Éolien en mer: un amendement du gouvernement sème le trouble
Le Sénat a rejeté très largement mercredi soir un amendement controversé du gouvernement qui aurait permis de renégocier les...

Éolien en mer: un amendement du gouvernement sème le trouble

Le Sénat a rejeté très largement mercredi soir un amendement controversé du gouvernement qui aurait permis de renégocier les...
Public Sénat

Par Clarisse LUCAS, avec les bureaux de l'AFP

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le Sénat a rejeté très largement mercredi soir un amendement controversé du gouvernement qui aurait permis de renégocier les tarifs de rachat de l'électricité produite par des parcs éoliens en mer.

L'amendement avait été présenté en dernière minute par le gouvernement dans le cadre de l'examen en première lecture au Sénat du projet de loi État au service d'une société de confiance, déjà adopté à l'Assemblée nationale. Il a été rejeté à main levée.

Son dépôt avait provoqué une levée de boucliers en Bretagne, Normandie et Pays-de-la-Loire, les trois régions où est prévue la construction de six de ces parcs.

Les présidents des trois régions ont demandé mercredi "une réunion d'urgence" au Premier ministre Édouard Philippe afin de lui exposer leurs "craintes sur les risques qui pèsent aujourd'hui quant à l'avenir de cette filière stratégique".

Pour le secrétaire d’État aux comptes publics Olivier Dussopt, cet amendement devait donner "une base légale à des renégociations avec les lauréats des appels d'offres sur les énergies marines renouvelables pour baisser les tarifs d'achat et permettre de retirer des autorisations administratives en indemnisant le lauréat".

Les tarifs des appels d'offres actuels sont trop élevés, a-t-il affirmé, "jusqu'à cinq fois supérieurs aux tarifs du marché". "Les éoliennes autorisées en 2011 et 2014 coûtent 41 milliards d'euros aux finances publiques sur vingt ans pour 3 gigawatts seulement", a-t-il ajouté.

"S'il est légitime de réexaminer l'équilibre économique de ces projets, cela ne peut se faire que par une négociation avec les lauréats", lui a répondu le rapporteur Jean-Claude Luche (UC, Ardèche).

Christophe Priou (LR, Loire-Atlantique) a estimé que l'adoption "repousserait fatalement le lancement des parcs off-shore, alors que les régions ont investi 600 millions d'euros dans les infrastructures portuaires pour maximiser les retombées économiques des projets lauréats".

"On ne peut pas faire confiance en un État qui change de pied", a lancé Bruno Retailleau (LR, Vendée). "Que penser d'un amendement très lourd qui s'exonère des études d'impact au moment où le Premier ministre demande un meilleur travail législatif?".

Les présidents des régions concernées ont pointé à la fois "l'absence de concertation tant avec les acteurs de la filière EMR (Énergies marines renouvelables, ndlr) qu'avec les collectivités territoriales concernées", mais aussi le "caractère rétroactif (...) de nature à amoindrir la confiance des investisseurs comme des industriels de la filière". Et de rappeler les investissements (plus de 600 millions d'euros) déjà réalisés par ces régions en matière d'infrastructures.

Des élus de tous bords se sont exprimés depuis plusieurs jours contre cet amendement, y voyant une menace sur l'avenir de l'éolien en mer.

- "Insécurité juridique"-

Côté entreprises impliquées dans ces projets, la grogne gronde aussi.

Dans une tribune adressée au Figaro, les acteurs de la filière (industriels, sous-traitants et futurs exploitants) alertent sur les risques de cet amendement et rappellent que les six projets déjà actés doivent permettre de créer "15.000 emplois industriels" principalement dans les trois régions concernées, avec la construction de plusieurs usines.

Pour France Énergie Éolienne (FEE), qui rassemble les professionnels de la filière, "l'amendement du gouvernement est problématique parce qu'il rompt le climat de confiance dans lequel on était, il fragilise les engagements de long terme qui étaient pris (...)", déclare à l'AFP Pauline Lebertre, déléguée générale de cette association.

