« Refonder, développer une relation entre la France et l’Algérie résolument tournée vers l’avenir », tels sont les termes de l’Elysée quand il s’agit d’évoquer la venue d’Emmanuel Macron en Algérie. Un voyage de trois jours sous forme de « visite officielle et d’amitié ». Un déplacement « sur la pointe des pieds, comme toutes les visites en Algérie », décrit la journaliste Meriem Amellal, spécialiste de l’Algérie qui officie à France 24. Loin des fastes d’une visite d’Etat.
Passer le cap des malentendus
Il faut dire que depuis 2021 règne un froid diplomatique entre les deux rives de la Méditerranée. Dernier contentieux en date, la question migratoire. L’obstruction de l’Algérie au retour de ses ressortissants en situation irrégulière en France, en ne délivrant pas de laissez-passer consulaires, a tendu des relations fragiles. En réaction, la France a décidé de sanctionner l’Algérie en divisant par deux le nombre de visas délivrés. Une situation qui perdure encore aujourd’hui. « Nous avons un dialogue avec les autorités algériennes sur ces questions pour faire en sorte que notre coopération en [la] matière plus fluide et plus efficace », indique les services de la présidence. Un sujet qui ne manquera pas d’être évoqué par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui fait partie de la délégation présidentielle.
La question mémorielle sera elle aussi centrale. Car si les propos du chef de l’Etat, tenus en septembre 2021 et rapportés par la presse, selon lesquels l’Algérie s’était construite après son indépendance en 1962 sur « une rente mémorielle », entretenue par le « système politico-militaire », avaient fortement irrité le pouvoir algérien, aboutissant au rappel de l’ambassadeur basé à Paris, Emmanuel Macron souhaite poursuivre son travail d’apaisement entamé dès 2017 et les gestes qui l’accompagne.
Des enjeux économiques
Même si officiellement « il n’y aura pas dans le domaine économique d’annonces de grands contrats ou de grandes négociations », indique l’Elysée, la question du gaz algérien planera sur le voyage présidentiel.
La guerre en Ukraine a accentué les besoins de l’Europe en combustible. Or l’Algérie fait partie des plus grands producteurs mondiaux. « Il y a eu des accords importants avec l’Italie dont l’Algérie est devenue le principal fournisseur », rappelle Meriem Amellal. La France montrera elle aussi son intérêt pour cette filière, ce dont atteste la présence dans la délégation tricolore de la PDG d’Engie, Catherine MacGregor.
Sur le plan économique aussi la France joue une partition importante. D’autant qu’elle a été dépassée par la Chine au rang des partenaires commerciaux d’Alger avec 10 % des parts de marché. « L’Algérie, rappelle Meriem Amellal, est la porte d’entrée française de l’Afrique. Un continent où la France perd de l’influence et où elle doit renforcer son ‘soft power’ ». Une partition qui se jouera sur l’innovation et qui s’appuiera autour de startups et de PME, présentes avec le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, lors de ce voyage.
Des intérêts convergents
Ce voyage sera aussi l’occasion pour le président Macron de s’assurer du soutien et de la coordination sécuritaire d’Alger dans la lutte contre les groupes terroristes dans le Sahel. Une coopération « essentielle » compte tenu de la géographier et d’autant plus importante maintenant que la France a quitté le Mali et installé ses équipements au Niger.
« L’Algérie est un pays isolé diplomatiquement qui a besoin de la France pour revenir dans le concert des Nations », explique Meriem Amellal. « Alger est proche de Bamako et de Moscou, des partenaires peu fréquentables », estime la journaliste.
L’occasion pour Emmanuel Macron d’aborder « en toute franchise » l'influence croissante de la Russie dans la région, indique l'Elysée, en soulignant les « différences d'approche » avec Alger. En espérant les gommer ?