La dédiabolisation du Front national… ce n’est pas encore pour cette année. C’est le résultat d’une enquête menée par les journalistes du site internet d’information Buzzfeed. Sur les 573 candidats FN investis pour les législatives, une centaine ont posté, « liké », ou repris des propos homophobes, racistes, antisémites, et islamophobes.
Comme le rappelle Buzzfeed en introduction de son enquête, Jean-Lin Lacapelle, secrétaire national aux fédérations et à l'implantation du Front National avait une tâche de premier ordre pour les législatives : celle d’écarter les profils sulfureux, d’achever la professionnalisation du parti. « Je ne suis pas un coupeur de têtes, je veux mettre le parti au niveau » expliquait-il au Figaro en octobre 2016. Une mission loin d’avoir été accomplie….
Dans cette longue enquête qui a mobilisé six journalistes sur près d’un mois et demi, une multitude de posts, de captures d’écran, et de visuels sont recensés. Certains sont susceptibles de tomber sous le coup de loi soit pour diffamation, soit pour incitation à la haine raciale. Contacté par publicsenat.fr, Dominique Sopo, président de SOS Racisme estime « envisageable » de porter certains cas recensés devant la justice. « Mais il faut d’abord qu’on les étudie ».
Un candidat voulait « exterminer » des Comoriens
Par exemple, le cas d’Alain Avello, candidat dans la 4e circonscription de Loire-Atlantique et ex-membre du Conseil stratégique de campagne de Marine Le Pen qui compare Christiane Taubira à un animal. En 2013 sur Facebook : « Alors qu'un ami lui explique que la ministre d'alors n'est «pas son truc», Avello répond: «Tu devrais essayer la zoophilie pourtant, c'est nice! » repère BuzzFeed.
Un autre, Madi Anli Boinali, candidat dans la 2e circonscription de Mayotte, s’en prend lui aux Comoriens qui résident sur l’île. «Si je pouvais les asperger d'un produit pour les exterminer, je ne m'en serais pas privé!» écrit-il en 2016 sur son compte Facebook. Il présentera ses excuses un an plus tard, mettant en avant le «contexte d'extrêmes tensions communautaires entre Mahorais et Comoriens».
Liliane Pradier, candidate de la 2e circonscription des Hauts-de-Seine, a, elle, visiblement du mal à distinguer ce qui relève du journalisme et ce qui relève du conspirationnisme grossier. En témoigne, cet article au titre plus qu’évocateur, « Le réseau pédophile de Macron viole des petits maghrébins », qu’elle partage sur son compte Facebook avec le commentaire suivant : « voilà les fréquentations de Macron »
« BuzzFeed n’a aucune crédibilité » estime Jean-Lin Lacapelle
Contacté par publicsenat.fr ce mardi, Jean-Lin Lacapelle se réserve de tout commentaire. « BuzzFeed n’a aucune crédibilité, qu’ils fassent également une enquête sur les candidats LREM, LR ou PS et à ce moment-là je réagirai » a-t-il brièvement répondu. David Rachline sénateur maire de Fréjus et Nicolas Bay, directeur de la campagne des législatives FN, ont, tous deux, ce matin, minimisé l’enquête de BuzzFeed. « Nos candidats sont pour l'immense majorité des élus, des cadres, solidement implantés. Évidemment, ils disent la vérité sur l'immigration, sur l'islamisme, sur l'insécurité, mais ils ne tiennent pas du tout des propos racistes contrairement à ce qu'on entend » a estimé Nicolas Bay. David Rachline a néanmoins indiqué que « si des propos inacceptables » étaient « avérés », leurs auteurs seraient « probablement exclus ».
« Je ne mets pas tous les musulmans dans le même sac » un candidat tempère ses propos passés
Public Sénat a contacté un candidat investi par le FN dont les propos, repérés par BuzzFeed pourraient être considérés comme une incitation à la haine. Il s’agit de Christophe Versini, candidat dans la 15e circonscription de Paris. Le 28 juin 2015, il réfute une affirmation selon laquelle « l’ennemi c’est le terrorisme ». « Non l’ennemi c’est l’islam ! Nous sommes en guerre contre l’islam. Ce sont des musulmans qui nous attaquent ! » estimait-il.
Ce mardi, il ne semble pas assumer totalement cette affirmation. « Je dis juste qu’il y a un problème avec l’islam mais ça ne veut pas dire qu’il y a un problème avec tous les musulmans (…) je ne mets pas tous les musulmans dans le même sac, loin de là (…) Disons que mon tweet a été un petit peu maladroit, j’aurais dû préciser… Mais avec 140 caractères, c’est un peu compliqué » justifie-t-il (voir le sujet de Samia Dechir). Par ailleurs, il affirme ne pas avoir été contacté par la direction du FN suite à la publication de l’article de BuzzFeed. Il assure également qu’aucun journaliste du site ne l’a contacté pour cette enquête.
« Toutes les personnes qui nous ont répondu, ont toujours assumé le fait que c’était leur compte »
La journaliste de BuzzFeed, Assma Maad indique pourtant que les candidats cités dans leur enquête ont été tous contactés « par mail, twitter, Facebook, ou par téléphone». « Toutes les personnes qui nous ont répondu, ont toujours assumé le fait que c’était leur compte » précise-t-elle. En ce qui concerne les accusations de « journalisme militant » qu’invoquent régulièrement les cadres frontistes à propos de Buzzfeed, Assma Maad rappelle qu’ils ont publié des articles sur les candidats La République en Marche. La semaine dernière, plusieurs articles du site internet ont traité la polémique autour d’Olivier Serva, candidat LREM dans la 1ère circonscription de Guadeloupe qui qualifiait, en 2012, l’homosexualité « d’abomination ».
Le 5 mai dernier, suite à un article de BuzzFeed sur ses tweets islamophobes, racistes et homophobes, Catherine Blein, candidate FN dans la 4e circonscription des Côtes-d'Armor a vu son investiture retirée par le parti. À quelques jours du premier tour des législatives, pour le moment aucun candidat mis en cause, n’a vu son investiture retirée.