Emmanuel Macron : « On ne choisit pas une part de la France »
Dans son discours au Panthéon ce matin, le Président de la République a esquissé sa définition de la citoyenneté républicaine en faisant de la devise de la République française un « bloc » face « aux menaces qui pèsent sur la République ».

Emmanuel Macron : « On ne choisit pas une part de la France »

Dans son discours au Panthéon ce matin, le Président de la République a esquissé sa définition de la citoyenneté républicaine en faisant de la devise de la République française un « bloc » face « aux menaces qui pèsent sur la République ».
Louis Mollier-Sabet

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Emmanuel Macron a célébré aujourd’hui les 150 ans de la proclamation de la IIIè République en tenant un discours au Panthéon devant des collégiens et cinq Français récemment naturalisés. Une symbolique censée faire le lien entre les grands hommes et grandes femmes célébrées par le fronton de l’édifice et les nouveaux (et futurs) membres de la communauté nationale. Le Président de la République explicite ce lien dès le début de son discours en rappelant que le 4 septembre 1870, c’est Léon Gambetta, « un fils d’immigré récemment naturalisé, français de sang-mêlé » qui proclame la IIIè République du balcon de l’Hôtel de Ville. Emmanuel Macron retrace une filiation qu’il veut multiple entre ces « figures françaises non par leur héritage mais par leurs combats », en citant notamment Marie Curie, Joséphine Baker, Félix Eboué ou Gisèle Halimi : « Autant de destins dont vous êtes les légataires » intime-t-il à son auditoire.

« Une forme de gravité lucide face aux menaces qui pèsent sur la République »

Emmanuel Macron : "La République n’est pas donnée, elle n’est jamais acquise, c’est une conquête à toujours protéger"
00:28

Ces figures étaient donc « françaises par leurs combats » et le chef de l’État entend faire perdurer cette conception de la citoyenneté comme une défense quotidienne de la République : « C’est votre tour désormais. » Emmanuel Macron insiste : « La République doit être un combat de chaque aube. La République n’est pas donnée, elle n’est jamais acquise, c’est une conquête à toujours protéger » par un « patriotisme républicain de chaque instant ».

En fin de discours, Emmanuel Macron est revenu sur cette idée d’une République à défendre : « En ce jour anniversaire ce n’est pas la joie qui domine, mais une forme de gravité lucide face aux menaces qui pèsent sur la République. » L’unité de cette généalogie tracée par le Président semble se trouver dans cette défense de la République menacée, qu’il oppose implicitement à une simple célébration naïve des rites républicains : « Ne croyez pas que ce ne sont que des mots, c’est toute une histoire : à chaque fois que certains menaceront la République, il faudra la défendre car d’autres avant vous l’ont défendue. C’est à vous de faire vivre la promesse républicaine, reprendre le flambeau et le confier à notre jeunesse qui doit continuer de garder ce goût des rites républicains. »

Mais quelles sont donc ces « menaces » qui pèsent sur la République ? Dans son discours, Emmanuel Macron les a identifiées en déclinant le triptyque républicain « Liberté, Égalité, Fraternité » sous le prisme du « bloc », reprenant ainsi la formule consacrée de Georges Clemenceau, prononcée à la Chambre des députés le 19 janvier 1891 : « La Révolution est un bloc ».

« Les lois de la République sont supérieures aux lois particulières »

Un 4 septembre, la référence tertio républicaine semble à propos. Mais pour Clemenceau, si la Révolution est un bloc et qu’on ne peut donc trier dans son histoire ce que l’on accepte et ce que l’on n’accepte pas, c’est parce que cette Révolution « dure encore » et se « trouve aux prises avec les mêmes ennemis » au début de la IIIè République. En somme, ceux qui veulent « éplucher » la Révolution sont des monarchistes déguisés et la République doit par conséquent faire « bloc » derrière son héritage révolutionnaire.

Emmanuel Macron réactualise donc ce raisonnement en filant la métaphore d’une devise républicaine comme « bloc » que tout citoyen devrait accepter dans sa totalité pour défendre une République menacée. Ainsi « la liberté, dans notre République est un bloc » et donc la liberté individuelle est « indissociable à la soumission aux urnes » qui exprime « la liberté collective du peuple ». En fait, au « bloc » révolutionnaire de Clemenceau destiné à lutter contre un régime politique antagoniste, Emmanuel Macron substitue le « bloc » républicain du « en même temps » et des « droits et des devoirs », qui doit garantir l’unité nationale face au « séparatisme religieux ». En cela, Emmanuel Macron rejoint plus Aristide Briand le libéral, père de la loi de 1905, que Clemenceau l’anticlérical : les citoyens ont des libertés comme « la liberté de conscience et la laïcité, une liberté unique au monde de croire ou de ne pas croire » mais qui est en même temps « inséparable d’une liberté d’expression qui va jusqu’à la liberté de blasphème », que le chef de l’État a tenu à réaffirmer dans le contexte de l’ouverture du procès des attentats de Charlie Hebdo.  

