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Crédit : Jacques Witt/SIPA

Entre House of Cards et Kill Bill : on vous raconte les dessous de la législative partielle qui pourrait opposer Rachida Dati à Michel Barnier à Paris

Rien ne va plus dans la 2e circonscription de Paris, où les prétendants de marque se bousculent pour la législative partielle prévue à la rentrée. L’ancien premier ministre LR, Michel Barnier, vise cette circonscription en or pour « revenir dans l’arène », tout comme la ministre de la Culture, Rachida Dati, qui pourrait en faire un « lancement de campagne » pour les municipales, sans oublier sa collègue du gouvernement, Clara Chappaz, pour Renaissance…
François Vignal

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« La situation est très baroque », sourit, crispé, un parlementaire Renaissance de Paris. « C’est le bordel », tranche plus crûment un conseiller de l’ombre, qui roule pour Rachida Dati. On parle de la législative partielle qui s’annonce dans la 2e circonscription de Paris. Suite à l’invalidation de l’élection du député Jean Laussucq, déclaré inéligible par le Conseil constitutionnel pour comptes de campagne non-conforme, les appétits s’aiguisent… Et ça part dans tous les sens, au sein du même camp, le socle commun, qui a décidément de moins en moins de choses à partager. Pour l’heure, les supputations vont bon train sur les ambitions et les objectifs des uns et des autres, ou les coups de billard à plusieurs bandes.

« On ne sait pas qui est vraiment candidat, qui bluffe »

Mardi, on apprenait dans Le Figaro que l’ancien premier ministre LR, Michel Barnier, était candidat dans cette circonscription en or, qui regroupe trois arrondissements cossus, le 5e, le 6e et le 7e, une « circo » très ancrée à droite. « Dans le moment très grave où nous sommes pour notre pays comme cela a été rappelé avec force aujourd’hui, j’ai décidé de proposer ma candidature à l’élection partielle dans la deuxième circonscription de Paris », a écrit sur X l’intéressé. L’ancien député de Savoie vit en réalité dans la circonscription depuis 12 ans et l’arpente « à vélo ».

Le lendemain, c’est une certaine Rachida Dati, ministre de la Culture, qui vise la mairie de Paris, qui commence à sortir du bois. Selon Le Parisien, Rachida a « très envie d’être candidate, elle s’organise pour ». Vous en voulez encore ? Le même jour, dans la soirée, c’est la ministre chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz, qui est apparue comme candidate « pressentie » pour Renaissance…

On résume : deux ministres du même gouvernement et leur ancien premier ministre – car les deux femmes ont été membres du gouvernement Barnier – seraient prêts à s’affronter dans la même élection. C’est House of Cards, version rive gauche. « Il y a beaucoup de rumeurs. On ne sait pas qui est vraiment candidat, qui bluffe… » constate un macroniste. « Je n’ai toujours pas tout compris non plus, un peu comme tout le monde », préfère encore en rire un parlementaire LR.

« Michel Barnier peut nous apporter beaucoup de sérénité, ce qui nous manque à Paris », souligne la sénatrice LR Catherine Dumas

Chez une bonne partie des LR de la capitale, échaudés par l’attitude de Rachida Dati au point d’avoir rompu avec elle, l’arrivée de Michel Barnier est vue comme celle du messie. Un communiqué signé de la présidente de la fédération LR de Paris, la sénatrice Agnès Evren, de quatre maires d’arrondissements et de trois autres sénateurs, dont Francis Szpiner, candidat déclaré pour les municipales, y voit « une chance », ne doutant « pas que commission nationale d’investiture validera sa candidature ».

« On est un certain nombre, avec mes collègues sénateurs, quatre maires d’arrondissements et deux groupes du Conseil de Paris, à trouver que c’est une très bonne idée que Michel Barnier arrive à Paris. C’est un personnage qui peut nous apporter beaucoup de sérénité, ce qui nous manque à Paris, de sagesse, de rigueur dans l’organisation de la vie politique parisienne », salue la sénatrice LR de Paris, Catherine Dumas, l’une des signataires. Elle était pourtant la numéro 2 de Rachida Dati, au Conseil de Paris. Mais elle, comme d’autres, a pris ses distances. Certains, à droite, lui reprochent sa gestion interne, une absence d’esprit de rassemblement et de capacité à travailler avec les autres.

