La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Elections sénatoriales 2023 : Renaissance pourrait reculer, quand Horizons espère « tisser sa toile »
Par François Vignal
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Si les élections sénatoriales du 24 septembre devraient se traduire par une certaine stabilité, avec une majorité qui restera LR-Union centriste, le poids de certains groupes et les rapports de force pourraient évoluer, en douceur. Du côté de la majorité présidentielle, les regards se tourneront vers le groupe RDPI, qui rassemble les sénateurs Renaissance, et sur le nombre d’élus Horizons, le parti lancé par Edouard Philippe. Sans oublier un œil sur le Modem, qui a quelques élus.
« J’espère qu’on maintiendra le niveau du groupe », affirme François Patriat
Concernant le groupe RDPI, l’enjeu sera de se maintenir au même niveau. Mais le risque de reculer est bien là. Plusieurs observateurs évoquent cette possibilité. Dans cette campagne, des décisions du gouvernement n’arrangent rien. Les maires ont bien en tête les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation, ou plus récemment de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). « C’est difficile pour tous les candidats de la majorité, dans le contexte actuel. Il y a eu les retraites, les questions des collectivités », reconnaît François Patriat, qui préside le groupe macroniste. Mais il se dit malgré tout « combatif ». Le sénateur de la Côte-d’Or, fidèle d’Emmanuel Macron, entend afficher un visage optimiste : « J’espère qu’on maintiendra le niveau du groupe, qu’on fera réélire tous les sortants, voire qu’on pourra un peu progresser, gagner des sièges ».
Le groupe présidé par François Patriat est aujourd’hui au nombre de 24. 12 sénateurs, soit la moitié, sont renouvelables, ce qui ne facilite pas les choses. Déjà quatre sénateurs ne se représentent pas et plusieurs sortants sont dans des situations plus ou moins compliquées. On peut citer Julien Bargeton, à Paris. La majorité présidentielle a 11 conseillers de Paris. Il en faut 13 pour assurer un siège théoriquement. Si le sortant a réuni les trois composantes de la majorité, Renaissance, Horizons, Modem, sur sa liste, reste à voir s’il n’y aura pas un peu déperdition en faveur du sénateur LR Pierre Charon, devenu plus Macron compatible. Il mène une liste dissidente à droite.
Certains sortants menacés
Dans les Hauts-de-Seine, le groupe a deux sortants, mais André Gattolin ne se représente pas et la situation n’est pas évidente pour l’autre sortant, Xavier Iacovelli. Cet ancien socialiste aura en face de lui la liste du président du groupe UC, le président de l’UDI, Hervé Marseille, qui a en seconde place sur sa liste la Modem Isabelle Florennes.
En Isère, la réélection de Didier Rambaud n’est pas non plus assurée. Il ne le cache pas. « Oui, c’est clair que je n’ai pas le vent dans le dos, comme on dit. Les élus locaux le savent. Mais je pense qu’ils ont aussi besoin d’avoir parmi les cinq sénateurs, un sénateur de la majorité présidentielle », a expliqué à Public Sénat le sortant Renaissance. Michel Dagbert, élu du Pas-de-Calais, ne se représente finalement pas. Le parti soutient le candidat sortant du Modem, Jean-Marie Vanlerenberghe, qui a en seconde de liste l’ex-ministre Renaissance, Brigitte Bourguignon. Dans les Yvelines, il faudra voir aussi le score du sortant Martin Lévrier.
Le groupe compte aussi plusieurs élus de l’Outre-Mer, où il n’est pas impossible que le RDPI perde des plumes. A Mayotte, Abdallah Hassani ne se représente pas. Il reste l’autre sortant, Thani Mohamed Soilihi, mais sa réélection ne sera pas facile. A La Réunion, Michel Dennemont ne se représente pas non plus. En revanche, en Nouvelle Calédonie, le parti mise sur la victoire de la secrétaire d’Etat Sonia Backès, tout comme celle, en Guadeloupe, du sortant Dominique Théophile, qui espère faire un deuxième siège. De quoi compenser en partie les pertes en Outre-Mer.
