Cinquante élus ultramarins (la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon) ont été reçus le mercredi 7 septembre à L’Elysée par Emmanuel Macron. La réunion comptait également la présence de la Première ministre, Elisabeth Borne, du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et du ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco.
L’objectif du dîner : exposer la vision du nouveau quinquennat sur l’avenir des Outre-mer et échanger avec les acteurs de terrain pour « trouver les voies d’une action publique efficace face aux problèmes du quotidien » des habitants des Outre-mer, d’après le communiqué de presse de l’Elysée. Cette rencontre fait partie de la « nouvelle méthode » que veut expérimenter le Président dans son second quinquennat.
Une situation préoccupante en Outre-mer
Ce dîner arrive à point nommé, alors que la situation dans les Outre-mer est loin d’être facile. En effet, lors du premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen était arrivée largement en tête dans la majorité de ces territoires. Beaucoup d’élus de l’opposition avaient interprété ce résultat comme un vote de sanction à l’égard de la politique gouvernementale dans les Outre-mer. Le sénateur RDPI de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi salue une initiative « attendue », « surtout depuis les résultats à la présidentielle et aux législatives », ajoute-t-il.
Les Outre-mer sont depuis plusieurs années le théâtre de mouvements sociaux et contestataires forts. En automne dernier, la crise sanitaire avait servi de détonateur à la profonde crise sociale qui traverse ces territoires depuis plusieurs années.
Plus structurellement, les Outre-mer accusent un taux de pauvreté bien plus intense qu’en France Métropolitaine. Les prix sont en moyenne plus chers qu’en métropole, et les services publics plus dégradés.
Ce dîner présidentiel est une amorce de réponse aux signataires de l’Appel de Fort-de-France. En mai dernier, plusieurs élus locaux de collectivités d’Outre-mer avaient signé cet appel, mené par le président de la collectivité territoriale de Martinique Serge Letchimy, invitant le Président à les rencontrer afin de discuter de la nécessité d’un changement de politique profond concernant le territoire ultramarin.
A l’époque, le rattachement du portefeuille des Outre-mer au ministère de l’Intérieur avait suscité de vives critiques. Victoire Jasmin, sénatrice socialiste de la Guadeloupe, avait déploré l’absence d’un ministère de plein exercice.
Un dîner « utile »
La sénatrice Victoire Jasmin, vice-présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, salue un dîner « utile, car c’est toujours bien de se rencontrer pour discuter », « mais je n’ai pas appris grand-chose », nuance-t-elle. Sur la forme, « cela ressemble au grand débat », décrit Thani Mohamed Soilihi. En effet, à l’époque, le Président avait reçu les élus ultramarins dans des conditions similaires, pour évoquer la situation de leurs territoires. « Ne pas y aller aurait été une grave erreur », souligne Victoire Jasmin, car « nos populations sont très insatisfaites de la manière dont les politiques fonctionnent ».
« La population nous méprise »
Sur le fond, les sujets abordés ont concerné la sécurité, l’immigration clandestine et les aspects économiques. Si les thématiques étaient déterminées à l’avance, « chacun pouvait proposer ses sujets », explique le sénateur de Mayotte. Si Thani Mohamed Soilihi se dit « satisfait sur la forme et le fond », il souhaite que soit mis sur la table le sujet de l’exécution du budget. « Depuis des années, le budget des Outre-mer est sous-exécuté et sous-consommé », explique-t-il. « Cela crée de la frustration parmi les administrés, un sentiment d’une parole qui n’a pas été respectée ». Il ajoute qu’il souhaiterait voir appliquer dans ces territoires le Code pénal des mineurs, adopté en 2021, auquel il a « activement participé ».
Victoire Jasmin, quant à elle, déplore « un décalage entre les orientations et les décisions politiques et les préoccupations prioritaires des habitants des Outre-mer ». Ainsi, elle aurait aimé parler davantage des problèmes liés à la fiscalité, aux prix, au chômage et à la pauvreté, « des sujets qui intéressent nos concitoyens », précise-t-elle. Elle ajoute : « la population nous méprise à cause de ce décalage ».
Ce dîner, voulu comme le début d’un « renouveau des Outre-mer » par l’exécutif, n’est que la première entrevue. Il est en effet prévu, à l’issue de cette rencontre, que la Première ministre organise un comité interministériel des Outre-mer d’ici six mois. Peut-être sera-t-il l’occasion d’approfondir les sujets chers aux élus et aux populations ultramarins.