Éric Woerth : « Il ne peut pas y avoir une génération sacrifiée ! »

Éric Woerth : « Il ne peut pas y avoir une génération sacrifiée ! »

Éric Woerth, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, revient sur l’adoption du budget rectificatif et les mesures de soutien à l’économie. Il appelle le gouvernement à la clarté sur l’après crise et demande des initiatives en faveur des jeunes qui vont arriver sur le marché du travail…Le député LR de l’Oise répond aux questions d’Oriane Mancini.
Public Sénat

Par Oriane Mancini

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Le rôle de l’Europe :

« Emmanuel Macron a raison de pousser à plus de solidarité européenne. Il faut que le budget européen augmente et que les États acceptent d’y participer plus, sur des sujets qui les concernent tous.

Il faut également une mutualisation de la dette pour relancer l’économie. On est dans une crise due à un virus et chacun est touché alors une mutualisation de la solidarité doit jouer et doit jouer encore plus qu’en 2008.

Il faut plus d’Europe et plus de partage des risques. Ceux qui prennent moins de risques n’ont pas envie de partager les risques des autres. Il y a un peu d’égoïsme. L’Europe politique est vraiment difficile à construire. »

Le budget rectificatif :

« Je l’ai voté parce que je pense que ce sont de bonnes mesures et d’autres budgets rectificatifs vont suivre.

Le gouvernement aurait d’ailleurs pu déjà intégrer des mesures dont on sait qu’il le fera plus tard. Je prends l’exemple de l’abandon des créances fiscales et sociales. On le demande depuis un mois. Il fait la fine bouche mais un jour il le fera. Les entreprises ont besoin de clarté tout de suite.

Sinon, le plan est assez massivement doté. Les vrais crédits et pas les reports sont quand même inférieurs à ceux consacrés dans d’autres pays comme en Allemagne ou en Angleterre.

C’est un plan global qui touche tout le monde et vise les plus modestes et c’est une bonne chose.

Pour les entreprises, il y a les prêts garantis, le fonds de solidarité, les participations au capital. Il y a un panel d’instruments.

Nous avons cherché à l’améliorer et l’avons voté parce que l’on pense qu’il répond à la situation. »

Le rôle du Parlement :

« Le rôle du Parlement c’est de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement. Il y a une crise majeure. On vote beaucoup de mesures avec le gouvernement donc on unit nos voix pour que l’économie française s’en sorte donc c’est normal que l’on ait un retour sur ce qui est fait.

Il n’est pas normal que les ministres communiquent à la presse des éléments d’information sur la consommation des crédits ou le nombre de dossiers refusés.

Il y a beaucoup d’entreprises qui nous disent que des dossiers de crédits garantis sont refusés par leur banque. Est-ce que c’est vrai ? Combien de dossiers sont concernés ?

Bruno Le Maire nous dit que 5% sont refusés et j’ai peine à le croire. Il faut que l’on sache exactement pour réorienter éventuellement les mesures. »

Le comité de suivi :

« J’avais demandé ce comité de suivi. Il faut maintenant qu’il dispose de tous les éléments d’information.

Si on ne dispose de ces informations qu’une fois par mois, cela confine à l’absurde.

Il faut un reporting hebdomadaire et tout le monde est tombé d’accord sur ce point. Je ne dis pas qu’il y a un manque de transparence volontaire. Je dis qu’il y a des difficultés à réunir les informations. Je ne crois pas que le ministre reste aveugle pendant un mois à savoir ce que deviennent les crédits et quel est le taux d’utilisation et les conditions d’utilisation des moyens.

C’est très concret tout ça.

On a besoin de savoir si ça fonctionne sur le terrain. »

Les assurances :

« L’implication des assurances est un vrai sujet et nous l’avons lancé il y a plus d’un mois.

Ce risque et notamment les pertes d’exploitation doit être couvert par les assurances pertes d’exploitation. Maintenant tout le monde en parle.

Les assurances font des efforts mais cela reste des efforts dispersés. Il y a des reports de primes, une participation au fonds de solidarité à hauteur de 400 millions… On a besoin de savoir exactement ce que font les assurances.

Elles ont d’ailleurs fait une double erreur fondamentale : c’est de ne pas avoir exprimé leur compassion et d’avoir dispersé leurs actions.

La meilleure des réponses c’est qu’elles soient plus claires et qu’elles participent à cet effort national. Il faut également mettre en œuvre pour le futur un vrai dispositif de couverture des catastrophes sanitaires.

