La Cour Européenne des Droits de l'homme a sanctionné mardi en appel la surveillance des courriels privés par un employeur en Roumanie pour licencier un de ses salariés en 2007. Les juges de la Grande Chambre, l'instance suprême de la CEDH statuant en appel d'une décision de 2016, ont considéré que « les autorités nationales (roumaines) n'ont pas correctement protégé le droit de M. Bogdan Mihai Barbulescu au respect de sa vie privée et de sa correspondance et n'ont donc pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en jeu », précise la décision adoptée par 11 voix contre 6.
La décision de la Grande Chambre constitue un revirement de la position de la CEDH et elle est appelée à faire jurisprudence pour les 47 membres du Conseil de l'Europe. Elle répond aux demandes de la Confédération européenne des Syndicats (CES) et du gouvernement français de mieux encadrer la surveillance de l'utilisation de l'internet exercée par une entreprise.
Invité de Sénat 360 pour décrypter cette décision, l’avocat Eric Barbry, directeur du pôle droit numérique du cabinet d’avocat Bensoussan, souligne que cette décision « change tout et ne change rien » car « un employeur pourra continuer à surveiller » son employé.
Mails surveillés : la décision de la CEDH « change tout et ne change rien »
« Ça ne change rien sur le principe juridique : la Cour européenne dit qu’un employeur a le droit de contrôler ce que font ses salariés. Mais elle dit aussi que le salarié a le droit à sa vie privée résiduelle » explique-t-il. « Si je veux utiliser de manière résiduelle ma messagerie personnelle, (…) tant que je n’en abuse pas, personne ne pourra m’en empêcher. Si je marque « personnel » en plus, personne ne pourra l’ouvrir. Là, ça ne change rien. Mais la Cour donne des critères supplémentaires » ajoute Eric Barbry, notamment sur le fait de savoir « si le salarié a bien été informé qu’il était contrôlé ». La décision a elle été rendue sur le fait « qu’il y ait eu une surveillance permanente, massive, pas ponctuelle et pas forcément justifiée ».