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Elections sénatoriales 2023 : derrière la « stabilité » attendue, le groupe PS déjà dans la bataille pour sa présidence

Une élection cache l’autre, au groupe PS du Sénat, où l’élection sénatoriale de dimanche va vite laisser la place à celle pour la présidence du groupe. Le PS mise pour le scrutin sur une « stabilité, avec l’espoir d’avoir peut-être deux ou trois sièges de plus », affirme Patrick Kanner, dont la présidence est contestée par Eric Kerrouche, « candidat » pour un « renouvellement des pratiques ».
François Vignal

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STA-BI-LI-TE. C’est le maître mot des élections sénatoriales 2023 et le groupe PS du Sénat n’y coupe pas. Comme les LR (lire ici) et l’Union centriste (lire là), les socialistes de la Haute assemblée ne devraient pas connaître de trou d’air, ni de grande envolée. Le poids du groupe socialiste écologiste et républicain – son nom entier – devrait rester plus ou moins le même. Il compte aujourd’hui 64 sénateurs, sur 348.

Objectif d’« une centaine de sénateurs de gauche », espère Patrick Kanner

A deux jours de l’issue du vote, Patrick Kanner, qui préside le groupe PS depuis janvier 2018, n’a pas changé d’optique. « Je reste sur ma position de la stabilité, avec l’espoir d’avoir peut-être deux ou trois sièges de plus », dit le président du groupe, qui compte 33 sièges renouvelables sur 64. De quoi contribuer à l’objectif commun que se sont fixé les trois groupes de gauche du Sénat, socialiste donc, communiste et écologiste, d’« avoir une centaine de sénateurs de gauche », contre 92 actuellement.

Lors des municipales, la gauche s’est maintenue dans les grandes villes, ou en a gagné pour les écologistes. Dans ce scrutin, qui est un peu le décalque des municipales, ça compte. Mais la part d’incertitude, propre à toute élection, est là. S’il vise « plutôt un petit gain » dimanche soir, Patrick Kanner, lui-même candidat dans le Nord, rappelle que « c’est une élection extrêmement complexe, alchimique. Donc il suffit qu’il manque un ingrédient pour que ce soit l’inverse ». L’ancien ministre de François Hollande rappelle que « c’est ce qu’il nous est arrivé lors des sénatoriales de 2020. On pensait gagner des sièges. Finalement, on en a perdu 5, car il y a eu des mauvais reports, des dissidences. Dans les Deux-Sèvres par exemple, département au scrutin majoritaire, une candidate proche de Delphine Batho s’est maintenue, ce qui nous a fait perdre 2 sièges. C’est l’exemple typique de l’indiscipline égoïste déplacée ».

Dissidences dans le Nord et le Val-de-Marne

Ce risque de la division ou de la dissidence, qui touche aussi la droite, Patrick Kanner l’affronte lui-même dans le Nord (voir notre reportage sur le département). La sénatrice PS sortante Martine Filleul, qui n’a pas été retenue pour la liste, s’est lancée en dissidence.

Dans le Val-de-Marne, la liste PCF-PS fait face aussi à une liste dissidence issue du PS, avec Akli Mellouli. L’arrivée sur la liste de Laurence Rossignol, sénatrice PS de l’Oise, connue pour ses combats féministes, n’a pas été évidente et a laissé quelques traces. « Mais je le redis, on a besoin au Sénat de la voix politique et morale de Laurence Rossignol », lance Patrick Kanner. En Guadeloupe, ça risque d’être compliqué pour le groupe de garder deux sièges, tout comme en Loire-Atlantique ou en Isère, pour garder le siège socialiste.

A Paris, toute la gauche a fait liste commune, rassemblant PS-EELV-PCF, et espère profiter des divisions de la droite. Mais le PS devrait perdre un siège au profit des écologistes, qui profitent de leur progression aux municipales dans la capitale.

Gains espérés en Essonne ou Indre-et-Loire

A l’inverse, le groupe peut espérer des gains « en Indre-et-Loire, avec Pierre-Alain Roiron ». C’est l’un des départements qui a fait l’objet d’un « accord gagnant-gagnant », comme dit Patrick Kanner, avec le reste de la gauche. Ou peut-être dans le Morbihan, avec Simon Uzenat. Dans ce département, le PS n’a pu s’entendre avec EELV, qui avait le sortant Joël Labbé, qui ne se représente pas.

Le premier groupe de gauche du Sénat peut aussi profiter des réussites des municipales pour gagner un siège en Seine-Saint-Denis ou en Essonne, avec David Ros, maire d’Orsay. Ou pourquoi pas avec Audrey Bélim, à La Réunion.

Patrick Kanner et Eric Kerrouche candidats à la présidence du groupe

Une quinzaine de nouveaux sénateurs PS pourraient faire leur entrée au Palais du Luxembourg. La tendance politique des petits nouveaux ne sera pas neutre. Car à peine le scrutin de dimanche terminé, qu’un autre se profile déjà. Et très vite. Une élection cache l’autre. C’est celle pour la présidence du groupe. Et le poste de Patrick Kanner est disputé.

