A sept voix d’écart (153 voix pour et 146 contre), le Sénat adopte, le 11 décembre 2014, une proposition de résolution sur la reconnaissance de l’État de Palestine. Déposée par les sénateurs de gauche, la proposition de résolution vise à consacrer le « droit inaliénable à l’autodétermination » du peuple palestinien. « Un retour salutaire et immédiat à la négociation doit accompagner la reconnaissance de l’État palestinien, afin que celle-ci soit utile à la paix », est-il indiqué dans l’exposé des motifs.
Au cours de l’été 2014, une précédente guerre à Gaza a fait rage causant la mort de 66 Israéliens et plus de 2 000 morts côté Gazaouis.
« La voix de la France compte sur la scène internationale »
A la tribune, les discours s’enchaînent dans une ambiance électrique. L’auteur de la proposition de résolution, le sénateur socialiste Gilbert Roger, lance les discussions. « La voix de la France compte sur la scène internationale, elle a toujours eu un poids supérieur à son pouvoir réel », assène le sénateur. « Ne pas reconnaître l’Etat Palestinien c’est accepter que la situation perdure et que les Palestiniens continuent à vivre dans un climat de violence et d’insécurité ».
Il déplore l’absence de processus de paix depuis l’assassinat Yitzhak Rabin. Le 4 novembre 1995, le Premier ministre israélien est assassiné par un juif extrémiste religieux ce qui a entraîné un sérieux coup de frein dans le processus de paix israélo-palestinien.
« En France, où vit la plus grande communauté juive d’Europe, la reconnaissance de la Palestine n’est pas un symbole, c’est un acte politique. C’est la seule manière de sauver la solution à deux Etats », assure Gilbert Roger.
« C’est un message fort pour le monde »
Dans une interview accordée à C à Vous le 8 avril dernier, Emmanuel Macron a abondé dans le même sens : « Ceux qui pensent que la réponse n’est que sécuritaire se mentent à eux-mêmes. La réponse, elle est politique ». Au cours d’un échange téléphonique aujourd’hui avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président français a réaffirmé sa position d’une « solution à deux Etats ».
En 2014, à l’issue du scrutin, le sénateur Gilbert Roger, visiblement très ému, n’a pas pu retenir ses larmes. « C’est un message fort pour le monde et j’en suis content », a-t-il déclaré.
« Pour faire la paix, il faut être deux »
Mais la proposition a cependant trouvé des détracteurs. Dans son discours à l’époque, le sénateur Les Républicains, Roger Karoutchi, reproche que le débat s’invite au Parlement qualifiant le Hamas « d’organisation terroriste ». « Je suis pour qu’il y ait deux Etats mais encore faudrait-il qu’il y ait un Etat avec un gouvernement qui fasse autorité. Pour faire la paix, il faut être deux », regrette le sénateur des Hauts-de-Seine. Interrompu à de nombreuses reprises dans son discours par des invectives venues des bancs de la gauche, Roger Karoutchi perd patience : « Je vous ai écouté tout le long, laissez-moi finir », avant de conclure, « il faut que le Hamas renie sa charte et que des efforts soient faits des deux côtés, là il n’y a des efforts que d’un seul côté ».
« Une reconnaissance de papier »
Pour son collègue de l’UMP, le sénateur du Val-de-Marne, Christian Cambon, c’est « une reconnaissance de papier » arguant qu’il faut « négocier pour reconnaître ». Selon lui, la reconnaissance n’apporte « aucun élément utile » pour une paix durable et permet d’apporter « un message apaisant à la communauté musulmane de France ». Applaudissement sur les bancs de la droite.
Le sénateur centriste, Hervé Marseille ajoute : « De nombreux pays ont reconnu la Palestine et cela n’a pas fait bouger la situation d’un iota. On peut se jeter à la figure les femmes qui meurent, les enfants qui pleurent. Il y en a partout dans le monde et tous les matins on peut l’évoquer ». Indignation chez les sénateurs de gauche. « Cela ne vous fait pas plaisir, mais je le dis quand même », lance Hervé Marseille. « C’est un texte de circonstance et déséquilibré. Un texte qui cherche à attirer les bonnes grâces de communautés qui se sont éloignées de la gauche ».
L’exécutif n’a pas suivi le vote du Sénat
En tant que représentant du gouvernement, le secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, Harlem Désir, salue une « reconnaissance » qui « constitue un levier pour la paix ». « C’est le devoir impérieux de la France, puissance de paix, ami traditionnel des Israéliens et des Palestiniens, même si l’on sait que la tâche sera très difficile ». Le discours est accueilli par de nombreux applaudissements.
A la fin de la séance, en salle des Conférences, l’ancien président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, « espère » que l’instrument de la reconnaissance « soit utilisé par le gouvernement français pour la reconnaissance mutuelle et pour la relance des négociations ». Pourtant signataire en 2011, d’une proposition de résolution à l’Assemblée nationale pour une reconnaissance de l’Etat de Palestine, François Hollande n’a pas suivi le vote du Sénat lors de son mandat.