Nous avons une proposition de loi sur la table du Parlement depuis 5 ou 6 semaines. » 

Le soutien aux secteurs stratégiques :

« Nous avons beaucoup demandé comment allaient être affectés ces 20 milliards mais sans beaucoup de réponses. Alors bien sûr, c’est un domaine qui nécessite de la discrétion. Ce sont des entreprises qui sont cotées et il faut que cela soit fait dans un cadre qui ne fragilise pas les entreprises.

Nous avons obtenu le fait que les 2 présidents de commissions des finances et les 2 rapporteurs généraux du Parlement, obtiennent ces informations avant la presse. L’idée c’est que le ministre les informe de toute décision de monter au capital d’une entreprise. C’est un premier pas. »

Le chômage partiel :

« 10 millions de salariés seraient officiellement en chômage partiel et c’est clairement sous-estimé selon moi. Depuis le premier budget, le gouvernement a multiplié par 3 la somme allouée au chômage partiel. Le nombre d’heures pour l’instant accepté, c’est plus de 4 milliards d’heures et ça représente beaucoup plus que 24 milliards d’euros. Je sais bien que toutes ne sont pas consommées. Je sais aussi que l’Unedic en prend une partie à sa charge mais il faut ajuster les calculs.

C’est une bonne mesure. La France a mis en place une mesure forte. On nationalise en quelque sorte la moitié des salaires des Français.

La vraie question est de savoir comment on en sort. On n’en sortira pas en une minute. Les entreprises redémarreront progressivement ce qui veut dire qu’elles ne reprendront leurs salariés qu’au fur et à mesure.

Donc si l’on veut que ce chômage partiel ne se transforme pas en chômage réel, il doit pouvoir se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.

Le risque du chômage est considérable et le gouvernement devrait donner les scénarios possibles de chômage en France. Il est peut-être trop tôt pour le dire mais pas pour le prévoir.

Malheureusement je pense que la hausse du chômage est inéluctable et c’est une de mes inquiétudes fondamentales.

Il faut que la reprise économique soit clairement organisée par le gouvernement et pas à coup d’ordres et de contre-ordres. C’est compliqué, je l’avoue mais d’une manière générale c’est compliqué de gouverner et encore plus en période de crise.

S’il n’y a pas de clarté, il n’y a pas d’adhésion au plan de reprise et de confiance en notre économie.

J’ajoute que des jeunes vont rentrer sur le marché du travail après l’été. Tous ces jeunes vont trouver un marché du travail fermé.

Il est absolument nécessaire que l’État prenne des initiatives pour essayer de donner un peu d’espoir.

Il ne peut pas y avoir une génération sacrifiée ! »

Le temps de travail :

« Il faut augmenter le volume d’heures travaillées en France et ce n’est pas un débat anecdotique. Nous sommes un pays qui travaille en nombre d’heures globales par habitant, plutôt moins que les autres pays et avec un modèle social qu’il faut financer. En plus, nous ajoutons de la dette à la dette régulièrement et on ne la rembourse jamais.

On voit bien que les 115% d’endettement à l’issue de cette crise, seront à un moment donné insupportables. Cela va rompre la confiance des marchés en nous pour financer nos besoins.

Il faut de la productivité du travail.

Il faut laisser de la souplesse aux entreprises et aux différents secteurs sur le temps de travail.

Il faut décentraliser au maximum vers les filières économiques.

Cette question est toujours polémique mais il faut se poser les bonnes questions. Le travail appelle le travail et ne crée pas le chômage des autres. »

L’impact de la crise :

« L’impact est sûrement sous-estimé dans ce budget rectificatif avec une récession à 8% et un déficit public de 9%. Ce sont des chiffres vertigineux et l’on ne peut pas les banaliser. Il faudra des années pour reconquérir le terrain perdu.

Il faut absolument éviter que la casse économique et humaine soit trop forte. Cela nécessite une capacité de l’État à coordonner cette reprise en lien avec les collectivités et les entreprises, qui soit forte.

Il faut une garantie de qualité de la reprise organisée par l’État. »

Le Livret C :

« Il y a une sur-épargne due à la crise. Cela représente une cinquantaine de milliards.

Je propose qu’elle finance le processus de reprise et les investissements nécessaires. L’État devrait mettre en œuvre un nouveau livret réglementé qui donne confiance et attire les épargnants.

Je demande également à l’État comment il va abandonner les créances fiscales et sociales qui sont aujourd’hui reportées. Cela rassurera les entreprises. »

 

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