Du jamais vu ! Selon les estimations publiées ce lundi par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les énergies renouvelables vont, en 2022 et pour la première fois, devenir sources de profit pour l’Etat. Le gendarme français de l’énergie estime qu’elles pourraient rapporter 8,6 milliards d’euros en 2022 et 2023. « C’est une excellente nouvelle, estime Jean-Francois Husson rapporteur de la commission des finances du Sénat. Pour le moment, il s’agit d’une donnée conjoncturelle, mais cela peut nous instruire pour l’avenir ».
Un avenir qui sourit aux écologistes, si l’on en croit Guillaume Gontard. « Les estimations de la CRE confirment ce qu’on dit depuis très longtemps ! Non seulement il y a un intérêt environnemental pour le renouvelable, mais il y a aussi un intérêt économique, puisque le coût des installations est en baisse. Peut-on me donner d’autres exemples d’énergies qui produisent et qui en plus rapportent de l’argent à l’Etat ? » fait mine de s’interroger le président du groupe écologiste au Sénat.
Comment un secteur lancé et soutenu par l’Etat a-t-il déjoué les prévisions ? La CRE elle-même tablait sur plus de 5 milliards de « charges » (c’est-à-dire de déficit) pour l’Etat en 2023. Mais la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’électricité sont passées par là. Or, le « deal » entre l’Etat et les producteurs d’énergies renouvelables est le suivant : l’État paie les opérateurs quand le prix du marché est inférieur au prix garanti ; à l’inverse, les opérateurs reversent des recettes à l’État lorsque les prix du marché dépassent le prix garanti. Avec la flambée des cours (le 30 juin, le prix du mégawattheure d’électricité s’échangeait à 790 euros sur le marché de gros, soit douze fois plus que le cours moyen d’avant la crise) c’est désormais aux opérateurs de mettre la main à la poche.
L’éolien, poule aux œufs d’or ?
« Il ne faut pas surinterpréter cette nouvelle. Il s’agit du résultat d’un dysfonctionnement et d’une crise de marché. C’est parfaitement précaire, et les raisons sont purement accidentelles », met néanmoins en garde Gérard Longuet. Le sénateur LR de la Meuse et vice-président de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques estime que cela ne « légitime en rien une accélération de la part du renouvelable » dans notre mix énergétique, et dit espérer un retour à un « prix de l’énergie raisonnable » une fois le conflit en Ukraine terminé.
Dans le détail, l’éolien se taille la part du lion. Sur les 8,6 milliards de recettes attendues, la filière éolienne terrestre contribue à hauteur de 7,6 milliards d’euros selon la CRE. De quoi inciter les écologistes à demander une accélération sur le dossier. « Au Sénat, ceux qui ont essayé de bloquer le développement de l’éolien sont coupables. La France est particulièrement en retard en la matière, il faut arrêter les polémiques inutiles et donner la main aux collectivités pour avancer ensemble » selon Guillaume Gontard. La filière photovoltaïque continue quant à elle de peser à la marge : moins de 1 milliard d’euros (0,9) en cumulé sur les recettes espérées.
Le gouvernement lorgne sur la cagnotte du renouvelable
Hasard du calendrier, le Parlement va débattre dans les jours qui viennent des modalités de rééquilibrage des contrats passés avec les opérateurs. Dans le cadre de la loi sur le pouvoir d’achat, le gouvernement prévoit ainsi de déplafonner les versements de ces derniers à l’Etat lorsque les prix de l’électricité dépassent les prix négociés. Un moyen de capter l’intégralité des surprofits réalisés par l’éolien et le solaire, alors qu’aujourd’hui les opérateurs reversent des recettes à l’Etat dans la stricte limite des subventions déjà perçues. Une fausse bonne idée pour Gérard Longuet, qui estime que « le dépassement ne doit pas être versé à l’Etat mais au consommateur, puisque c’est lui qui finance chaque jour le développement d’une industrie qui produit une électricité intermittente et aléatoire. »
Egalement circonspect sur le dispositif du gouvernement, le rapporteur de la commission des finances mise plutôt sur des clauses de revoyure. « Il ne faut pas être des marchands d’illusions, l’Etat doit respecter sa parole sur les contrats déjà signés. Par contre, quand des situations deviennent trop avantageuses à cause d’un événement imprévisible, il est logique de se mettre autour d’une table pour réexaminer les choses » note Jean-François Husson. Alors qu’une nouvelle loi climat sera présentée à la rentrée, les écologistes au Sénat demandent une étude comparative des coûts des énergies renouvelables par rapport aux coûts de l’énergie nucléaire.