« Retailleau soutient Barnier car c’est un renvoi d’ascenseur »

Michel Barnier profite d’un autre soutien de poids, avec celui du patron du parti, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. « Cette candidature de Michel Barnier est une triple chance : pour Paris, pour LR et pour la France. Il a tout mon soutien. C’est pourquoi je proposerai tout naturellement que notre ancien premier ministre soit très rapidement désigné par notre commission nationale d’investiture », écrit sur X l’ancien président du groupe LR du Sénat. « Retailleau le soutient car c’est un renvoi d’ascenseur, quand Barnier l’a soutenu contre Wauquiez pour la présidence LR », pointe un pro Dati. Un député Renaissance de la capitale y voit aussi un avantage pour le ministre de l’Intérieur : « Un Barnier dans le groupe LR à l’Assemblée, c’est bien pour Retailleau. Parce que Wauquiez est seul ». De quoi rééquilibrer en sa faveur le groupe Droite républicaine.

Catherine Dumas s’étonne aujourd’hui que Rachida Dati soit prête à se présenter dans cette partielle. « C’est vrai qu’on a un peu de mal à comprendre toute cette agitation. Car jamais Rachida Dati n’a voulu être députée de Paris. Je ne comprends pas pourquoi la possible arrivée de Michel Barnier lui ait donné d’un coup l’envie d’être députée, car elle vise la mairie de Paris, on le sait. On ne peut pas être sur les deux ».

Rachida Dati veut « marquer son territoire » et en faire une « première étape de la reconquête de Paris »

Pour les partisans de Rachida Dati, une candidature aurait tout au contraire bien des avantages. « Une victoire serait un lancement de campagne pour elle, qui tuerait le match. C’est la première étape de la reconquête de Paris », décrypte l’un de ses soutiens, qui imagine la scène : « Fin septembre/début octobre, quand aura lieu le scrutin, on sera dans les municipales. Comme annonce, c’est mieux qu’une conférence de presse ».

Dans le camp de la ministre, on souligne qu’« elle a réintégré LR il y a quelque temps. Elle a proposé sa candidature à la CNI. Barnier, c’est hors parti. Il s’est précipité. Ce n’est pas comme ça que ça se passe », soutient-on. Il s’agit aussi pour la ministre de « marquer son territoire. Les trois maires d’arrondissements sont de droite. Il y a des gens affamés qui veulent venir. Mais c’est à elle de décider, car c’est notre candidate pour Paris l’an prochain », lance un stratège, qui ajoute à qui veut l’entendre :

 Ils peuvent y aller contre Dati. Je leur souhaite bonne chance… 

Un soutien de Rachida Dati.

« Pour Barnier, c’est un tremplin pour la présidentielle »

Beaucoup pointent les ambitions qu’aurait Michel Barnier, non pas pour Paris, mais pour la présidentielle 2027, pour expliquer sa candidature. « Pour Barnier, c’est un tremplin pour la présidentielle. Et pour Dati, c’est un tremplin pour les municipales », s’étonne un député Renaissance. « Michel Barnier ne s’est jamais avancé sur une candidature pour 2027 », rétorque-t-on dans son entourage.

Mais l’un de ses fidèles soutiens est moins catégorique. « Il y a une circonscription qui se libère à l’endroit où il habite, qui peut lui permettre de revenir dans l’arène. Il a une voix entendue. Un sondage dit que c’est la deuxième personnalité politique préférée des Français. Il a créé un lien avec eux après son court passage à Matignon. C’est la personnalité préférée des sympathisants LR, même devant Bruno Retailleau », souligne un parlementaire LR. Il ajoute :

 Les gens lui prêtent ce qu’ils veulent. En tout cas, Michel Barnier a envie de peser sur l’élection présidentielle, c’est certain. Ça ne veut pas dire qu’il sera candidat, ça veut dire qu’il fera partie de l’équation. 

Un parlementaire LR, soutien de Michel Barnier.

Un soutien de Rachida Dati apprécie peu que Michel Barnier vienne bousculer un plan qui se veut bien huilé pour la prise de Paris, même pour viser l’Elysée. « S’il veut être candidat en 2027, c’est légitime comme ex-premier ministre. Mais passer par Paris et foutre le bordel, alors qu’on n’a pas besoin de lui… Il y a eu la loi Paris Lyon Marseille, la candidature Dati ensuite, ce n’est pas la peine de venir à Paris », lance ce bon connaisseur de l’équation.

