En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.
Emmanuel Macron : horizontalité de la conquête, verticalité du pouvoir ?
Par Alexandre Delrieu
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Le 27 août 1958, Michel Debré présente le projet de Constitution de la Ve République devant le Conseil d’État. Alors Garde des Sceaux, il emploie le terme de « clef de voûte », repris par le Général de Gaulle, pour définir le président de la République sous la nouvelle République. Cette nouvelle constitution renforce et centralise la figure du chef de l’État au point d’instaurer, selon certains, une « monarchie républicaine ».
Un monarque républicain
Un monarque républicain, « c’est un homme qui est au dessus, qui incarne la Nation, qui incarne l’État, qui assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », indique Jean-Louis Debré, fils de Michel Debré et ancien président du Conseil constitutionnel. Pour lui, « le président de la République, de par son élection au suffrage universel direct, est un homme politique à part ». Le pouvoir qu’il exerce ne saurait pour autant être qualifié de hors-sol, souligne l’ancien président de l’Assemblée nationale. « Je ne sais pas ce que c’est que le pouvoir hors-sol. Dans une constitution le pouvoir il est défini ».
En ce sens, Emmanuel Macron « a restauré l’image du président de la République », estime l’ancien président du Conseil constitutionnel. « Il est en initiative, […]. C’est là où il a compris le dynamisme et l’essence de la fonction présidentielle ».
« Un cheminement très individuel »
Si le Président Macron joue habilement des pouvoirs importants que lui confère la Constitution, son style « jupitérien » tiendrait particulièrement aux circonstances politiques inédites qui ont accompagné son élection. En effet, la victoire du candidat Macron n’est pas le fruit du jeu classique des partis politiques traditionnels. Après avoir créé ex nihilo son propre mouvement, « il a remporté les élections législatives en faisant élire les députés qui lui doivent tout, avec une très large majorité », observe le philosophe Jean-Claude Monod.
Par ailleurs, la présidentialisation du pouvoir exercé par Emmanuel Macron est accentuée par le manque de visibilité de son gouvernement. « On ne connaît pas le visage de ses ministres. Il n’y a aussi pas d’autre visage qui dépasse à côté de lui » souligne Anne-Lorraine Bujon de l’Estang, rédactrice en chef de la revue Esprit.
« C’est un cheminement très individuel », résume le professeur de sciences politiques Frédéric Sawicki, qui met en garde contre un renversement de l’opinion si le Président n’arrive pas « à faire de miracles ». « En cas de retour de bâton, le roi est nu, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de fusible, il n’y a pas de responsabilité partagée » explique-t-il.
« La verticalité et l’horizontalité » du pouvoir macronien
La singularité du pouvoir incarné par le Président Macron créerait alors un rapport direct entre le chef de l’État et l’opinion publique. Exercice de communication avec les Français dans lequel le Président excellerait, commente le député Modem Jean-Louis Bourlanges.
Pour le député centriste, Emmanuel Macron est d’une part « à l’aise dans le discours que la presse qualifierait de jupitérien, le discours de majesté. Le discours sur le colonel Beltrame est absolument parfait dans ce domaine ». D’autre part, le chef de l’État se distingue dans « le contact direct, charnel, l’accrochage de la discussion », avance le député des Hauts-de-Seine, qui prend notamment pour exemple l’échange entre Emmanuel Macron et des agriculteurs lors du salon de l’agriculture fin février. « Il est à la fois supérieur et proche. Ce sont ses deux registres, la verticalité et l’horizontalité », résume-t-il.
Emmanuel Macron et le Parlement du « nouveau monde »
Avec une Assemblée nationale dont les trois quarts des sièges sont occupés par des primo-élus, les relations entre Emmanuel Macron et le Parlement demeurent délicates. Alors que la chambre basse est dominée par une écrasante majorité "La République en Marche" (LREM) et "Mouvement démocrate" (Modem), l’opposition qui est éclatée a du mal à émerger.
Néanmoins, la majorité présidentielle qui est « composée entièrement de jeunes gens, sans aucune séniorité » n’offre pas la discipline d’un parti traditionnel, commente le député Jean-Louis Bourlanges. Les jeunes députés de la majorité se trouvent dans une « situation de rivalité » qui, en l’absence de hiérarchie bien établie, fausse les rapports avec le chef de l’État.
Un Sénat « totalement à l’aise »
Dans cette mêlée, le Sénat qui possède encore une large majorité de sénateurs d’opposition du groupe Les Républicains (LR), tire son épingle du jeu. « C’est une chambre sur lequel l’Exécutif ne peut rien, il ne peut pas le dissoudre, et c’est une chambre qui ne peut pas renverser l’Exécutif », indique le député centriste. Et de conclure que le Sénat est alors « totalement à l’aise ».
À cet égard, le Sénat pourrait jouer un rôle central d’opposition au gouvernement en vue des négociations à venir sur le projet de réforme de la Constitution.
Retrouvez notre débat « Macron, An 1 : un monarque Jupitérien ? » dans l'émission Un monde en Docs, présentée par Nora Hamadi, le samedi 7 avril à 23h30 sur Public Sénat.
Pour aller plus loin :
- « Tu le raconteras plus tard », de Jean-Louis Debré, Ed. Robert Laffont -2017
- « Qu’est-ce qu’un chef en démocratie ? : politiques du charisme », de Jean-Claude Monod, Ed. Seuil – 2012
- « Les réseaux du parti socialiste », de Frédéric Sawicki, Ed. Belin – réédité en 2017
- Revue Esprit, numéro d’avril 2018, « Le passage de témoin »
- « La force de gouverner », de Nicolas Roussellier, Ed. Gallimard – 2015
- « La Monarchie républicaine. État et société dans la France moderne », de James B. Collins, Ed. Odile Jacob – 2016.