Éric Dupond-Moretti souhaite remplacer le rappel à la loi par un « avertissement pénal probatoire »

Éric Dupond-Moretti souhaite remplacer le rappel à la loi par un « avertissement pénal probatoire »

Le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti a esquissé les grandes lignes dimanche du dispositif qu’il souhaite instaurer en lieu et place du rappel à la loi. Les sénateurs, sceptiques quant à la suppression de cette mesure, présenteront à l’occasion de l’examen en séance publique du projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » leur propre alternative.
Romain David

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Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a annoncé dimanche dans un entretien accordé au Figaro vouloir remplacer le rappel à la loi par un « avertissement pénal probatoire ». Jeudi 20 mai, l’Assemblée nationale a supprimé cette mesure dans le cadre de l’examen du projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Les semaines précédentes, le gouvernement avait largement dénoncé l’inefficacité du « rappel à la loi », mis en place en 1999, et qui permet au procureur de la République de substituer à des poursuites judiciaires un rappel « des obligations résultant de la loi ».

L’avertissement pénal probatoire pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 2023, indique Éric Dupond-Moretti au Figaro. Il « sera délivré par la justice qui, pendant un an, mettra les mis en cause sous surveillance ». C’est-à-dire que la mesure va au-delà de la simple formalité administrative, grâce à un dispositif de surveillance. « Dans le cas d’une autre infraction durant cette période, ils seront alors jugés pour les deux délits, le nouveau et l’ancien », précise le ministre de la Justice. Toujours auprès du quotidien, Éric Dupond-Moretti défend « une mesure plus efficace dans la lutte contre la primo-délinquance » face au « caractère évanescent du rappel à la loi ». Sans préciser les modalités de mise en œuvre de la surveillance des auteurs d’infraction, il indique vouloir augmenter les crédits permettant le recours aux délégués au procureur, qui peuvent actuellement procéder aux rappels à la loi.

21 % de la réponse pénale

La loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » sera examinée au Sénat en première lecture à partir de mardi. Mais les sénateurs ont déjà en partie réécrit le texte en commission. La suppression du rappel à la loi étant l’une des pierres d’achoppement entre l’exécutif et la Chambre Haute. Dans le rapport de la commission, les sénateurs estiment que la suppression « traduit une certaine improvisation », alors que le rappel à la loi représentait 21 % de la réponse pénale en 2019 (soit 260 000 rappels à la loi), selon les chiffres du ministère de la Justice. « La suppression pure et simple du rappel à la loi placerait les juridictions devant une situation intenable en termes de volume de contentieux et surtout d’adaptation de la réponse pénale », alertent les élus. Ils évoquent également la nécessité d’un dispositif qui puisse compenser « le caractère insuffisamment solennel » du rappel à la loi et évite l’écueil d’une multiplication des avertissements faits au même délinquant. En marge du dispositif annoncé par Éric Dupond-Moretti, les sénateurs présenteront en séance publique leur propre alternative.

Ce dossier avait déjà été largement évoqué au Palais du Luxembourg en juin dernier, à l’occasion d’une table ronde organisée par la Commission des lois. Damien Savarzeix, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône et représentant de la Conférence nationale des procureurs de la République, avait alors défendu l’utilité du dispositif actuel pour les délinquants « qui présentent un très faible risque de récidive », assurant que dans ce type de dossier il s’agissait de « la réponse judiciaire qui produit le moins de récidives ». Ce magistrat avait également voulu tordre le cou à « l’apparence de laxisme » attaché à cette mesure. Comme le rappel la commission des lois, le rappel à la loi n’a pas été créé pour se substituer à des réponses pénales plus fermes, mais pour pallier un manque de réponse, incarné à l’époque par une inflation des classements sans suite. Ce lundi la commission, des lois organisait une agora de la justice, il devait logiquement en être question.

L’abandon du rappel à la loi, s’il est entériné, doit s’effectuer de manière progressive. « En seront d’abord exclus, les délits de violences contre les personnes dépositaire de l’ordre public ou détentrice d’un mandat électif », précise Éric Dupond-Moretti. Puis à partir du 1er juin, l’ensemble des délits relatifs à des violences.

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