Emmanuel Macron : "L’égalité des chances n’est pas encore effective aujourd’hui dans notre République, c’est pourquoi elle est plus que jamais une priorité de ce quinquennat"
00:34

De même, si « l’égalité est un bloc », elle ouvre des droits, qui « ne sont pas encore effectifs dans notre République » : « La marche vers l’égalité effective est encore inachevée. Chaque citoyen doit pouvoir construire son destin par son travail et son mérite, mais combien de portes fermées à des jeunes femmes, des jeunes hommes parce qu’ils n’avaient pas les bons codes, n’étaient pas nés au bon endroit ?  L’égalité des chances n’est pas encore effective aujourd’hui dans notre République, c’est pourquoi elle est plus que jamais une priorité de ce quinquennat. » Mais pour le chef de l’État, l’égalité implique aussi que « les lois de la République sont supérieures aux lois particulières. Il n’y aura jamais de place en France pour ceux qui au nom d’un Dieu, souvent aidés par de puissances étrangères, entendent imposer la loi d’un groupe. La République, parce qu’elle est indivisible, n’admet aucune aventure séparatiste. »

Emmanuel Macron : "La République, parce qu’elle est indivisible, n’admet aucune aventure séparatiste"
00:43

« On ne choisit pas une part de la France »

Enfin, « la Fraternité est un bloc : elle ne peut perdurer que si chacun reconnaît l’autre comme digne d’être aidé ». Ainsi, si la fraternité est la base de « notre système social unique au monde », elle présuppose aussi que les citoyens ne soient « pas seulement unis par un contrat social mais par des valeurs, une culture commune et un destin commun dans lequel chacun se sent engagé ».

Le Président de la République a insisté, être français, c’est « aimer nos paysages, notre histoire, notre culture, en bloc, toujours : du sacre de Reims à la fête de la Fédération », c’est-à-dire accepter toutes les parties de l’histoire de France : « C’est pour ça que nous ne déboulonnons pas des statues : on ne choisit pas une part de la France. »

Partager cet article

Dans la même thématique

Photo Cazeneuve
11min

Politique

Attentats du 13 novembre 2015, le récit de Bernard Cazeneuve : « Très vite, on a conscience que nous sommes confrontés à une attaque de grande ampleur »

ENTRETIEN - Dix ans après les attentats de Paris et de Seine-Saint-Denis, qui ont coûté la vie à 130 personnes, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, revient auprès de Public Sénat sur cette nuit de terreur, et la gestion de crise aux côtés du Président de la République et du Premier ministre.

Le

Emmanuel Macron : « On ne choisit pas une part de la France »
3min

Politique

« Il n’y a aucune délinquance dans les écoles de musique », affirme le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus

Il est sans conteste le maestro français le plus célèbre de sa génération. A 92 ans, Jean-Claude Casadesus continue de remplir les plus belles salles du monde sans jamais renier son attachement à la région du Nord. Lui qui a créé puis dirigé l’orchestre national de Lille, s’est engagé toute sa vie pour rendre la musique classique accessible à tous. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, Un regard, Il revient sur son immense carrière marquée par la passion et le partage.

Le

Paris: Senate pension debat
6min

Politique

Retraites : la gauche du Sénat désunie sur la suspension de la réforme

A partir du 19 novembre, le Sénat examinera en séance publique le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et sa mesure phare : la suspension de la réforme des retraites. Une concession du gouvernement faite au PS qui n’a aucune chance d’être adoptée à la haute assemblée à majorité de droite. Les socialistes ne devraient également ne pas être suivis par les communistes et écologistes sur le vote de cette mesure.

Le

Photo horizontale Hollande
11min

Politique

Attentats du 13 novembre 2015 : « Je vois des victimes qui sortent du Bataclan, le regard hagard… », se remémore François Hollande

ENTRETIEN – Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, l'ancien président de la République revient auprès de Public Sénat sur le déroulé des attaques terroristes de Seine-Saint-Denis et de Paris. Il détaille la gestion de la crise et les décisions prises cette nuit-là, mais analyse aussi l'évolution du pays face à cette épreuve.

Le