C’est l’un de ceux qui ont été à la manœuvre pour négocier, avec le PS, une non-censure sur le budget, en février dernier. Aujourd’hui, alors qu’approche le vote de confiance du 8 septembre qui, sauf énorme surprise, devrait signer la fin du gouvernement Bayrou, son nom circule pour Matignon. C’est Eric Lombard, ministre de l’Economie et des Finances.
L’ancien patron de la Caisse des dépôts et consignations a l’avantage d’être ami avec Olivier Faure, le numéro 1 du PS. Il a même été au PS il y a vingt ans. On n’est donc pas surpris quand le ministre soutient, mercredi 3 septembre, dans le Financial Times, que des compromis avec les socialistes sur le budget seront « inévitables », soutenant que le gouvernement devra faire « des concessions » à la gauche, si le gouvernement Bayrou est renversé. Ça tombe bien, c’est justement la direction que souhaite prendre Emmanuel Macron. « Comme il l’a demandé aux responsables du socle commun, il est clair que la solution se trouve, pour le 8, comme pour l’éventuel après 8 septembre, dans la possibilité d’un dialogue du socle avec les socialistes », rappelle un conseiller de l’exécutif.
Reste à voir s’il y a matière à discuter. « Il y a un désaccord sur le rythme (de réduction du déficit budgétaire) et sur les montants pour 2026 […] mais cela laisse une marge de discussion », ouvre la porte le ministre de l’Economie, dans le quotidien britannique. « Si le gouvernement venait à tomber, je les appellerais dès lundi soir », ajoute encore Eric Lombard dans le FT.
« Il est en campagne, il en parle à tout le monde »
En réalité, il n’a pas attendu le 8 et la chute de François Bayrou. Selon nos informations, Eric Lombard multiple déjà les coups de fil. Les téléphones chauffent. « Eric Lombard est très actif en ce moment. Il appelle beaucoup, les uns et les autres », glisse un parlementaire de gauche. Le parti à la rose est évidemment sa cible privilégiée. « Il a appelé Olivier Faure, Boris Vallaud, Patrick Kanner », confie un élu socialiste bien informé, soit le premier secrétaire et les deux présidents des groupes de l’Assemblée et du Sénat. « Il reste notre interlocuteur privilégié au PS. D’ailleurs, il a été nommé pour ça », ajoute le même. « Il est en campagne, il en parle à tout le monde. Il appelle tout le monde, effectivement », confirme le député PS Philippe Brun.
Il ne se limite pas aux socialistes. Le ministre se tourne aussi vers Place Publique. Pas de jaloux. Il a ainsi appelé Raphaël Glucksmann ou des parlementaires de la formation sociale-démocrate, comme le sénateur de Paris, Bernard Jomier, qui a rejoint le parti de l’eurodéputé. S’il se retrouve aux manettes, chaque voix de gauche modérée comptera.
Signal faible des évolutions en cours : Bernard Jomier était présent, samedi 30 août, pour échanger lors d’une table ronde de l’université d’été de Territoires de progrès, parti associé à Renaissance, qui revendique représenter son aile gauche, et qui vient de se rebaptiser en Démocrates et progressistes. La formation est aujourd’hui dirigée par le sénateur Xavier Iacovelli. Comme dirait l’autre, « la poutre travaille encore »…
« Il a gardé un très bon contact avec le PS, avec Olivier Faure »
Du côté de Bercy, on confirme seulement la volonté de dialogue. « Les discussions avec le PS sont nécessaires. Quelle que soit l’issue du 8 septembre, c’est la seule voie possible », soutient l’entourage d’Eric Lombard. Avant une hypothétique nomination à Matignon, on comprend que le ministre discute avant tout pour tenter d’obtenir de la part du PS, à nouveau, une non-censure pour permettre au pays d’avoir un budget en temps et en heure. Et le profil de l’ancien banquier pourrait mettre un peu d’huile.
