Pour ce premier baromètre trimestriel public conçu pour mesurer « la hiérarchie réelle et spontanée des préoccupations des Français », réalisé par le Cevipof et l’ObSoCo (Observatoire Société et Consommation), c’est « un bouleversement majeur dans l’agenda citoyen » qui est mis à jour. « Pour la première fois dans l’histoire récente des enquêtes d’opinion en France, la vie politique apparaît comme la préoccupation principale des Français, citée spontanément par 30 % des répondants, devant l’inflation et le pouvoir d’achat, cité par 27 % des enquêtés, la justice et criminalité (24 %), le budget et la dette nationale (21 %) et l’immigration (20 %) ».
La crise de confiance envers le personnel politique s’opère sur trois niveaux : « la délégitimation personnelle du chef de l’État, avec une violence symbolique exceptionnelle », une « remise en cause institutionnelle qui conduit à questionner l’architecture et le « fonctionnement des institutions voire de la Ve République », et le « rejet de la classe politique : perception de l’ensemble des acteurs politiques comme une élite déconnectée et prédatrice ».
A noter que cette préoccupation n’est pas marquée par une polarisation politique accrue. La régulation de la vie politique et l’éthique gouvernementale préoccupent 37 % des Français qui se positionnent à gauche ou très à gauche et 25 % de ceux qui se positionnent à droite. A l’inverse du thème de l’immigration cité par 60 % des personnes se situant très à droite, contre seulement 5 % pour celles se situant très à gauche ou à gauche, marquant un écart de 55 points.
Cette préoccupation liée à la vie politique repose sur un facteur conjoncturel « avec une séquence liée à l’instabilité gouvernementale ouverte avec la dissolution. Mais elle fait aussi apparaître des interrogations plus structurelles sur le système politique que les Français veulent plus horizontal. « Ça devient compliqué si le politique dont la fonction est de résoudre le problème devient le problème », explique Guénaëlle Gault, directrice Générale de l’ObSoCo.
La justice et la criminalité mobilisent davantage la droite (36 %) que les personnes proches des mouvements écologistes (12 %), soit 24 points d’écart. A l’inverse, l’environnement structure un clivage inverse et préoccupe 18 % chez les proches des mouvements écologistes contre 0 % à l’extrême droite (18 points d’écart).
Si cette étude est une première, elle propose néanmoins une analyse comparative des préoccupations spontanées des Français en octobre 2015, en septembre 2020 répondant à la question : « A votre avis, quel est le problème le plus important pour la France aujourd’hui ? ».
Comme 2025, le choix des repères 2020 et 2015 correspondent à trois ans après une élection présidentielle. Le chômage était la préoccupation hégémonique en 2015 avec 65 % des réponses. Ce thème chute de 58 points pour atteindre « seulement » 7 % en 2025, après un premier décrochage à 21 % en 2020. Il y a trois ans, année de covid-19 oblige les questions liées à la santé étaient placées en tête de 61 % des Français. « En 2025, ce qui est marquant c’est la fragmentation, une forme d’éclatement de sujets, ce qui va imposer aux candidats à la présidentielle, un cadrage habile de ces questionnements », note Guénaëlle Gault.
Après avoir quasi disparu en 2020 (3 %), l’inflation et le pouvoir d’achat bondissent 24 points pour atteindre 27 % en 2025, soit 16 points de plus qu’en 2015 (11 %). La justice et la criminalité progressent régulièrement sur toute la période : + 12 points entre 2015 (12 %) et 2025 (24 %), passant par 17 % en 2020
Le budget et la dette nationale enregistrent une hausse spectaculaire de 14 points (7 % en 2015, 21 % en 2025), après un creux à 2 % en 2020. L’immigration maintient un niveau élevé malgré des fluctuations importantes : 26 % en 2015, 10 % en 2020, 20 % en 2025.
Quant aux enjeux environnementaux (climat et environnement général), ils sont en légère hausse depuis 2015 (2,2 % des préoccupations), contre 7 % en 2025, en recul d’un point par rapport à il y a trois ans.
Méthodologie
Questionnement ouvert
La question centrale – « Quel est selon vous le problème LE PLUS IMPORTANT auquel le pays est confronté aujourd’hui ? » – est posée en premier, avant toute autre question d’opinion, sans liste.
prédéfinie ni suggestion. Cette approche permet l’émergence spontanée des priorités citoyennes, exprimées avec les propres mots des répondants. Près de 4 000 verbatims ont été recueillis pour cette première vague.
Échantillon et collecte Le baromètre « Priorités françaises » repose sur une enquête réalisée du 17 au 29 septembre 2025 auprès de 2 000 personnes représentatives de la population française métropolitaine âgée de 18 ans et plus.
Codage et analyse : Les réponses ouvertes ont été recodées selon une grille de classification adaptée du système de codage des politiques publiques du Policy Agendas Project, comprenant 27 domaines principaux subdivisés en plus de 250 sous-domaines spécifiques. Le codage privilégie le contenu substantiel (policy content) plutôt que l’instrument politique ou le cadrage utilisé.
Mesure des préoccupations
Les pourcentages présentés correspondent à la proportion d’individus ayant spontanément évoqué chaque préoccupation en première OU en seconde position. Cette mesure offre une vision plus complète que la seule première préoccupation, tout en hiérarchisant les priorités.
Profondeur temporelle
L’analyse comparative mobilise trois vagues : octobre 2015 (1 506 répondants), septembre 2020 (2 006 répondants) et septembre 2025 (2 000 répondants), issues des archives du CEVIPOF et du nouveau dispositif L’ObSoCo-CEVIPOF.