Division de la majorité dans plusieurs départements, comme dans le Nord
Dans le Nord, Frédéric Marchand, un autre ancien socialiste, aujourd’hui sénateur Renaissance, n’est pas dans une posture évidente non plus. Car ça se bouscule dans l’espace majorité présidentielle, élargi au centre droit. Il devra faire face à la candidature de Franck Dhersin, vice-président aux transports de Xavier Bertrand à la région et membre d’Horizons. Pour ce dernier, il n’y a pas division, puisqu’il dit qu’il n’est « pas macroniste, mais philippiste »… (voir notre reportage dans le Nord). « Il y a des listes dissidentes Horizons, qui ne sont pas étiquetées Horizons, mais qui revendiquent appartenir à Horizons », s’agace un macroniste. Il faut compter aussi sur Dany Wattebled, qui se dit sans étiquette, mais qui siège au groupe Les Indépendants, présidé par Claude Malhuret, membre aussi du parti d’Edouard Philippe. Bien implanté, il peut faire deux sièges et bénéficie du soutien du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pourtant l’un des responsables de Renaissance. Le ministre est même venu à une réunion de soutien à Dany Wattebled, lundi dernier… Au final, il ne sera pas impossible que le groupe RDPI perde quelques sièges, peut-être 3 ou 4.
Le parti d’Edouard Philippe pourrait lui progresser, légèrement. Les ambitions sont modestes. La formation est récente et les sénatoriales exigent une forte implantation. Mais Horizons va bénéficier du ralliement d’anciens maires LR, comme à Reims. Comme dans un jeu de vase communiquant, certains évoquent un gain de 3-4 sièges. « Le groupe de Claude Malhuret va gagner 4-5 sièges », pense même un sénateur. Mais le groupe rassemble aussi des indépendants, pas que des membres d’Horizons. Le groupe est d’ailleurs « un peu à cheval », comme dit un observateur. Certains sont membres de la majorité présidentielle, mais le groupe a voté pour Gérard Larcher à la présidence du Sénat, lors du précédent renouvellement, il y a 3 ans. Et il refera de même cette année.
Situations compliquées
Horizons n’a pas donné d’investiture dans ce scrutin. Mais il peut apporter des soutiens, y compris à des candidats Renaissance ou Modem. Les discussions ont été compliquées entre les alliés, Renaissance imposant dès janvier la reconduction de ses sortants. Les partis amis n’ont pas beaucoup apprécié… Au final, l’union se fait dans une bonne partie des départements, mais il reste des cas de division, comme on l’a vu.
Et parfois, c’est compliqué. Dans les Hauts-de-Seine, toujours, Hervé Marseille a un membre d’Horizons à la cinquième place, quand Xavier Iacovelli en a trois sur sa liste… « Localement, à Horizons, des gens aiment bien Xavier Iacovelli et d’autre Hervé Marseille. Et au plan national, il y a des gens qui aiment bien Hervé Marseille, qui disent que c’est un compagnon de route, proche de nos idées, et un président d’un groupe où nous comptons beaucoup d’amis », explique un élu Horizons. Le groupe Union centriste est en effet partagé entre opposants à Emmanuel Macron et soutiens du Président, qui peuvent aussi apprécier l’ancien premier ministre. Autre signal : Hervé Marseille était à la réunion de rentrée de Gérard Darmanin, encore lui.
Horizons peut donc miser sur la Marne, avec Cédric Chevalier, pour gagner un sénateur, comme la Seine-et-Marne (mais la sortante Colette Mélot ne se représente pas, ce qui ne fera pas de gain). On peut aussi citer l’Indre-et-Loire. Dans la Manche, Gaëtan Lambert part avec le soutien de toute la « majo ».
« Edouard Philippe, au-delà de Horizons, compte des amis, et noue des relations de confiance »
Si Horizons rentre dans ce scrutin avec une modestie imposée par réalisme, l’ambition pour le parti d’Edouard Philippe est de continuer à « tisser sa toile au Sénat », petit à petit. « Il faudra voir aussi si au sein de la majorité sénatoriale, le rapport de force LR et UC peut être modifié substantiellement », analyse un parlementaire de la majorité présidentielle, qui souligne qu’« Edouard Philippe, au-delà de Horizons, compte des amis, et noue des relations de confiance. En dehors des Indépendants, il y a des sénateurs LR, UC, RDPI, RDSE qui aiment bien Edouard Philippe. La poutre continue de travailler », sourit cet élu. Edouard Philippe a même déjeuné avec le président LR du Sénat, Gérard Larcher, avant l’été. Interrogé ensuite, début septembre, sur France Inter, le sénateur des Yvelines avait affirmé qu’Edouard Philippe faisait « bien sûr » partie de sa famille politique… Et d’ajouter qu’il ne le dit « pas du bout des lèvres ».
Si la poutre travaille encore, il faut néanmoins être un fin charpentier. Car au Sénat, elles sont anciennes et solidement ancrées. Autrement dit, rien ne se fera brusquement, mais plutôt en douceur, par petites touches successives. Dans cette perspective, certains pensent déjà aux sénatoriales… de 2026, qui viendront après les municipales. Le scrutin local dira si des changements plus profonds sont possibles au Palais du Luxembourg. Il faut parfois voir loin en politique.
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