Une minute et vingt secondes sur une demi-heure d’interview. Voilà le temps consacré par Emmanuel Macron au sujet de sa visite en Nouvelle-Calédonie lors de son entretien dans les JT de 13h de TF1 et France 2 ce lundi 24 juillet. La première (et unique) question sur le sujet a été posée par Nathanaël de Rincquesen, journaliste à France 2. Elle portait sur l’appartenance de la Nouvelle-Calédonie à la France.
Refus de l’indépendance
La question n’est pas anodine. Le président de la République a atterri ce lundi sur le Caillou, cinq ans après sa première visite pour lancer une série de trois référendums. Ils étaient prévus par les accords de Nouméa de 1998 afin de régler le conflit entre les kanaks indépendantistes et les Européens loyalistes, favorables à ce que la Nouvelle-Calédonie reste rattachée à la France.
Ainsi, ces référendums portaient sur la question de l’indépendance de ce territoire colonisé par les Français en 1853. Les trois scrutins de 2018, 2020 et 2021 se sont soldés par une majorité de non à l’indépendance. Le dernier vote a notamment été marqué par une faible participation de 43,87 % et l’appel au boycott des leaders indépendantistes.
« Le choix exprimé, c’est de rester dans la France et la République, confirme Emmanuel Macron lors de cette interview. Mais je suis au côté de nos compatriotes pour définir les bases de ce nouveau chemin, respectueux de son identité et de son histoire, à la lumière du choix qui a été fait ». « Peu de gens en Nouvelle-Calédonie imaginent un avenir hors de la France et personne n’imagine que les choses ne doivent pas bouger », abonde Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste et co-rapporteur de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Dialogue tripartite
Le chef de l’Etat doit surtout tenter de ramener les indépendantistes à la table des discussions fin août, à l’invitation du gouvernement d’Élisabeth Borne. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) doit d’ailleurs signifier sa décision d’y envoyer un représentant ce samedi 29 juillet, d’après Le Monde.
Les sénateurs de la commission des lois ont justement remis leur rapport – adopté à l’unanimité – quelques jours avant le départ du président de la République. « Ce n’est pas un hasard », glisse Jean-Pierre Sueur, co-rapporteur de la publication avec François-Noël Buffet (Les Républicains), Philippe Bas (Les Républicains) et Hervé Marseille (UDI). Les élus de la chambre haute plaident pour un dialogue entre les indépendantistes, les loyalistes et le gouvernement. « Après la tenue des trois référendums, c’est ce que prévoit la constitution », rappelle le sénateur du Loiret.
« Dégel » du corps électoral
Au-delà de ce dialogue tripartite, le sénateur socialiste prévient qu’il est « important que les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie puissent avoir lieu en 2024 », mais selon lui, ces dernières « ne pourront pas avoir lieu dans l’état actuel de non-droit ». En effet, les loyalistes, dont Sonia Backès, secrétaire d’Etat chargée à la citoyenneté et présidente de la province Sud, est cheffe de file, réclament une modification du corps électoral. « Il va devenir caduc », prévient Jean-Pierre Sueur puisque ne peuvent voter que les électeurs inscrits avant 1998 comme prévu par les accords de Nouméa, permettant ainsi de préserver les équilibres de population entre les loyalistes et les indépendantistes. En juin dernier, le FLNKS a tout de même accepté de discuter du dégel du corps électoral sous l’égide de Gérald Darmanin.
Si tout cela ne préjuge pas de la signature d’un accord entre les trois acteurs, le chemin institutionnel est encore long. « On ne peut pas organiser les élections provinciales sans modifier la constitution », explique Jean-Pierre Sueur puisque des dispositions des accords de Nouméa y figurent. Le sénateur plaide également pour qu’il n’y ait « aucun sujet tabou » pour rouvrir les discussions.
Pour le moment, une section du nord de l’île de l’Union calédonienne, principal parti des indépendantistes du FLNKS, compte boycotter la réunion prévue mercredi entre les acteurs politiques et Emmanuel Macron.
Stratégie militaire dans l’indo-pacifique
La stratégie militaire française en Nouvelle-Calédonie évoquée par Emmanuel Macron lors de son interview aux JT de 13h pourrait refroidir un peu plus les indépendantistes, selon le sénateur de la majorité présidentielle André Gattolin. Le président de la République a parlé de la « stratégie indo-pacifique » de la France, soulignant les « tensions » dans la zone où « la Chine déploie une présence de plus en plus forte » et « les Etats-Unis d’Amérique sont de plus en plus présents ».
Le président français rappelle la présence du pays en indo-pacifique et ses capacités à « effectuer des opérations de souveraineté », notamment à travers l’exercice Pégase. « En Nouvelle-Calédonie, nous avons 1600 militaires déployés en permanence », indique Emmanuel Macron. « Les Kanaks indépendantistes craignent que la stratégie indo-pacifique de la France soit un prétexte pour remilitariser la Nouvelle-Calédonie », relaie le sénateur Renaissance André Gattolin, connaisseur du dossier. « Un million et demi d’habitants sur cette zone qui regroupe la moitié de la surface du monde, c’est très symbolique », analyse l’élu des Hauts-de-Seine.
Emmanuel Macron promet néanmoins des annonces pour les militaires et la projection de la France dans la zone indo-pacifique. « C’est une politique d’affichage, juge André Gattolin. Même si on ajoute cinq rafales ou trois frégates, ça ne changera pas grand-chose. Mais on cherche à séduire l’Indonésie, la Malaisie pour leur vendre du matériel militaire. On n’a aucune capacité d’engagement vis-à-vis des Etats-Unis, de la Chine ou même de l’Inde. » Pour le sénateur, la France doit se concentrer d’abord sur « le processus de réconciliation entre le nord et le sud de la Nouvelle-Calédonie, avant de parler de l’indo-pacifique. »