Après l’audition quelque peu mouvementée du ministre de l’Économie et des Finances, c’est au tour de Didier Migaud d’être auditionné par la commission des Finances du Sénat, ce mercredi. Le président du Haut Conseil des finances publiques a rendu un avis sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Un avis qu’on devine sévère.
Avant de dévoiler les conclusions de ses travaux, Didier Migaud a dépeint un contexte macroéconomique inquiétant : « Depuis plusieurs trimestres, l’économie mondiale connaît un ralentissement marqué qui touche principalement l’économie européenne, la Chine et certains autres pays émergents. Particulièrement prononcé dans l’industrie, il a pesé sur les échanges commerciaux, affectés de surcroît par la mise en place de mesures protectionnistes » des États-Unis notamment.
Autre source d’inquiétude, l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de la zone Euro sans accord qui, dans le pire des scénarios, entraînerait une baisse de 1 point du PIB pour la France. Dans ce contexte d’incertitude, quelles sont les marges de manœuvre de la France en cas de ralentissement de la croissance mondiale ? « Elles sont quasi nulles, puisque la France n’a pas profité d’une amélioration de la conjoncture pour reconstituer ses marges de manœuvre », répond le président du Haut Conseil des finances publiques.
Budget 2020 : « Il y a un problème de cohérence »
Budget 2020 : « Il y a un problème de cohérence »
Concernant le budget pour l’année 2020 présenté par les trois ministres de Bercy hier en audition, Didier Migaud pointe « un problème de cohérence » entre ce projet de loi de finances et la loi de programmation de janvier 2018. « On peut s’interroger sur l’intérêt de l’exercice des lois de programmation à partir du moment où les révisions peuvent être constantes », cingle le premier président de la Cour des comptes. Mais entre ces deux lois budgétaires, le mouvement des gilets jaunes est passé par là : 15 milliards d’euros de mesures prises après les gilets jaunes et 5,7 milliards d’euros de mesures après le grand débat. « Des mesures qui viennent impacter l’exécution des lois de finances pour 2019 et en perspective le PLF 2020 », constate Didier Migaud.
Dans certains domaines, la France se situe dans les derniers de la classe de la zone Euro, affirme également Didier Migaud. « Le déficit public de la France, un peu supérieur à 2 points de PIB hors opérations exceptionnelles, demeure nettement plus élevé que la moyenne de la zone Euro qui se situe en 2019 autour de 0,9 point de PIB », épingle-t-il avant d’établir un constat similaire sur le ratio dette PIB. « Après avoir progressé de plus de 30 points depuis la crise de 2008, le ratio dette PIB n’a effectivement pas amorcé sa diminution à la différence de ce que l’on observe dans la zone Euro depuis 2016 ». Un constat partagé par le rapporteur général de la Commission des Finances du Sénat, Albéric de Montgolfier :
Cela étant, certains économistes portent un regard différent sur la dette, notamment depuis la forte baisse des taux d’intérêt des banques centrales. « Il y a un débat parmi les économistes disant qu’il est important de pouvoir bénéficier des taux d’intérêt bas notamment pour investir, pour augmenter la croissance potentielle », observe Didier Migaud. Une position à nuancer, selon lui, dans la mesure où « la dette est très souvent utilisée pour couvrir des dépenses courantes de fonctionnement ».
Le projet de loi de finances pour 2020 devrait examiné au Sénat avant la fin de l'année.