A partir de ce mardi 8 juillet, Emmanuel Macron pourra de nouveau dégainer l’arme de la dissolution. Un an après les élections législatives de 2024, le président de la République retrouve la pleine jouissance de l’arsenal constitutionnel. En effet, l’article 12 de la Constitution impose un délai de douze mois avant de pouvoir dissoudre, à nouveau, l’Assemblée nationale. De là à imaginer une nouvelle dissolution de la chambre des députés ? En juin, le principal intéressé assurait que ce n’était pas sa volonté. « Mon souhait, c’est qu’il n’y ait pas d’autre dissolution […] mais mon habitude n’est pas de me priver d’un pouvoir constitutionnel », a-t-il prévenu, n’excluant pas de dissoudre « si des formations politiques décidaient […] de bloquer le pays ».
Véritable arme nucléaire de la vie politique française, cette ambiguïté autour de la dissolution pourrait être utilisée par le président de la République afin de renforcer son poids sur la vie politique française. Une volonté de revenir dans le jeu politique déjà esquissée le 13 mai sur TF1 lorsque le chef de l’Etat laissait entendre la possibilité d’organiser un référendum sur la fin de vie si les débats s’enlisaient au Parlement.
Une manière de revenir au centre du jeu politique ?
La menace de la dissolution pourrait pleinement s’exercer à l’automne lorsque les débats sur le projet de loi de finances de 2026 débuteront. En effet, alors que François Bayrou cherche une voie de passage pour économiser 40 milliards d’euros sur le prochain budget, les oppositions de gauche et d’extrême droite devraient exercer une pression maximale sur le gouvernement et dégainer une motion de censure contre le Premier ministre. Le spectre de la dissolution pèserait principalement sur le RN puisque Marine Le Pen, qui fait toujours l’objet d’une peine d’inéligibilité, ne pourrait pas se présenter. La menace aurait cependant du mal à influencer la gauche alors que les socialistes ont tenté de censurer le gouvernement de François Bayrou après l’échec des négociations sur les retraites.
« Le pouvoir de dissoudre ne donne au président qu’un pouvoir d’appuyer sur le bouton de l’élection, mais on a vu depuis 2024 qu’il est ensuite bien impuissant devant les résultats. Il ne récupère donc aucun pouvoir. La seule vérité institutionnelle de son pouvoir pourrait être celui de menacer de dissolution une Assemblée qui renverserait le Premier ministre, mais là encore ce n’est pas sûr que cela fonctionne », résume la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina. « C’est une arme de dissuasion, mais est-elle vraiment utilisable ? De nouvelles élections ne seront pas forcément favorables », abonde Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et membre du CEVIPOF. A défaut de pouvoir exercer une réelle pression sur les oppositions, la menace de la dissolution pourrait être utilisée pour discipliner le socle commun, en proie à de vives turbulences dernièrement.
« On sent une volonté de reprise en main de sa famille politique »
En déplacement à Roquefort, le 3 juillet, le président de la République a déjà lancé un premier coup de pression à destination de l’équipe gouvernementale. « Si on commence à avoir des ministres qui s’occupent de tout, ça ne s’appelle plus un gouvernement. Il faut discipliner la parole » avait déclaré Emmanuel Macron après la tribune de Bruno Retailleau sur le financement des énergies renouvelables.
Le chef de l’Etat a également exprimé son envie de reprendre la main, devant ses troupes à l’occasion des dix ans des Jeunes avec Macron, devenus les Jeunes en Marche depuis ce week-end. « Si dans les deux ans qui viennent, on passe notre temps à parler de 2027, à ne rien faire, à être dans les calculs, à être dans les divisions, ce ne sera aucun d’entre nous dans deux ans », a lancé Emmanuel Macron devant ses troupes. « Je suis venu vous dire que ça n’était pas fini. J’aurai besoin de vous dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans ! » a-t-il également ajouté. Une façon de prévenir ses potentiels successeurs et notamment Gabriel Attal, avec qui il entretient des relations glaciales depuis la dissolution, qu’il faudrait toujours compter sur lui après 2027. Car même s’il ne pourra pas se présenter en 2027, Emmanuel Macron continue d’évoquer à demi-mot une éventuelle candidature pour 2032.
« C’est une façon de dire qu’il reste le grand patron du macronisme et que son projet reste d’actualité. On sent une volonté de reprise en main de sa famille politique », estime Luc Rouban. Néanmoins, agiter la menace de la dissolution pour remobiliser ses troupes pourrait se révéler contre-productif. « Risquer une dissolution coûterait plutôt très cher au bloc central. Sachant la rancœur qui règne dans les rangs du bloc central eu égard à la dissolution de 2024, je pense qu’agiter la menace ne pourrait que souffler sur les braises », analyse Anne-Charlène Bezzina.
Une arme à double tranchant
Enfin, recourir à l’article 12 de la Constitution ferait courir un risque important au locataire de l’Elysée. « S’il devait dissoudre à nouveau, ce serait d’abord perçu comme un énorme aveu d’échec total de ce second mandat », confiait le 4 juillet à l’AFP le politiste Bruno Cautrès. Surtout, en cas de nouvelle dissolution ratée, la pression exercée sur Emmanuel Macron pour réclamer sa démission ne ferait que se renforcer. « Plus le pouvoir de déstabilisation des institutions est fort, plus la remise en cause des mandats est envisageable. Sous les républiques précédentes, lorsqu’un président de la République voyait plus de trois premiers ministres se faire renverser il était amené à démissionner. L’histoire pourrait se répéter », rappelle Anne-Charlène Bezzina.
« A part EPR, pratiquement tout le monde attend la démission d’Emmanuel Macron », relève Luc Rouban. Sans attendre une dissolution, Manuel Bompard appelle déjà à la démission du président de la République. « La solution la plus raisonnable, ce serait l’organisation d’une élection présidentielle anticipée », a déclaré le coordinateur de la France insoumise sur TF1 ce lundi 7 juillet.