C’est un groupe parfois moins médiatique, mais pas moins politique. Il joue un rôle central au Sénat. Normal, diront ses membres, c’est le groupe centriste. S’il compte, c’est surtout parce que les 57 sénateurs de l’Union centriste forment la majorité sénatoriale, avec le groupe LR et ses 145 sénateurs. LR-UC, ce sont les deux piliers sur lequel repose le plateau, là où Gérard Larcher préside la Haute assemblée.
« Les élus voient bien que la majorité va rester la majorité, avec une grande stabilité »
Les LR sont presque trois fois plus nombreux, mais l’apport des centristes est indispensable pour avoir la majorité. A quatre jours des élections sénatoriales du 24 septembre, où le groupe UC voit la moitié de ses membres, 29 sur 57, renouvelée, ça ne devrait pas changer. Comme tout le monde s’accorde à le dire, il n’y aura que des changements à la marge. Les choses bougent doucement dans ce scrutin indirect, qui découle des municipales.
Fidèle à une certaine forme de prudence centriste, Hervé Marseille, qui préside le groupe avec tact, ne se risque pas aux pronostics. « On espère toujours gagner des sièges. Après, je suis dans l’incapacité de vous dire ce qui est possible de réaliser ou pas. Car il y a beaucoup de départements où il y a de l’incertitude », relève le sénateur des Hauts-de-Seine. Celui qui est aussi président de l’UDI ajoute que « les élus voient bien que la majorité va rester la majorité, avec une grande stabilité », avec cependant « des interrogations dans les départements où les sortants ne se représentent pas ». « Le groupe devrait être à peu près au même étiage », confirme le sénateur Hervé Maurey, membre des Centristes, parti d’Hervé Morin. Le sénateur de l’Eure ajoute :
« Ça peut aller de + 5 sièges à – 5 sièges au maximum »
Il y a bien une projection, réalisée par un cabinet de relations publiques, autrement dit de lobbying, qui tourne sous le manteau ces derniers jours. Elle donne – 6 ou – 4 sièges, selon la version, pour le groupe UC. Mais un sénateur du groupe doute du sérieux, du moins de la précision de l’étude.
Vincent Delahaye, en campagne pour sa réélection en Essonne, se risque lui à donner quelques chiffres. « On sera assez stable. Bien sûr, il y a toujours les aléas des élections et le choix des groupes par les élus, où il y a parfois des petites surprises… Mais si ça bouge, ce sera 2-3 unités dans un sens ou dans l’autre », avance le sénateur, qui pense que « ça peut aller de + 5 sièges à – 5 sièges au maximum ». Lui espère bien conserver ses deux sièges.
Gagner des sièges n’est pas neutre pour les équilibres au sein de la majorité
Gagner des sièges, même une poignée, ne sera pas neutre pour les équilibres au sein de la majorité. Scrutin après scrutin, le groupe UC a réussi à grignoter quelques sièges. 7 en 2017, puis 3 en 2020, atteignant les 54, avant d’être 57 sénateurs aujourd’hui.
« Quand j’ai été élu, il y a 15 ans, on était 27 ou 29 au groupe centriste. On a plus que doublé », se souvient Hervé Maurey, qui rappelle qu’« il y a une époque où les LR avaient la majorité sans nous ». « Avec un groupe plus fort, on a plus de vice-présidents, plus de places au bureau du Sénat et plus de temps de parole. C’est important », ajoute Nathalie Goulet.
« On est dans une situation d’indépendance et en même temps, dans la majorité sénatoriale, avec notre identité »
Le flou est de mise dans certains départements, comme le Nord, où c’est un sérieux embouteillage chez des centristes divisés. On compte trois listes menées par des membres de l’UDI, avec le sortant Olivier Henno, Guislain Cambier, soutenu par la sortante Valérie Létard qui ne se représente pas, et Marie-Hélène Quatrebœufs.
Des listes Horizons, le parti d’Edouard Philippe, peuvent aussi venir marcher sur les plats de bande centriste – comme celle de Renaissance et de LR. « Il n’y a pas de concurrence, car on est dans la majorité sénatoriale et eux ne le sont pas », balaie Hervé Marseille.
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Dans l’Orne par exemple, la sortante UDI Nathalie Goulet doit faire face à un candidat sérieux issu d’Horizons. Elle espère néanmoins être réélue. « On est dans une situation d’indépendance et en même temps, dans la majorité sénatoriale, avec notre identité », explique l’élue de l’Orne. Nathalie Goulet souligne que les centristes ont su bien quadriller les sujets liés aux collectivités. Ce qui n’est pas inutile, quand les grands électeurs sont issus à 95% des conseils municipaux.
