Invité à participer à l’émission « Elysée 2022 » de la chaîne France 2 ce mardi 5 avril, le Président candidat à sa réélection, Emmanuel Macron, a décidé de ne pas y participer. Une décision déplorée par la société des journalistes de France 2, qui a rappelé dans un communiqué être « la seule chaîne généraliste à consacrer autant de temps au débat, aux propositions et à l’analyse de cette campagne présidentielle ». Elle a également souligné les chiffres de l’émission « Elysée 2022 », qu’elle présente comme un « rendez-vous hebdomadaire et en prime time, réunissant près de 2 millions de téléspectateurs ».
La société des journalistes de France 2 ajoute ne pas comprendre ce choix, alors que le chef de l’Etat s’est rendu plusieurs fois chez leurs confrères, notamment sur la chaîne TF1 le 14 mars, pour l’émission « Face à la guerre ». Il doit également participer au journal de 20 heures de Gilles Bouleau le mercredi 6 avril. « C’est étonnant, parce qu’il a proposé la suppression de la redevance de l’audiovisuel publique », reconnaît Emilie Zapalski, communicante politique. Une sélection des émissions qui interroge aussi la chaîne publique, dans des articles publiés par le Monde et Télérama, des sources anonymes évoquent plusieurs raisons : le candidat n’apprécierait pas la ligne éditoriale du journal de 20h de la chaîne et la présentatrice Anne-Sophie Lapix serait jugée trop « agressive ».
« Une posture jupitérienne du président sortant »
« Cette posture paraît jupitérienne, on tombe dans l’image d’un roi qui choisit à qui il parle et quand il parle, on voit qu’il souhaite rester en hauteur, dans la posture du chef des armées », détaille la communicante politique. Une stratégie qui peut s’avérer « contre-productive », ajoute-t-elle. Elle prend l’exemple de l’émission « Où va la France ? » diffusée par TF1 et LCI le 15 décembre 2021, où le chef de l’Etat y a fait son bilan au cours d’une séquence « plutôt molle, sans critiques ni reliefs », analyse Emilie Zapalski. « Or, dans une présidentielle, les Français aiment le débat, ils attendaient que le Président, en tant que candidat, descende dans l’arène pour s’impliquer », explique-t-elle.
Frank Tapiro, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy en 2007 et soutien du candidat Emmanuel Macron qualifie, tout comme Emilie Zapalski, de « particulier » cette absence du candidat sur l’émission de la 2, mais estime que le président sortant est dans un dilemme entre « être candidat ou être le Président de la France et de l’Europe ». « Si l’on prend l’exemple de l’émission la France face à la guerre diffusée sur Tf1 à la mi-mars, c’était son devoir d’être présent au vu du contexte, pour rassurer les Français. Il a fait le choix d’être le Président jusqu’au bout même s’il prend un risque », ajoute-t-il, expliquant par ce facteur le choix d’émissions du candidat.
Emilie Zapalski perçoit la campagne d’Emmanuel Macron comme une campagne fiction : « Il est dans le jeu du Président, de la diplomatie, ce qu’on ne peut pas lui reprocher, mais il n’a pas de mesures qui font mouche, on ne le sent pas proche des Français. Or les Français ne votent pas pour un bilan », rappelle-t-elle, en prenant pour exemple son meeting du Samedi 2 avril, où Emmanuel Macron « a joué sur la continuité sans trouver l’étincelle dans cette bataille-là ». Frank Tapiro fait en partie le même constat : « Il est beaucoup moins optimiste qu’il y a 5 ans. Au début de son discours, il a mis du temps à se mettre dans l’énergie et dans la peau du candidat ».
Une dernière intervention médiatique sur Brut vendredi
Un choix de communication pouvant jouer des tours au Président candidat et avantage déjà ses adversaires, en particulier la candidate du Rassemblement National : « Les Français regardent vers leur porte-monnaie, ils ont peur et la candidate qui capte cette émotion et capitalise sur ce sujet depuis le début de sa campagne, c’est Marine Le Pen », analyse Emilie Zapalski. « Le Président a un problème de timing sur cette dernière ligne droite, il persiste sur le fait qu’il a su traverser des crises mais, en réalité, les Français regardent déjà vers le futur », précise-t-elle.
Les autres adversaires du candidat ont pour la plupart critiqué ce refus de se déplacer sur France 2, à l’instar de la candidate Les Républicains, Valérie Pécresse : « Ne pas venir se faire interroger par les journalistes du service public me paraît une dérobade absolument inacceptable », a-t-elle déclaré. De son côté, la candidate socialiste Anne Hidalgo a également critiqué cette décision : « Vous croyez que c’est normal, vous croyez que les Français peuvent accepter que notre démocratie se soit détériorée à ce point ? », a-t-elle commenté sur France info.
En déplacement ce mardi 5 avril à Spézet dans le Finistère, Emmanuel Macron a assuré qu’il irait sur France 2 « soit avant le premier tour soit entre les deux-tours », insistant sur l’idée qu’il a « moins de temps disponible pour la campagne que ses concurrents ». Dans le même temps, le média en ligne Brut a annoncé que le président candidat répondrait en direct, vendredi 8 avril à 19h, aux questions des journalistes Rémy Buisine et Thomas Snégaroff sur « les grandes préoccupations de la jeunesse ». En 2020, Emmanuel Macron avait donné à Brut un long entretien qui avait récolté, d’après le média, plus de 7 millions de jeunes sur les réseaux sociaux.