Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
En Corse, Edouard Philippe entame une visite pragmatique
Par Jérémy MAROT
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Après un entretien annoncé sous tension avec les leaders nationalistes mercredi dès son arrivée, Edouard Philippe veut montrer, pour sa première visite en Corse, la volonté du gouvernement de développer des projets "sur mesure" pour l'île.
Evidemment, dans un contexte houleux avec les dirigeants de la Collectivité de Corse, l'essentiel de l'attention se portera sur l'entrevue à Bastia entre le Premier ministre d'un côté, le président du Conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni et le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni de l'autre.
Le dernier tête-à-tête remonte à juillet 2018 et une rencontre à Matignon que M. Talamoni avait boudée. Source de tensions, la "fin de non-recevoir définitive" dixit M. Simeoni opposée aux "revendications fondamentales" des nationalistes: co-officialité de la langue corse, création d'un statut de résident, rapprochement des prisonniers corses, inscription de la Corse dans la Constitution, et plus généralement une autonomie accrue.
"Pour nous c'est une erreur, voire une faute politique", a lancé M. Simeoni devant l'Assemblée de Corse la semaine passée, appelant l'Etat à "tenir compte du fait démocratique" de l'élection de la coalition nationaliste en décembre 2017.
"Je redirai au Premier ministre que l'Etat doit changer de cap dans l'île et ouvrir un véritable dialogue politique", a aussi affirmé M. Simeoni à l'AFP mardi.
"Je suis prêt à ce dialogue et il me semble indispensable de l'engager. Le Premier ministre est-il prêt à annoncer un acte 2 des relations entre l'Etat et la Corse ? Dans ce cas, sa visite ouvrira une nouvelle séquence politique. Dans le cas contraire, elle sera une nouvelle occasion manquée", a encore prévenu l'autonomiste qui, comme M. Talamoni, avait boycotté la venue d'Emmanuel Macron début avril pour la dernière étape du Grand débat.
- L'écheveau de l'urbanisme -
Face à ces déclarations, Matignon affiche sa "détermination sereine mais réelle à avancer" sur les dossiers de l'île, en soulignant que "le dialogue s'incarne dans des choses concrètes". Une façon de déplacer la lumière sur d'autres sujets - économiques, sociaux, énergétiques, gestion des déchets - qui "touchent à la vie quotidienne des habitants", dixit Matignon.
Ces questions-là sont aussi parfois motifs de tension entre la Collectivité et l'Etat. Dernièrement, un recours introduit par la préfète demandant la suspension d'un contrat conclu par la Collectivité pour l'installation de la fibre internet dans l'île a provoqué des étincelles. M. Simeoni a évoqué une "déclaration de guerre" quand M. Talamoni a fustigé le "zèle administratif qui masque mal une volonté aujourd’hui bien comprise par tous de mettre les bâtons dans les roues".
M. Philippe aura donc à coeur de démontrer mercredi l'avancée de l'action gouvernementale sur l'île, via plusieurs programmes emblématiques adaptés "sur-mesure": le plan d'investissement dans les compétences (80 millions d'euros sur la formation professionnelle en Corse dont 28 de l'Etat); le déploiement de la stratégie pauvreté; les programmes de revitalisation de centres-villes "Action coeur de ville" à Bastia et Ajaccio.
En fin d'après-midi à Ponte-Leccia, le Premier ministre se penchera auprès des maires sur l'épineuse question de l'urbanisme. Emmanuel Macron avait promis de démêler l'écheveau alors que se superposent de nombreuses contraintes: application de la loi littoral, de la loi montagne, respect du Plan d'aménagement et de développement durable pour la Corse (Padduc) et notamment des espaces stratégiques agricoles (ESA) dont la cartographie a été récemment retoquée par la justice.
A cela s'ajoute la tradition des paillotes qui bénéficient d'autorisation occupation temporaires (AOT) mais font l'objet d'un bras de fer entre exploitants, Etat et élus nationalistes.
Et pour corser l'affaire, Matignon rappelle que seulement 38% des communes sont couvertes par un document d'urbanisme et que la plupart des documents d'urbanisme existants n'ont pas été mis en conformité avec le Padduc... "On a une situation complexe", résument les conseillers du Premier ministre avec un certain art de la litote, tout en promettant de "présenter des pistes".