son entrée au Sénat, espère désormais un geste de la part du parti pour pouvoir effectuer un second mandat. Néanmoins, la sénatrice pourrait aussi faire les frais de ses prises de position en faveur d’une alliance des LR avec Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle.

Auprès de Public Sénat, Céline Boulay-Espéronnier rappelle sa fidélité au groupe sénatorial et le travail abattu au cours des six dernières années : une dizaine de rapports et plusieurs propositions de lois dont l’une, sur le port de l’uniforme à l’école, qui a été assez médiatisée. « J’envisage toujours de déposer ma propre liste », glisse-t-elle. Une décision qu’elle renvoie à la rentrée, la date limite du dépôt de candidature étant fixée au 8 septembre. « Sans Philippe Dominati, elle n’a aucune puissance de feu », balaye un sénateur. Seulement un pouvoir de nuisance, mais qui pourrait fragiliser encore un peu plus les chances de la droite de conserver ses quatre sièges.

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