« On a des leaders qui ont marqué de leur empreinte le dernier mandat. Je pense à Françoise Gatel, présidente à la délégation des collectivités territoriales, ainsi que de l’association des Petites cités de caractère, Bernard Delcros, l’empereur des ZRR (zones de revitalisation rurale). On a eu Valérie Létard sur l’assouplissement du zéro artificialisation nette. On a aussi Loïc Hervé sur toutes les questions de défense incendie. Notre groupe a beaucoup marqué cette législature pour les sujets directement liés aux territoires ruraux », apprécie la sénatrice UDI.
Des partisans d’Emmanuel Macron côtoient des opposants du Président
L’une des caractéristiques du groupe Union centriste, c’est sa diversité. On trouve beaucoup de membre de l’UDI, mais aussi du parti Les Centrises, sans oublier… quelques sénateurs Modem, comme Jean-Marie Vanlerenberghe, qui sont membres de la majorité présidentielle. Il y a même, maintenant, quelques partisans d’Edouard Philippe, qui sont pourtant censés être chez Les Indépendants. « Dans notre groupe, il y a des gens qui ont leur carte à Horizons, on le sait », glisse Hervé Maurey, sans donner de nom…
Une partie des sénateurs du groupe a parrainé Emmanuel Macron pour la présidentielle et a même voté pour lui, dès le premier tour, quand d’autres sont clairement des opposants du Président. A force de jouer la diversité, le groupe UC ne risque-t-il pas le grand écart et le claquage ? « Ce n’est pas faire le grand écart », soutient Hervé Marseille, qui rappelle que la Modem Jacqueline Gourault, ex-ministre d’Emmanuel Macron, « était au groupe. Est-ce que vous croyez qu’il y a des différences importantes ? On voit bien qu’on est dans un monde politique qui a évolué ». Cette diversité, qui n’est pas nouvelle, une sénatrice du groupe préfère en rigoler : « Il y a deux centristes et trois avis, ça ne changera pas grand-chose… »
« L’Union centriste est un groupe ni charnière, ni à cheval. C’est un groupe qui a des sensibilités différentes », soutient Hervé Marseille
Pour le président de l’UDI, « l’Union centriste est un groupe ni charnière, ni à cheval. C’est un groupe qui a des sensibilités différentes. Et qui examine les textes au sein de la majorité sénatoriale, au cas par cas. Il y en a beaucoup où on est d’accord, et d’autres où on a des différences, comme sur le budget, les énergies renouvelables ou l’immigration. Et on les assume ».
Hervé Marseille lui-même symbolise cette union centriste, au sens propre, et un peu au-delà, par la composition de sa liste pour les sénatoriales dans les Hauts-de-Seine : sa seconde de liste est Modem, quand le cinquième est à Horizons. « On ne peut pas me reprocher d’avoir des centristes. Quand on est candidat à une élection, on rassemble », rétorque Hervé Marseille, qui sait cultiver ses réseaux et ses amitiés politiques. Le président du groupe UC était présent à la rentrée politique du ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, par ailleurs secrétaire général délégué de Renaissance, comme aux journées parlementaires d’Horizons, aux côtés d’Edouard Philippe.
« On ne va pas s’excuser d’exister »
Reste que certains sénateurs LR s’émeuvent parfois des positions centristes et demandent, au fond, où habite le groupe UC ? « Je ne leur demande pas si le fait de discuter, avec certains qui sont plus à droite, me gêne. Il faut faire avec les réalités politiques », lâche Hervé Marseille, qui rappelle qu’« au Sénat, on trouve des compromis, et ça marche très bien. Ce n’est pas monolithique ». « On ne va pas s’excuser d’exister », tance Nathalie Goulet.
« Nous, on sait où on habite. On a des convictions. On les défend. Parfois, il y a des discussions, c’est normal », avance Vincent Delahaye, qui ajoute : « Il peut y avoir des moments de tension avec LR et des moments où tout va bien. Ça fait partie de la vie. Dans un couple, c’est comme ça. Dans une entreprise, c’est comme ça. Et ça peut être comme ça dans la vie politique ».
« Tout le monde connaît l’habilité et la finesse politique d’Hervé Marseille »
Dans cette galaxie centriste, le président de groupe sait être un ciment. « C’est toute l’habilité de notre président de groupe, de faire en sorte que tout se passe bien, que ce soit fluide, qu’on n’ait aucune difficulté », salue Hervé Maurey. Il continue :