S'il est armé d'une majorité absolue à l’Assemblée, avec une opposition émiettée et réduite aux extrêmes, et des ministres étroitement encadrés,...
En cas de majorité absolue, Macron sera-t-il tout-puissant?
S'il est armé d'une majorité absolue à l’Assemblée, avec une opposition émiettée et réduite aux extrêmes, et des ministres étroitement encadrés,...
Par Laurence BENHAMOU
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S'il est armé d'une majorité absolue à l’Assemblée, avec une opposition émiettée et réduite aux extrêmes, et des ministres étroitement encadrés, Emmanuel Macron concentrera quantité de pouvoirs, même si François Hollande disposait il y a cinq ans d'encore plus de leviers avec le Sénat ou les régions.
Selon un sondage Ipsos Sopra Steria Game Changers publié mardi, La République en marche et le MoDem obtiendraient ensemble 385 à 415 députés (sur 577). Le parti du président pourrait avoir la majorité absolue tout seul.
Une situation loin d'être inédite sous la Ve République: c'était déjà le cas de l'UDR pour le général de Gaulle en 1968, du Parti socialiste pour François Mitterrand en 1981, de l'UMP pour Jacques Chirac en 2002 et pour Nicolas Sarkozy en 2007, et du PS pour François Hollande en 2012.
Mais la grande différence est la déliquescence des opposants: à droite, LR et l'UDI obtiendraient 105 à 125 sièges, à gauche l'ensemble PS/PRG/EELV/Divers gauche seulement 25 à 35 sièges, La France insoumise et le PCF 12 à 22 et le Front national 5 à 15.
En outre, Emmanuel Macron renforce depuis son arrivée l'autorité de l’Élysée sur son inédit gouvernement gauche-droite-société civile.
Dès leur tout premier Conseil des ministres, les membres du gouvernement se sont vu rappeler leur devoir de loyauté et de confidentialité. Aucun n'ose parler aux journalistes au sortir du Conseil.
Des partisans de la République en marche en campagne à Nice, le 3 juin 2017
AFP/Archives
Une circulaire détaille sèchement la "nouvelle méthode de travail": ils doivent préparer leur feuille de route d'ici au 15 juin et rendre compte tous les six mois de sa mise en œuvre. Le président souhaite aussi les voir s'expliquer chaque année devant le Parlement.
Emmanuel Macron a en outre décrété une limitation du nombre de leurs conseillers -10 maximum- et de leur rôle au profit des administrations centrales.
En contrepartie, les dirigeants de ces administrations devront eux aussi prouver leur loyauté: 200 hauts fonctionnaires -chiffre avancé par Le Canard enchaîné- seront auditionnés dans les trois mois "pour être confirmés ou qu'il soit mis un terme à leur mission", dans "une logique de spoil system", a précisé mercredi le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner.
- 'D'où va venir l'opposition?' -
Au Parlement, "une majorité absolue permet aux pouvoirs du président de s'exprimer dans toute leur plénitude, et de mettre en œuvre ses réformes. Mais dans ce gigantesque groupe parlementaire peuvent surgir des difficultés internes, différentes sensibilités", parmi les députés, comme pour François Mitterrand en 1981, a nuancé Pascal Perrineau, chercheur au Cevipof.
"Dans un premier temps cela peut apparaître comme un cadeau du ciel, mais dans un second comme une difficulté. Les députés novices comprendront-ils la logique de discipline du parti?" se demande le chercheur.
"Avec une opposition faible et divisée, il sera difficile de faire vivre un vrai débat démocratique à l'Assemblée. Or une majorité gagne toujours à avoir une opposition qui fait son travail. Mais je crois que le débat se prolongera en interne, au sein du parti", pronostique-t-il. "Il y a eu une confrontation dure sur la loi El Khomri. Je ne vois pas pourquoi la conflictualité de la société française aurait disparu!"
Une affiche électorale de la République en marche à Saint Gilles, dans le Gard, le 30 mai 2017
AFP/Archives
Un avis que partage Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique.
"On risque d'avoir un parti unique, qui rassemble en son sein les éléments qui pouvaient être une opposition, avec une dimension presque plébiscitaire", commente-t-il. "Macron est le plus petit dénominateur commun, tout le monde veut travailler avec lui. Il a tué les partis."
"Mais la politique reprendra ses droits. La question est: d'où va venir l'opposition? Ce sera soit une opposition démocratique, à l'Assemblée, soit dans la rue. Sauf si on considère que nous avons changé de système, qu'il n'y a plus que lui, sans partis politiques. On en est à s'interroger s'il y aura une opposition."
D'après Le Canard enchaîné, Emmanuel Macron lui-même s'inquiéterait de sa trop grande majorité à l'Assemblée.
"Dans notre calendrier électoral, la présidentielle dévore les législatives", a analysé l'ex-Premier ministre LR Jean-Pierre Raffarin. "Ce système-là fait que, grosso modo, le président nomme les députés."
Mais "ça peut être dangereux", a-t-il souligné sur RMC et BFMTV, car "il ne faut pas qu'il gouverne tout seul, il ne faut pas qu'il y ait un parti unique".
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Alors qu’Emmanuel Macron se dit prêt à recourir au référendum sur la fin de vie, en cas de blocage au Parlement, Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat, salue cette annonce. « C’est le seul moment où je l’ai trouvé courageux, cohérent, en disant qu’il faut sortir une loi sur la fin de vie », affirme l’ancien ministre.
La sénatrice LR, présidente de la commission des affaires économiques, a fait part de sa déception ce 14 mai, au lendemain du long entretien du président de la République. « Le président de la République s’en est tenu à l’annonce d’un référendum qui reste encore assez nébuleux », regrette-t-elle.
Après une fusillade liée au narcotrafic qui a fait trois morts à Fort de France ce week-end, le ministre de l’Intérieur a été interpellé sur la situation sécuritaire aux Antilles, lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat. Bruno Retailleau a notamment annoncé « une surveillance maritime », avec le déploiement de trois bateaux supplémentaires et 140 gendarmes.