En 2021, 60 millions de personnes déplacées : un record
Des chiffres « records », « sans précédent » et « inhabituellement élevés » … Les qualificatifs ne manquent pas dans le dernier rapport annuel de l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) et du Conseil Norvégien pour les réfugiés (NRC) publié ce jeudi 20 mai. Les deux ONG dressent un bilan alarmant de l’année 2021 s'agissant des déplacements et des déplacés internes.  « Le monde s’écroule » selon Jan Egeland.

En 2021, 60 millions de personnes déplacées : un record

Des chiffres « records », « sans précédent » et « inhabituellement élevés » … Les qualificatifs ne manquent pas dans le dernier rapport annuel de l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) et du Conseil Norvégien pour les réfugiés (NRC) publié ce jeudi 20 mai. Les deux ONG dressent un bilan alarmant de l’année 2021 s'agissant des déplacements et des déplacés internes.  « Le monde s’écroule » selon Jan Egeland.
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Par Louis Dubar

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« Une situation […] pire que ce que ces données laissent entendre », souligne Jan Egeland, secrétaire général du Conseil Norvégien pour les réfugiés (NRC). Le rapport publié ce jeudi 19 mai est un bilan annuel mondial des situations de déplacement interne de l’année 2021. La guerre en Ukraine déclenchée dans la nuit du 23 au 24 février 2022, et les 12 millions de personnes contraintes de quitter leur foyer n’ont pas été prises en compte dans cette étude. « L’année 2022 représentera sans aucun doute un nouveau record et s’annonce sombre », commente Vicente Anzellini, coordinateur du rapport à l’IDMC. « Typiquement en Ukraine, la majorité des déplacements de populations s’effectue au sein des frontières de l’Etat. Cette logique de déplacement interne peut être généralisée à n’importe quel conflit ou désastre climatique. La thématique de l’accueil des réfugiés, bien qu’importante et essentielle, ne doit pas occulter ou dissimuler le sort des déplacés internes », souligne-t-il.

38 millions de mouvements internes enregistrés en 2021

« Deuxième bilan annuel le plus élevé en une décennie » en termes de déplacements ou mouvements internes, les auteurs du rapport en ont recensé près de 38 millions en 2021. « Un ‘déplacement interne’ fait référence à chaque nouveau mouvement forcé à l’intérieur des frontières d’un pays au cours de l’année. Ce qui signifie qu’une personne déplacée peut effectuer plusieurs déplacements sur douze mois », explique Vicente Anzellini. Ce chiffre diffère du nombre total de déplacés dans le monde évalué par l'IDMC et s’élevant à 59,1 millions, « soit plus de 4,1 millions de plus par rapport à 2021. » Un chiffre qui n’a pas cessé d’augmenter depuis la publication du premier bilan annuel en 2003.

La majorité de ces déplacements (60 %) - 23,7 millions - seraient causés selon l’IDMC par des désastres climatiques ou liés à des conditions météorologiques tels que les inondations, les cyclones ou la sécheresse. Les conflits armés et les différentes formes de violence (criminelle, politique ou intercommunautaire) sont responsables de 14,4 millions de mouvements migratoires internes. « Ce chiffre mondial […] est le plus élevé jamais enregistré (+50 %). De nombreux pays ont enregistré des records historiques », commente Vicente Anzellini.

Concernant le chiffre mondial lié aux catastrophes (naturelles ou climatiques), il est « inférieur » à l’année 2020 (23,6 millions) « du fait notamment d’une saison des ouragans plus clémente dans les Caraïbes et de désastres moins importants en Asie du Sud-Est. » Toutefois, « de nombreux pays asiatiques comme la Chine (6 millions), l’Inde (5,7 millions) ou les Philippines (4,9 millions) ont enregistré des données plus élevées que les années précédentes. » L’impact économique de ces mouvements internes est évalué par l’IDMC et le NRC à plus de 21 milliards de dollars.

Cinq millions de déplacements internes rien qu’en Ethiopie

L’Afrique Subsaharienne est la première région du monde confrontée à ces déplacements internes causés par la violence et les conflits. En 2021, le continent a été confronté à « une recrudescence des conflits alors qu’on observait une diminution de la violence au cours de l’année 2020. » Cette zone géographique représente désormais « 80 % de tous les déplacements provoqués par des conflits armés en 2021 » et enregistre 11,5 millions de mouvements, soit 4,7 millions de plus par rapport à l’année 2020. La guerre du Tigré opposant l’armée fédérale éthiopienne du premier ministre Abiy Ahmed et le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) ravage le nord du pays et a amené de nombreux habitants à fuir la guerre et à quitter leur foyer. En 2021, 5,1 millions de déplacements internes ont été enregistrés par l’observatoire, un record historique « trois fois plus important que n’importe quel chiffre enregistré pour un seul pays. » Ces déplacements regroupent plusieurs phénomènes : la recrudescence des combats en 2021 dans la région du Tigré qui a déclenché 1,8 million de déplacements et 3,6 millions de déplacements internes en raison d’affrontements intercommunautaires dans d’autres provinces du pays.

Toujours en Afrique, en République démocratique du Congo ; conflits et catastrophes se sont succédé au cours de l’année. En mai 2021, l’éruption du volcan Nyiragongo en RDC a provoqué plus 559 000 déplacements. « Les combats entre le gouvernement et les rebelles notamment du M23 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituru ont provoqué de nombreux déplacements internes (2,3 millions) sur l’année 2021. » Le pays compte près de 5,3 millions de déplacés internes fuyant la violence et les combats.

La moitié des personnes déplacées a moins de 25 ans

« Plus de la moitié des personnes déplacées a moins de 25 ans et environ 25,2 millions de déplacés internes sont mineurs », souligne Vicente Anzellini. Les impacts et les conséquences du déplacement sur les jeunes et les enfants ne sont pas les mêmes et les effets négatifs varient selon « l’âge, le sexe et d’autres caractéristiques sociodémographiques. » Les enfants déplacés sont les « plus exposés à la violence, aux abus et à l’exploitation. »

D’après les auteurs du rapport, la perturbation de la scolarité des enfants a des conséquences lourdes à long terme au sein des communautés locales et des sociétés affectées. Les répercussions économiques et sociales fluctuent et impactent à la fois « la productivité mais également la résilience pour faire face à de nouveaux chocs politiques ou climatiques. »

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