Chaque jour depuis le 17 mars, ils sont 100 000 agents -40 000 policiers et 60 000 gendarmes- mobilisés spécifiquement pour faire respecter le confinement.
Manque de masques
Comme de nombreuses personnes en France ces dernières semaines, les forces de l’ordre ont manqué de masques. Face à la pénurie, la doctrine mise en place par le ministère de l’Intérieur a consisté à demander « aux forces de l’ordre de ne recourir aux masques que dans les situations de contact avec une personne présentant des symptômes ou lorsque des risques particuliers sont identifiés », note un rapport sénatorial.
Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, raconte : « Les personnels de la police et de la gendarmerie ont eu une carence en matière de matériel de protection pendant toute la première partie du confinement. La doctrine qui a été édictée au début était : ‘on a besoin d’un masque que si on a affaire à une personne vulnérable’. Mais quand vous êtes un policier et que vous arrêtez une voiture, vous ne savez pas si une personne présente des symptômes ou pas. Il est nécessaire qu’il y ait des masques et visières pour les personnels de police et de gendarmerie. »
Les sénateurs appellent désormais le Ministère de l’Intérieur à changer de doctrine en la matière. Dans leur rapport, ils expliquent que « le maintien de cette doctrine, alors même que le ministère de l’intérieur indique que ses stocks sont en cours de reconstitution et reconnaît l’exposition particulière des agents au risque de contagion, suscite l’incompréhension. » Jean-Pierre Sueur abonde : « Il est nécessaire qu’il y ait des masques et visières pour les personnels de police et de gendarmerie. La vérité est que pendant longtemps il n’y avait pas les matériels en nombre suffisant. »
Jacqueline Eustache-Brinio a également travaillé sur ce rapport. Elle aurait souhaité l’application d’un principe de précaution, en la matière. Elle raconte : « Aujourd’hui dans ma commune de Saint-Gratien (Val-d’Oise), ce sont deux tiers des policiers municipaux qui ont été touchés par le covid-19. »
15,5 millions de contrôles et 915 000 procès-verbaux dressés
Autre analyse du rapport, policiers et gendarmes ont parfois été trop sévères en début de confinement. En effet, les sénateurs rapportent les cas de personnes verbalisées car ne « disposant pas d’un ticket de caisse à la sortie d’un supermarché, n’ayant acheté que des aliments jugés non essentiels par l'agent verbalisateur ou encore s’étant rendues à un supermarché situé à 5 km, qui n’était pas le plus proche du domicile, alors même qu’aucune règle n’interdit explicitement ces comportements. » Des situations liées au manque de clarté des consignes, selon Jacqueline Eustache-Brinio : « On ne peut pas leur dire à la fois : ‘Respect du confinement à 100%, mais ayez l’esprit large’. C’est compliqué quand même ! Ca leur donne une position qui n’est pas facile ».
Face à cette appréciation « hétérogène » des forces de l’ordre, les consignes diffusées aux policiers et gendarmes ont été précisées ces derniers jours. Le rapport donne également les chiffres de 15,5 millions de contrôles entre le 17 mars et le 23 avril et 915 000 infractions faisant l’objet d’un PV.
Les poursuites pour récidives fragilisées
Enfin, le rapport note une autre anomalie : dans l’urgence, le Ministère de l’Intérieur a verbalisé les contrevenants aux mesures de confinements avec le même logiciel que celui utilisé pour les entorses au code de la route. Or, les sénateurs relèvent que « l'élargissement aux contraventions prononcées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire aurait dû donner lieu, (...) à une modification de son arrêté de création, (...) modification à laquelle il n’a été procédé que le 14 avril. Il en résulte que l’inscription des contraventions jusqu’à cette date était dépourvue de base légale. »
Les sénateurs notent que « cette irrégularité s’est traduite par une fragilisation de plusieurs procédures judiciaires engagées devant les tribunaux pour violation réitérée du confinement », comme l’a noté France Bleu, à Rennes. « C’est quelque chose qui n’a pas assez été réfléchi », commente Jean-Pierre Sueur.