Ce jour-là, le lieutenant Cyril Zieba, chef de centre à Gignac a de la chance. Ce sont les vacances scolaires, alors Dominique, pompier volontaire qui travaille habituellement dans un collège a pu prendre les gardes du matin et de l’après-midi.
Mais même avec cela, le chef doit se rajouter au tableau, pour faire le nombre, le temps que Gérard, ripeur à Montpellier, termine son travail et commence son « astreinte pompier » à 16h.
La journée, de 7h à 19h le tableau blanc des astreintes est devenu un casse-tête, car dans la caserne de Gignac tout le monde est volontaire, tout le monde a donc un métier à côté.
80 % des interventions consistent à faire du secours à la personne. « Pour cela il faut une ambulance et trois pompiers aux compétences différentes : un conducteur, un chef d’agrès et un équipier », détaille Cyril Zieba. S’il y a deux conducteurs et pas de chef d’agrès, le véhicule ne peut pas être déclenché.
Il faut alors faire appel aux casernes aux alentours qui travaillent avec des pompiers professionnels. Les délais de réponses sont alors rallongés à un moment où des vies peuvent en dépendre.
Cyril Zieba se démène pour que cela arrive le moins possible.
« Je viens de terminer une garde d’ambulancier et là j’enchaîne avec les pompiers »
En France, 80 % des pompiers sont volontaires, ils doivent accomplir au moins une nuit d’astreinte par semaine et un week-end par mois mais la plupart font beaucoup plus comme Mickaël Bourrat, ambulancier de métier : « Je viens de terminer une garde de nuit et là j’enchaîne la journée avec les pompiers volontaires. C’est beaucoup de sacrifices, mais en même temps si on est là c’est qu’on aime ça. » Des sacrifices, car sa fonction de pompier rogne sur ses loisirs, sur sa vie de famille aussi.
« Si les pompiers disparaissent dans le monde rural c’est aussi le lien social avec la population qui disparaît, car une grande part de notre mission c’est aussi de faire face à la détresse sociale. »
Pourtant les pompiers volontaires viennent à manquer… Ils sont de moins en moins nombreux à pousser les portes de la caserne. En cause, des formations qui prennent du temps sur la vie personnelle, des métiers à côté trop contraignants et un manque de reconnaissance d’après eux.
Bernard Martinez, pompier depuis 38 ans se souvient d’une période bien différente : « Avant on partait avec les anciens et on apprenait sur le tard. Maintenant il faut beaucoup plus d’engagement, beaucoup plus de temps, s’ils ont une copine il faut sacrifier la copine pour les formations, il y a des formations qui peuvent durer une année. Il y a beaucoup plus de contraintes qu’avant. »
90 centimes d’euros pour une heure d’astreinte
Le chef de centre sait qu’il ne peut pas compter sur le levier financier pour motiver ses pompiers où attirer de nouvelles recrues. « On ne fait pas pompier volontaire pour l’argent » et pour cause, lorsque les pompiers ne sont pas déclenchés ils ne sont payés que 90 centimes d’euros par heure d’astreinte.
Alors Cyril Zieba mise sur d’autres points : « Les anciens, il s’agit de les faire évoluer au niveau de la caserne, qu’ils prennent de plus en plus de responsabilités qu’ils évoluent en compétences. » Car peu le savent, mais un pompier volontaire qui a un grade supérieur peut être amené à diriger des pompiers de métier.
Il mise aussi sur un tout nouveau camion incendie, flambant neuf qui a été reçu en septembre. Son coût : 270 000 euros. « Ça montre la reconnaissance qu’on nous porte et ça fait vraiment plaisir et puis ça permet aussi d’attirer de potentielles recrues qui voient qu’on travaille avec du bon matériel, c’est motivant. »
Cyril Zieba tente aussi de démarcher des collectivités pour décrocher des conventions : un accord de l’employeur qui permet d’adapter l’emploi du temps professionnel et l’activité de pompier volontaire.
« Mais peu d’employeurs l’acceptent, » nous confie un pompier « ils sont peu nombreux à accepter que l’on abandonne notre poste pour aller sur un feu, ou que l’on arrive fatigués au travail parce qu’on a été en intervention toute la nuit. Et si on se blesse en mission et que l’on ne peut plus travailler pendant un temps ? »
Un manque de reconnaissance pour les pompiers volontaires
Tous s’accordent à dire que leur engagement n’est pas assez reconnu. « La population oui, elle nous remercie, mais pour le reste rien », affirme Bernard Martinez. » Après 40 de carrière de pompier volontaire », j’aurais le droit à 1950 euros de retraite par an.
Les pompiers de Gignac pensent cependant que la loi Matras va dans le bon sens. Elle devrait permettre plus de reconnaissance pour le volontariat avec notamment d’octroi d’une bonification de retraite. 3 trimestres après dix ans d’engagement, complétés par un trimestre supplémentaire tous les cinq ans). Bernard pourrait ainsi partir avec trois ans d’avance.
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