France Palestine State
Crédits : AP Photo/Francois Mori

En 2014, le Sénat se prononçait en faveur d’une reconnaissance de l’Etat palestinien

Il y a un peu plus de 10 ans, le Sénat adoptait, avec un scrutin très serré, une proposition de résolution sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Quelques jours plus tôt, l’Assemblée nationale adoptait la même résolution.
Marius Texier

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

A sept voix d’écart (153 voix pour et 146 contre), le Sénat adopte, le 11 décembre 2014, une proposition de résolution sur la reconnaissance de l’État de Palestine. Déposée par les sénateurs de gauche, la proposition de résolution vise à consacrer le « droit inaliénable à l’autodétermination » du peuple palestinien. « Un retour salutaire et immédiat à la négociation doit accompagner la reconnaissance de l’État palestinien, afin que celle-ci soit utile à la paix », est-il indiqué dans l’exposé des motifs.

Au cours de l’été 2014, une précédente guerre à Gaza a fait rage causant la mort de 66 Israéliens et plus de 2 000 morts côté Gazaouis.

« La voix de la France compte sur la scène internationale »

A la tribune, les discours s’enchaînent dans une ambiance électrique. L’auteur de la proposition de résolution, le sénateur socialiste Gilbert Roger, lance les discussions. « La voix de la France compte sur la scène internationale, elle a toujours eu un poids supérieur à son pouvoir réel », assène le sénateur. « Ne pas reconnaître l’Etat Palestinien c’est accepter que la situation perdure et que les Palestiniens continuent à vivre dans un climat de violence et d’insécurité ».

Il déplore l’absence de processus de paix depuis l’assassinat Yitzhak Rabin. Le 4 novembre 1995, le Premier ministre israélien est assassiné par un juif extrémiste religieux ce qui a entraîné un sérieux coup de frein dans le processus de paix israélo-palestinien.

« En France, où vit la plus grande communauté juive d’Europe, la reconnaissance de la Palestine n’est pas un symbole, c’est un acte politique. C’est la seule manière de sauver la solution à deux Etats », assure Gilbert Roger.

« C’est un message fort pour le monde »

Dans une interview accordée à C à Vous le 8 avril dernier, Emmanuel Macron a abondé dans le même sens : « Ceux qui pensent que la réponse n’est que sécuritaire se mentent à eux-mêmes. La réponse, elle est politique ». Au cours d’un échange téléphonique aujourd’hui avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président français a réaffirmé sa position d’une « solution à deux Etats ».

En 2014, à l’issue du scrutin, le sénateur Gilbert Roger, visiblement très ému, n’a pas pu retenir ses larmes. « C’est un message fort pour le monde et j’en suis content », a-t-il déclaré.

« Pour faire la paix, il faut être deux »

Mais la proposition a cependant trouvé des détracteurs. Dans son discours à l’époque, le sénateur Les Républicains, Roger Karoutchi, reproche que le débat s’invite au Parlement qualifiant le Hamas « d’organisation terroriste ». « Je suis pour qu’il y ait deux Etats mais encore faudrait-il qu’il y ait un Etat avec un gouvernement qui fasse autorité. Pour faire la paix, il faut être deux », regrette le sénateur des Hauts-de-Seine. Interrompu à de nombreuses reprises dans son discours par des invectives venues des bancs de la gauche, Roger Karoutchi perd patience : « Je vous ai écouté tout le long, laissez-moi finir », avant de conclure, « il faut que le Hamas renie sa charte et que des efforts soient faits des deux côtés, là il n’y a des efforts que d’un seul côté ».

« Une reconnaissance de papier »

Pour son collègue de l’UMP, le sénateur du Val-de-Marne, Christian Cambon, c’est « une reconnaissance de papier » arguant qu’il faut « négocier pour reconnaître ». Selon lui, la reconnaissance n’apporte « aucun élément utile » pour une paix durable et permet d’apporter « un message apaisant à la communauté musulmane de France ». Applaudissement sur les bancs de la droite.

Le sénateur centriste, Hervé Marseille ajoute : « De nombreux pays ont reconnu la Palestine et cela n’a pas fait bouger la situation d’un iota. On peut se jeter à la figure les femmes qui meurent, les enfants qui pleurent. Il y en a partout dans le monde et tous les matins on peut l’évoquer ». Indignation chez les sénateurs de gauche. « Cela ne vous fait pas plaisir, mais je le dis quand même », lance Hervé Marseille. « C’est un texte de circonstance et déséquilibré. Un texte qui cherche à attirer les bonnes grâces de communautés qui se sont éloignées de la gauche ».

L’exécutif n’a pas suivi le vote du Sénat

En tant que représentant du gouvernement, le secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, Harlem Désir, salue une « reconnaissance » qui « constitue un levier pour la paix ». « C’est le devoir impérieux de la France, puissance de paix, ami traditionnel des Israéliens et des Palestiniens, même si l’on sait que la tâche sera très difficile ». Le discours est accueilli par de nombreux applaudissements.

A la fin de la séance, en salle des Conférences, l’ancien président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, « espère » que l’instrument de la reconnaissance « soit utilisé par le gouvernement français pour la reconnaissance mutuelle et pour la relance des négociations ». Pourtant signataire en 2011, d’une proposition de résolution à l’Assemblée nationale pour une reconnaissance de l’Etat de Palestine, François Hollande n’a pas suivi le vote du Sénat lors de son mandat.

Partager cet article

Dans la même thématique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

French L1 football match between Olympique Lyonnais (OL) and Le Havre AC
8min

Politique

Salaires exorbitants, conflits d’intérêts, droits TV : retour sur la commission d’enquête qui a mis un carton rouge au Foot business

Série- Les enquêtes du Sénat. C’est une commission d’enquête qui a connu de nombreux soubresauts. Alors que le football professionnel traversait une crise majeure liée aux revenus des droits TV, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin ont lancé une commission d’enquête pour encadrer le sport professionnel. Entre auditions, visite du siège de la Ligue de football et révélations de Complément d’enquête, retour sur les préconisations de la commission d’enquête pour stopper le Foot business.

Le

Le Mans Manifestation des maires de la Sarthe
4min

Politique

Elections municipales : il n’y a jamais eu autant de maires démissionnaires depuis 2020

Le nombre d’édiles qui renoncent à poursuivre leur mandat n’a jamais été aussi élevé, selon une étude de l'Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Les démissions ont été multipliées par quatre depuis 2020 par rapport à la période 2008-2014. Les tensions au sein des Conseils municipaux sont invoquées comme première cause de renoncement.

Le

capture La bomba
3min

Politique

Les « films de l’été » 5/8 : « La bombe atomique a modifié à jamais le monde dans lequel nous vivons »

Pour les Américains, la bombe atomique était LA solution nécessaire pour gagner la Seconde Guerre mondiale. Elle est devenue par la suite un problème environnemental, politique et moral. Comment vivre avec une invention capable de détruire la planète ? Étayé d'images et de vidéos déclassifiées, mais aussi d'archives poignantes consacrées aux victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, « La bombe », du cinéaste américain Rushmore DeNooyer, diffusé cet été sur Public Sénat, convoque également les témoignages d'anciens hommes politiques, d'ingénieurs du projet Manhattan et d'historiens pour raconter cette histoire scientifique, politique et culturelle.

Le