État d’urgence : le Sénat réintroduit l’interdiction de séjour

État d’urgence : le Sénat réintroduit l’interdiction de séjour

Ce matin, la commission des lois du Sénat examinait les amendements au projet de loi prorogeant l’état d’urgence, avant l’ouverture, à 15 heures, de la session extraordinaire. Les sénateurs avaient déjà voté l’amendement déposé par le gouvernement après la censure du Conseil constitutionnel d’une de ses dispositions. Aucun autre amendement n'a été déposé entre temps.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Cet après-midi, à 15 heures, s'ouvre la session extraordinaire du Sénat. À l'ordre du jour notamment, le vote du projet de loi prorogeant une sixième et dernière fois l'état d'urgence, avant sa levée le 1er novembre prochain. 

Le 9 juin dernier, le Conseil Constitutionnel censurait  l’une des dispositions du régime d’exception qui permettait aux préfets d’interdire à une personne de paraître dans « tout ou partie du département », si elle cherche à « entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Les Sages ont considéré que cette interdiction de séjour était contraire à la Constitution car le législateur « n’assurait pas une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale ». Le Conseil a également estimé que « l'entrave à l'action des pouvoirs publics » ne constituait « pas nécessairement une menace pour l'ordre public ».

« Il s’agit de mettre dans la loi des conditions posées par le Conseil Constitutionnel » assure Michel Mercier

Message reçu de la part  du gouvernement qui a réintroduit l’interdiction de séjour dans le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence en reprenant la formulation du Conseil Constitutionnel. Cette interdiction doit impliquer « des raisons sérieuses de penser » que le comportement de la personne « constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». L'amendement déposé par le gouvernement et voté par la commission des lois du Sénat, encadre notamment l'interdiction de séjour dans la durée, qui doit être « proportionnée », et exclut le domicile. Michel Mercier, rapporteur Modem du projet de loi au Sénat a confirmé au micro de Public Sénat, qu’il avait lui-même déposé un amendement similaire avant de le retirer car celui du gouvernement était « plus complet ». « Il ne s’agit pas du tout de rétablir ce qui a été annulé. Il s’agit de mettre dans la loi des conditions posées par le Conseil Constitutionnel » a-t-il assuré.

Interdiction de séjour: « Il s’agit de mettre dans la loi des conditions posées par le Conseil Constitutionnel » assure Michel Mercier
00:29

Une disposition « gravissime » pour les avocats à l’origine de la QPC

Les avocats à l’origine de la question prioritaire de Constitutionnalité qui a conduit à la censure de cette disposition, ne l’entendent pas de cette oreille. « C’est gravissime de la part d’un gouvernement et d’un législateur qui se prétendent démocratiques. Dans l’exposé des motifs du projet de loi prorogeant l’état d’urgence, le gouvernement fait simplement référence à « l’utilité » de ses mesures restrictives de liberté. Or, les représentants de l’État et des forces de l’ordre interrogés dans le cadre d’un rapport d’Amnesty international, n’ont, eux-mêmes, pas été capable d’en démontrer le bien-fondé » détaille Raphaël Kempf, avocat. Sa collègue Aïnoha Pascual ne sait pas encore si une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité va être déposée dans les prochaines semaines contre ce qui s’apparente à une interdiction individuelle de manifester. « Il faudra qu’un arrêté soit pris sur ce fondement » précise-t-elle. La journée d’action  contre la nouvelle réforme du code du travail prévue le 12 septembre, pourrait pourtant entraîner de nouvelles interdictions de séjour.

438 interdictions de séjour prises dans le cadre de la mobilisation contre la loi travail 

En effet,  selon un recensement  effectué par le Sénat et communiqué au journal Le Monde, « parmi les 618 mesures individuelles d’interdiction de séjour prises depuis le début de l’état d’urgence, 438 l’ont été dans le cadre de la mobilisation contre la loi travail ». Michel Mercier met lui en avant « le nombre limité des moyens de police dont dispose les préfets ». «S’ils mettent les moyens sur une manifestation, ils ne les mettent pas pour d’autres. C’est la raison pour laquelle, le conseil d’État a admis qu’il pouvait y avoir utilisation des pouvoirs que confère l’État d’urgence à l’autorité administrative même si ça ne concerne pas le terrorisme ».

Le texte doit être adopté en procédure accélérée avant le 15 juillet, date de la fin du régime d’exception de l’état d’urgence.

 

Dans la même thématique

Paris :  session of questions to the government National assembly
7min

Politique

« 2 à 3 milliards d'économies » sur les agences de l'Etat : pourquoi le chiffre de la ministre interroge la commission d'enquête du Sénat

La ministre des Comptes publics annonce « la fusion ou la suppression » d’un tiers des agences et opérateurs de l'Etat, dans un contexte de réduction de la dépense publique. Mais le niveau d’économies ainsi espéré laisse dubitatifs les membres de la commission d’enquête que le Sénat a ouvert sur ce sujet, devenu un marronnier de la simplification administrative. Derrière la rationalisation des moyens, les élus suspectent le détricotage de certaines politiques publiques.

Le

État d’urgence : le Sénat réintroduit l’interdiction de séjour
8min

Politique

Narcotrafic : que contient la proposition de loi adoptée définitivement par le Sénat ?

Après un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, la proposition de loi, d’origine sénatoriale, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, a été adoptée définitivement et à l'unanimité par la chambre haute. « DEA à la française », statut du repenti, nouveau parquet national… Le texte contient de nouveaux dispositifs pour que la France ne bascule pas vers un « narco-Etat ».

Le