"Ça crée une insécurité juridique pour les porteurs de projets et pour tous les investisseurs dans les projets EMR", fait remarquer Mme Lebertre. "On va amoindrir la transition énergétique de la France", a-t-elle ajouté.

"C'est un signal très négatif envoyé par le gouvernement", confirme Dominique Follut, vice-président du cluster d'entreprises Neopolia, en charge des EMR.

Six parcs éoliens sont concernés, actés en deux appels d'offres. Le premier, attribué en 2012, concerne les projets de Courseulles-sur-mer (Calvados), Fécamp (Seine-Maritime), Saint-Brieuc (Côtes d'Armor) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Le second, datant de 2014, porte sur les sites du Tréport (Seine-Maritime) et de Yeu/Noirmoutier (Vendée).

Ces différents parcs devraient entrer en service au mieux en 2021 ou 2022. La France accuse un net retard dans le domaine des EMR comparativement à l'Europe du nord.

Partager cet article

Dans la même thématique

Éolien en mer: un amendement du gouvernement sème le trouble
3min

Politique

Héritage des Jeux : « En 6 ans, on a pu faire ce qu’on aurait dû faire en 30, 35 ans » affirme le sénateur de Seine-Saint-Denis Adel Ziane

Une croisière sur le canal Saint-Denis, des visites des sites olympiques de Paris 2024… Et si les Jeux avaient transformé l’image de la Seine-Saint-Denis au point de rendre ce département plus touristique ? Un an après les JOP, quel est le résultat ? La Seine-Saint Denis a-t-elle changé de visage ? Oui, déclare le sénateur du département Adel Ziane, dans l’émission Dialogue Citoyen, présentée par Quentin Calmet.

Le

Éolien en mer: un amendement du gouvernement sème le trouble
3min

Politique

« C'est 50.000 euros de manque à gagner » : un an après les Jeux, ce para-sportif dénonce le départ de ses sponsors

Un an après, quel est l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques ? Inclusion, transports, infrastructures, sponsors… pour Sofyane Mehiaoui, joueur de basket fauteuil qui a représenté la France, si l’accès à la nouvelle Adidas Arena porte de Clignancourt à Paris est un vrai bénéfice, le départ de ses sponsors révèle le manque d’engagement durable des marques auprès de parasportifs. Il témoigne dans l'émission Dialogue Citoyen, présenté par Quentin Calmet.

Le

Éolien en mer: un amendement du gouvernement sème le trouble
6min

Politique

Agences de l’État, qui veut gagner des milliards ? 

La ministre des Comptes publics propose de supprimer un tiers des agences de l'État pour faire deux à trois milliards d’économies. Seulement, pour en rayer de la liste, encore faudrait-il savoir combien il en existe…Une commission d'enquête sur les missions des agences de l’État s’est plongée dans cette grande nébuleuse administrative. ARS, France Travail, OFB, CNRS, ADEME, ANCT, des agences, il y en a pour tous et partout ! Mais “faire du ménage” dans ce paysage bureaucratique touffu rapportera-t-il vraiment les milliards annoncés par le gouvernement et tant espérés par la droite ? Immersion dans les coulisses de nos politiques publiques…

Le

President Emmanuel Macron Visits the 55th Paris Air Show at Le Bourget
7min

Politique

Budget 2026 : « Emmanuel Macron a une influence, mais ce n’est pas le Président qui tient la plume »

Le chef de l’Etat reçoit lundi plusieurs ministres pour parler du budget. « Il est normal qu’il y ait un échange eu égard à l’effort de réarmement qui est nécessaire », explique l’entourage d’Emmanuel Macron. « Il laisse le gouvernement décider », souligne le macroniste François Patriat, mais le Président rappelle aussi « les principes » auxquels il tient.

Le