Dès mardi, pour la première réunion de groupe post-élection, un vote aura lieu à 15 heures pour élire le président de groupe. Patrick Kanner est candidat à sa succession, mais il devra faire face à un autre sénateur PS sortant, Eric Kerrouche. Lui aussi est renouvelable, dans son département des Landes.

« Je pense avoir placé haut les valeurs du groupe », affirme Patrick Kanner

« Je serai candidat, avec un bilan reconnu », nous annonce Patrick Kanner, qui « pense avoir placé haut, avec (ses) collègues, les valeurs du groupe, son autorité politique au sein du Sénat et au niveau national ». Lors de son élection en 2018, il est alors élu face à Laurence Rossignol. « Je suis arrivé dans un groupe qui était au bord de l’implosion et tout mon travail a été de préserver son unité, malgré les coups de boutoir qui venaient de LREM », rappelle-t-il. Le sénateur du Nord, qui juge « légitime » d’autres candidatures, doit mener pour le coup une double campagne. « Il faut savoir se projeter. Et ne pas oublier que la première priorité, c’est d’être réélu, tout en étant déjà dans le défi suivant », lance Patrick Kanner. En politique, il faut parfois avoir un coup d’avance ou savoir penser au prochain.

Patrick Kanner est connu pour ne pas être un grand partisan de la Nupes, et encore moins de Jean-Luc Mélenchon. Il a soutenu, lors du dernier congrès fratricide du PS, Nicolas Mayer Rossignol, quand Eric Kerrouche est lui du côté du premier secrétaire, Olivier Faure. Il est d’ailleurs l’un des secrétaires nationaux du PS. Le risque de rejouer le congrès est là. Surtout quand on entend, depuis quelques mois, certains sénateurs PS dire vouloir « Nupéiser le groupe au Sénat »… Mais promis, personne n’est dans cette optique. « Je mets de côté mes engagements avec pour seule boussole le groupe et sa prospérité », soutient Patrick Kanner.

« On est en sous régime par rapport à ce qu’on pourrait faire », pointe Eric Kerrouche

Eric Kerrouche se lance de son côté avec l’ambition de porter plus haut le groupe. « Je serai candidat », nous annonce aussi le sénateur PS des Landes. L’idée n’est « absolument pas » de rejouer le congrès, assure celui qui a été directeur de recherche au CNRS, avant d’intégrer le Cevipof de Science Po Paris.

S’il n’a « pas d’agressivité » pour Patrick Kanner, le sénateur « pense qu’on doit travailler différemment. L’idée, c’est qu’on est en sous régime par rapport à ce qu’on pourrait faire. On peut avoir une visibilité politique plus importante, en étant plus efficace au niveau organisationnel, on pourrait mettre plus en valeur toute la richesse que porte notre groupe ». Il ajoute : « Politiquement, on pourrait peser plus ».

« Travailler un petit peu plus avec le groupe de l’Assemblée et le parti est une nécessité »

Eric Kerrouche soutient qu’« il y a une volonté de renouvellement, de renouvellement des pratiques. Il est temps de donner un nouvel élan au groupe ». Mais n’allez pas dire à Eric Kerrouche qu’il est le candidat d’Olivier Faure. « Dans ce cas, est-ce que Patrick Kanner est le candidat de Nicolas Mayer Rossignol ? On a chacun une proximité politique. Mais un président de groupe est quelqu’un qui doit rassembler tout le monde. En l’espèce, j’ai une proximité avec Olivier Faure, mais on a une autonomie. Mais c’est sûr que retravailler un petit peu plus avec le groupe de l’Assemblée nationale et le parti est aussi une nécessité, mais sans abdiquer notre personnalité », avance le socialiste.

Il assure au passage que Nupéiser le groupe « n’est pas du tout la perspective. Nous sommes un groupe tout à fait favorable à l’union de la gauche. Mais il n’y a pas de Nupes au Sénat ». Il n’en garde pas moins en tête que « l’alliance de la gauche est nécessaire si on veut reconquérir le pouvoir ». Mais « il ne faut pas se focaliser sur l’appellation Nupes ». D’ailleurs, les candidats socialistes, y compris pro Nupes, ne se réfèrent pas à l’alliance conclue pour les législatives dans cette campagne sénatoriale. Il faut dire qu’en ce moment, l’ambiance au sein de la Nupes n’est pas des meilleures…

Rachid Temal aussi candidat ?

Il faudra voir si un troisième candidat se lance aussi dans cette bataille interne. On évoque le nom du sénateur Rachid Temal. Candidat à sa réélection dans le Val-d’Oise, celui qui a été premier secrétaire du PS par intérim a soutenu Hélène Geoffroy lors du congrès. Les candidats ont jusqu’à lundi, 17 heures, pour se déclarer.

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