Établissements autonomes, uniformes, laïcité : un nouveau texte sur l’école au menu du Sénat

Établissements autonomes, uniformes, laïcité : un nouveau texte sur l’école au menu du Sénat

Les sénateurs examineront en séance le 11 avril la proposition de loi « école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité », déposée par Max Brisson et ses collègues du groupe LR. Les auteurs estiment notamment que l’autonomie « doit s’imposer comme l’antidote aux maux de l’école ». Le texte veut également refondre l’organisation de la formation des enseignants.
Guillaume Jacquot

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La proposition de loi de Max Brisson, l’un des membres de premier plan de la droite sénatoriale sur les questions d’éducation, sera probablement le temps fort de la session parlementaire actuelle au Sénat, sur ces questions. Face au décrochage de la France dans les classements internationaux éducatifs, le groupe LR met à l’agenda ce 11 avril sa « proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité ». Dans l’exposé des motifs du texte, le groupe s’inquiète de l’état actuel du système éducatif, évoquant une « crise de l’école », une « institution affaiblie » ou encore une Éducation nationale « qui peine à trouver un nouveau souffle ».

Cette initiative parlementaire propose notamment un virage – expérimental et sur la base du volontariat – à travers un renforcement de l’autonomie des écoles qui doit, selon lui, « s’imposer comme l’antidote aux maux de l’école ». « Toutes les réformes de notre système éducatif, entreprises depuis 60 ans, n’ont eu pour objectif que d’aménager un système vertical, uniforme et oublieux des particularités des établissements alors qu’aucune école, aucun collège, aucun lycée ne se ressemble », écrit notamment le sénateur des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson en prologue de sa proposition.

Une expérimentation d’une autonomie plus large accordée aux établissements

Les auteurs estiment que le « système éducatif fonctionne mal », et que ce dysfonctionnement est la conséquence d’une « politique éducative centralisée ». Partant de ce constat, les sénateurs proposent d’accroître l’autonomie des écoles, dans le cadre d’une expérimentation, afin de « mieux prendre en compte les spécificités et les besoins de leurs élèves et de renforcer la mixité scolaire ».

Sur la base d’une contractualisation conclue avec l’académie et éventuellement une collectivité locale, de plus grandes marges de manœuvre seraient accordées aux écoles qui prendraient le nom d’ « établissements publics autonomes d’éducation ». L’idée est par exemple de permettre plus de liberté dans le recrutement des élèves, l’affectation des personnels, l’utilisation du budget, l’organisation pédagogique ou encore les dispositifs d’accompagnement des élèves. Le texte s’inspire d’une réforme conduite au Royaume-Uni en 2010. L’article 1er imaginé par le Sénat serait une petite révolution. Car selon un rapport de la Cour des comptes de 2021, le système est actuellement très centralisé : « Seulement 10 % des décisions prises en matière éducative le sont au niveau des établissements, dont à peine 2 % en autonomie totale », écrivaient les magistrats.

En contrepartie du renforcement des pouvoirs d’un établissement, une évaluation serait mise en place. En commission, les sénateurs ont souhaité que les conseils municipaux puissent se prononcer quand un établissement souhaite participer à l’expérimentation.

Des contrats de mission pour assouplir les affectations d’enseignants

Inquiets d’une « désertification enseignante » comme d’autres services publics sur le territoire, la majorité sénatoriale propose de déroger aux règles d’affectation des enseignants, la mobilité du métier dépendant essentiellement de l’ancienneté. La proposition de loi prévoit la création de contrats de mission, un système dans lequel l’enseignant exerce pendant une durée déterminée dans certains établissements précis. En échange de quoi, il serait récompensé par une bonification de points pour le choix de son prochain poste. Il s’agit d’une recommandation de longue date de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat. Le mois dernier au Sénat, Max Brisson insistait sur la nécessité de réfléchir à « une nouvelle politique de ressources humaines » dans l’Éducation nationale.

On retrouve par ailleurs dans le texte la création d’un service public du soutien scolaire, géré par l’Éducation nationale. Cette organisation aurait pour mission de « mettre en lumière l’ensemble des dispositifs existants » auprès des familles : enseignants volontaires, associations ou encore la réserve éducative, prévue par ce même texte. Cette disposition permettrait, selon les auteurs, « d’élargir l’accès des élèves au soutien scolaire ».

Sujet régulièrement évoqué au Sénat, la fermeture de classes dans les zones rurales trouve une réponse dans cette proposition de loi. Pour les communes de moins de 5 000 habitants, les auteurs veulent que le conseil municipal soit consulté en cas de projet de fermeture de classe. La municipalité aurait alors la faculté de s’opposer à une fermeture en provoquant un moratoire d’un an.

Séparation de la formation des professeurs du premier degré de celle des enseignants du second degré

Le texte sénatorial aborde en parallèle la question de la formation des enseignants du premier degré. Max Brisson estime que les spécificités de ce métier sont mal prises en compte dans la formation initiale. L’un des articles de sa proposition de loi prévoit la création d’ « écoles supérieures du professorat des écoles » pour former les enseignants stagiaires et titulaires du premier degré, dans une sorte de retour à la distinction à ce qui prévalait avant les années 1990.

Les actuels Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPÉ) se concentreraient quant à eux sur le second degré. Lors d’un débat organisé au Sénat le 1er mars, le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye disait rejoindre le sénateur LR sur la question de la formation. « Nous avons besoin d’enseignants mieux formés. En France, la formation académique est plus longue qu’ailleurs, alors que la formation au métier est courte », constatait-il.

Obligation du port d’une tenue vestimentaire d’établissement et interdiction du port de signes religieux pour les accompagnants de sorties scolaires

Deux autres points, déjà portés dans le passé au Sénat, font leur retour dans cette proposition de loi. L’un des derniers articles prévoit d’imposer une interdiction des signes religieux « ostensibles » aux accompagnants des sorties scolaires. Actuellement, ces instructions revenaient aux chefs d’établissement, ce qui les laissait dans un « entre-deux juridique inconfortable », souligne Max Brisson. Cette disposition permettrait « une pleine application du principe de laïcité », selon l’exposé des motifs du texte.

La proposition de loi veut aussi « faire émerger un sentiment d’appartenance » en rendant obligatoire le port de l’uniforme dans toutes les écoles, collèges, publics ou privés sous contrat. Il s’agit d’une reprise du texte déposé par la sénatrice LR de Paris Céline Boulay-Espéronnier en décembre dernier.

Lors de l’examen en commission, les sénateurs ont souhaité prolonger au-delà de l’année scolaire 2023-2024 la possibilité pour les jardins d’enfants, gérés ou financés par une collectivité publique ou associative (et existant avant la loi pour une école de la confiance), d’assurer l’instruction obligatoire des enfants de 3 à 6 ans. Il existe plus de 200 structures dans ce cas actuellement.

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