« Clara Chappaz a envie de s’investir politiquement »

Dans ce tableau complexe, quel rôle va jouer Renaissance ? Un élu macroniste de la capitale assure que le nom de Clara Chappaz « était une hypothèse qui circulait en cas d’invalidation de l’élection, avant cette semaine. Je crois qu’elle a envie de s’investir politiquement. Ça ne s’est pas fabriqué mercredi », assure-t-on. Le même s’étonne des plans de Dati : « Ce serait étrange de quitter la mairie du 7e. Et si elle souhaite être élue maire de Paris, c’est pour quitter son siège de député six mois après ? »

Un artisan de l’équipe Dati prend lui de haut l’éventualité d’une candidature de la ministre du Numérique. « C’est pour rire. Renaissance veut exister. C’est une vieille circonscription, bien à droite. Ils ne peuvent pas la revendiquer. C’est normal qu’ils disent qu’ils auront un candidat. Mais après, il y aura un accord avec Dati. Gabriel Attal s’entend très bien avec Rachida Dati », assure ce soutien.

« Dati fait monter les enchères. C’est l’occasion pour elle d’avoir investiture LR pour les municipales »

Mais d’autres disent la même chose de la médiatique ministre de la Culture : au bout du bout, elle n’ira pas. « Il faut que Rachida et Michel se voient et se mettent d’accord » soutient un sénateur LR, « assez confiant ». Il continue : « Il faut faire en sorte que l’un serve l’autre, et inversement. Ça me semblerait étonnant qu’ils soient candidat l’un contre l’autre. Et les LR vont soutenir Barnier », prédit ce proche. « Entre les deux, le dialogue continue et n’a jamais stoppé. Ils se sont appelés plusieurs fois. Et se sont parlés avant qu’il se déclare », ajoute un membre de l’entourage du premier ministre, qui le dit « très déterminé ». Lui aussi pense qu’« on trouvera un chemin. Car les intérêts de chacun sont complémentaires ». L’ancien député de Savoie a aussi échangé avec Clara Chappaz.

Un pilier du parti Renaissance dans la capitale ne croit pas non plus au scénario Kill Bill, où tout le monde s’entretue. Il pense que Rachida Dati cherche avant tout à négocier, en vue du scrutin de 2026. « Ils vont trouver une issue. Au moins elle fait monter les enchères. C’est l’occasion pour elle d’avoir investiture LR pour les municipales en disant « ok, j’y vais pas, mais vous me donnez investiture » », décrypte cet élu. Quant à Clara Chappaz, certains imaginent chez Renaissance qu’elle pourrait être « suppléante de Barnier à la fin ». On rappelle au passage à Michel Barnier que « la circo était Renaissance depuis 2017 ». Mais on craint un effet de bord, en vue des municipales : « Si Dati est candidate LR à la législative partielle, il sera difficile de discuter avec elle parce qu’elle sera étiquetée LR », souligne-t-on, alors que l’objectif de la ministre est d’avoir aussi l’investiture Renaissance pour les municipales, indispensable pour gagner.

« Dati ne va pas prendre le risque de perdre la législative avant les municipales à Paris, ce serait suicidaire »

Un proche de Michel Barnier ne voit pas non plus l’ancienne sarkozyste aller au bout. « Rachida Dati, je ne crois pas une seconde à sa candidature. Elle ne va pas prendre le risque de perdre la législative avant les municipales à Paris, ce serait suicidaire. Faudrait qu’elle quitte le gouvernement en septembre et la mairie du 7e. Ce serait idiot. Et s’il y a une dissolution en fin d’année, son mandat est remis en cause. Et pour être candidate ensuite aux municipales, c’est quoi le projet ? » interroge ce fidèle.

Il faut maintenant laisser retomber l’agitation et les coups de fil se passer. Les regards sont tournés vers la CNI des LR, qui devra trancher entre Rachida Dati et Michel Barnier. Elle est prévue le lundi 28 juillet. Il faudra peut-être prévoir des casques, au cas où.

(Avec Stephane Duguet)

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