« Tous ceux qui ont des liens avec le PS vont devoir les mettre à contribution. Et Eric Lombard en fait partie, car il vient de la gauche, il a gardé un très bon contact avec le PS, avec Olivier Faure et un certain nombre de figures du parti », note un membre de la majorité relative. « Il connaît bien aussi François Hollande », souligne le sénateur PS Rachid Temal, qui fait partie des socialistes qui défendent un credo social-démocrate. « Il y aura des concessions à faire » pour trouver « un compromis », a d’ailleurs affirmé ce jeudi l’ancien président de la République socialiste.
« Nous aurons les mêmes exigences avec quelqu’un issu de la droite ou qui a un parcours de gauche »
Rachid Temal ne dit pas « non » au profil d’Eric Lombard, mais pour lui, ce n’est pas le sujet. « Si c’est Eric Lombard, qu’importe. La question n’est pas de savoir d’où vient la personne, mais sa capacité à faire du compromis. Il faut sortir des totems des uns et des autres », avance le sénateur PS du Val-d’Oise, qui souhaite que « dès le 9 au matin, le PS appelle à une conférence budgétaire, où les partis républicains, sans RN ni LFI, essaient de construire un budget ».
Si la gauche n’est pas entendue et n’obtient pas Matignon, Patrick Kanner souligne aussi que les socialistes jugeront sur pièce. « Peu importe le flacon. Nous aurons les mêmes exigences avec quelqu’un issu de la droite ou qui a un parcours de gauche », prévient le président du groupe PS du Sénat. L’ancien ministre de François Hollande prévient que les socialistes feront monter les enchères : « S’il doit y avoir des négociations avec un nouveau premier ministre, ce ne sera pas embrassons-nous Folleville, ce sera pied à pied, avec une seule boussole : l’intérêt des Français ».
« Si jamais ce n’est pas un gouvernement de gauche, évidemment que la censure sera sur la table », prévient pour sa part Philippe Brun. Lui aussi fait passer le message que les socialistes ne seront pas faciles à convaincre :
« Nommer le cousin, le frère, le jumeau de Bayrou, ça n’a pas de sens »
Mais le député de l’Eure, qui avait été le premier dès août 2024, à défendre un accord de non-censure comme « issue pour sortir de la crise », prévient qu’Eric Lombard ne le fait pas rêver… « Il est en campagne, mais cela ne suscite que très peu notre intérêt. S’il faut mettre un macroniste de gauche, il y en a plein d’autres. On réclame un gouvernement de gauche. Ça suffit maintenant », tance Philippe Brun.
Pour le député PS, « il y aurait une forme d’incongruité démocratique à ce qu’on nomme à Matignon celui qui a préparé le budget qui aura recueilli une très large majorité de censure lundi. Ça apparaitra difficile de paraitre comme la solution de stabilité pour le pays ». Un hiérarque du Parti socialiste accueille aussi très froidement l’idée. « Nommer le cousin, le frère, le jumeau de Bayrou, qui de surcroit n’a pas d’expérience politique dans un moment extrêmement politique, ça n’a pas de sens. Et le sujet n’est pas le casting. Ce sont les politiques qui sont menées », confie ce chapeau à plume, qui ajoute que « le Président doit entendre que s’il ne change pas de politique en nommant un premier ministre de gauche, alors il s’expose directement quand le prochain gouvernement macroniste tombera ».
« Les autres vont devenir fous »
Du côté de Renaissance, un parlementaire s’interroge également : « Lombard, je veux bien, mais on me dit que Macron ne l’apprécie pas trop. Cela étant, il est candidat, il est de gauche, il peut parler à la gauche, il est aux finances. Ça rend les choses possibles. Le problème, c’est qu’il a un patrimoine de 21 millions d’euros », glisse cet élu, en référence à sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui a fait polémique. Le même voit bien aussi « Catherine Wautrin » ou « Gérald Darmanin tenir la corde. Il en veut, il parle à la droite, à la gauche, il est populaire. Il a un défaut : il est candidat (pour 2027). Les autres vont devenir fous. » En même temps, comme la situation politique est un peu dingue en ce moment…