En 1969, le référendum qui chasse de Gaulle de l’Elysée

En 1969, le référendum qui chasse de Gaulle de l’Elysée

Le 27 avril 1969, les Français répondent majoritairement "non" lors d'un référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation, scellant le...
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Par Juliette Baillot

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Le 27 avril 1969, les Français répondent majoritairement "non" lors d'un référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation, scellant le départ de l'Elysée du général de Gaulle qui avait mis son sort dans la balance.

Le 25 avril, le premier président de la Ve République souligne dans une ultime allocution radio-télévisée l'enjeu de la consultation s'agissant de son propre avenir : "Votre réponse va engager le destin de la France, parce que si je suis désavoué par une majorité d'entre vous, solennellement, sur un sujet capital, et quels que puissent être le nombre, l'ardeur et le dévouement de l'armée de ceux qui me soutiennent, et qui, de toute façon, détiennent l'avenir de la patrie, ma tâche actuelle de chef de l'Etat deviendra évidemment impossible".

Fortement ébranlé par la révolte étudiante et les grèves de mai-juin 68, malgré la victoire gaulliste écrasante aux législatives de la fin juin, de Gaulle, qui a alors 78 ans, ne réussira pas à rassembler son camp dans cet ultime combat politique. Quinze jours avant le referendum, il pressentait l'échec, selon son entourage.

- Le non l'emporte à 52,41% -

A la question "Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et relatif à la création de régions et la rénovation du Sénat ?", le non l'emporte par 52,41% des suffrages exprimés. Près de 20% des électeurs s'abstiennent.

Les analystes s'accordent à considérer qu'au-delà même d'un refus des réformes proposées, c'est le départ du général qu'ont souhaité les partisans du non.

Des partisans du
Des partisans du "non" au référendum du 27 avril 1969 fêtent leur victoire dans une rue de Paris
AFP

Annoncée dès le 24 mai 1968 dans l'espoir de calmer la révolte étudiante et ouvrière, le référendum avait été plusieurs fois reporté et son contenu réduit pour se concentrer d'une part sur la fusion du Sénat et du Conseil économique et social, et d'autre part sur la reconnaissance des régions comme collectivités territoriales.

Plus précisément, la réforme entendait renforcer la composition du Sénat, mais diminuer son pouvoir législatif au profit d'une fonction consultative, sans aucun pouvoir de blocage. Les sénateurs, âgés au moins de 23 ans au lieu de 35 à l'époque, auraient été élus ou désignés pour six ans au lieu de neuf. C'est au Premier ministre et plus au président du Sénat que serait revenu si nécessaire l'intérim de la présidence de la République.

L'autre volet proposait d'élargir les compétences des régions, administrées par des conseils de députés locaux et de conseillers régionaux et municipaux, et dont l'autorité exécutive serait revenue à un préfet de région.

- Pour VGE c'est non -

En pleine recomposition, la gauche non communiste craint d'être instrumentalisée et de se voir voler certaines de ses idées si elle vote oui, tandis qu'à droite, logiquement, le président du Sénat Alain Poher est le plus ardent défenseur du non à un projet qui scelle, dit-il, "l'entrée tacite dans un régime de chambre unique".

Mais c'est l'opposition centriste et l'hostilité de Valéry Giscard d'Estaing au oui qui feront basculer le scrutin. Le 14 avril, VGE déclare "Avec regret, mais avec certitude, je n'approuverai pas le projet de loi référendaire", au risque de se voir reprocher par l'UDR, le parti gaulliste, de "renier une cause à laquelle il doit tout".

Jean Lecanuet (Centre démocrate) critique de son côté "une aventure et un bouleversement des institutions républicaines".

Les efforts du Premier ministre Maurice Couve de Murville, de Michel Debré ou d'André Malraux ne pourront enrayer la marche de cette coalition du "non".

- "Je cesse d'exercer mes fonctions" -

Le général de Gaulle, son épouse Yvonne et son aide de camp, le capitaine Le Flohic, le 14 mai 1969 sur une plage près de Derrynane House, en Irlande
Le général de Gaulle, son épouse Yvonne et son aide de camp, le capitaine Le Flohic, le 14 mai 1969 sur une plage près de Derrynane House, en Irlande
AFP

Prenant acte du résultat, de Gaulle, président depuis janvier 1959 et qui avait déjà confessé une tentation "de se retirer" en mai 1968, annonce sa démission dans la nuit du scrutin. Dans son communiqué, diffusé peu après minuit, le 28 avril 1969, par le secrétaire général de l'Elysée Bernard Tricot, il déclare : "Je cesse d'exercer mes fonctions de Président de la République. Cette décision prend effet à midi". Puis se retire avec son épouse en Irlande.

Georges Pompidou, qui avait fait savoir dès janvier 1969 son intérêt pour l'Elysée, est élu président face à Alain Poher le 15 juin, avec 57,58% des voix. Au premier tour, le score élevé du communiste Jacques Duclos (21,52%) a tranché avec celui historiquement bas (5,07%) du socialiste Gaston Deferre.

Encore attelé à la rédaction de ses "Mémoires d'espoir", Charles de Gaulle s'éteint dans sa maison de Colombey-les-deux-églises le 10 novembre 1970.

La loi Deferre de 1982 transforme les régions en collectivités territoriales et l'existence même des régions devient constitutionnelle en 2003.

Les sénateurs sont élus pour partie au scrutin proportionnel depuis 2000, pour six ans depuis 2008 et l'âge d'éligibilité a été abaissée à 24 ans en 2011. En revanche, les pouvoirs de la seconde chambre n'ont pas été rognés.

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