Cet après-midi, à 15 heures, s'ouvre la session extraordinaire du Sénat. À l'ordre du jour notamment, le vote du projet de loi prorogeant une sixième et dernière fois l'état d'urgence, avant sa levée le 1er novembre prochain.
Le 9 juin dernier, le Conseil Constitutionnel censurait l’une des dispositions du régime d’exception qui permettait aux préfets d’interdire à une personne de paraître dans « tout ou partie du département », si elle cherche à « entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Les Sages ont considéré que cette interdiction de séjour était contraire à la Constitution car le législateur « n’assurait pas une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale ». Le Conseil a également estimé que « l'entrave à l'action des pouvoirs publics » ne constituait « pas nécessairement une menace pour l'ordre public ».
« Il s’agit de mettre dans la loi des conditions posées par le Conseil Constitutionnel » assure Michel Mercier
Message reçu de la part du gouvernement qui a réintroduit l’interdiction de séjour dans le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence en reprenant la formulation du Conseil Constitutionnel. Cette interdiction doit impliquer « des raisons sérieuses de penser » que le comportement de la personne « constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». L'amendement déposé par le gouvernement et voté par la commission des lois du Sénat, encadre notamment l'interdiction de séjour dans la durée, qui doit être « proportionnée », et exclut le domicile. Michel Mercier, rapporteur Modem du projet de loi au Sénat a confirmé au micro de Public Sénat, qu’il avait lui-même déposé un amendement similaire avant de le retirer car celui du gouvernement était « plus complet ». « Il ne s’agit pas du tout de rétablir ce qui a été annulé. Il s’agit de mettre dans la loi des conditions posées par le Conseil Constitutionnel » a-t-il assuré.
Interdiction de séjour: « Il s’agit de mettre dans la loi des conditions posées par le Conseil Constitutionnel » assure Michel Mercier
Une disposition « gravissime » pour les avocats à l’origine de la QPC
Les avocats à l’origine de la question prioritaire de Constitutionnalité qui a conduit à la censure de cette disposition, ne l’entendent pas de cette oreille. « C’est gravissime de la part d’un gouvernement et d’un législateur qui se prétendent démocratiques. Dans l’exposé des motifs du projet de loi prorogeant l’état d’urgence, le gouvernement fait simplement référence à « l’utilité » de ses mesures restrictives de liberté. Or, les représentants de l’État et des forces de l’ordre interrogés dans le cadre d’un rapport d’Amnesty international, n’ont, eux-mêmes, pas été capable d’en démontrer le bien-fondé » détaille Raphaël Kempf, avocat. Sa collègue Aïnoha Pascual ne sait pas encore si une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité va être déposée dans les prochaines semaines contre ce qui s’apparente à une interdiction individuelle de manifester. « Il faudra qu’un arrêté soit pris sur ce fondement » précise-t-elle. La journée d’action contre la nouvelle réforme du code du travail prévue le 12 septembre, pourrait pourtant entraîner de nouvelles interdictions de séjour.
438 interdictions de séjour prises dans le cadre de la mobilisation contre la loi travail
En effet, selon un recensement effectué par le Sénat et communiqué au journal Le Monde, « parmi les 618 mesures individuelles d’interdiction de séjour prises depuis le début de l’état d’urgence, 438 l’ont été dans le cadre de la mobilisation contre la loi travail ». Michel Mercier met lui en avant « le nombre limité des moyens de police dont dispose les préfets ». «S’ils mettent les moyens sur une manifestation, ils ne les mettent pas pour d’autres. C’est la raison pour laquelle, le conseil d’État a admis qu’il pouvait y avoir utilisation des pouvoirs que confère l’État d’urgence à l’autorité administrative même si ça ne concerne pas le terrorisme ».
Le texte doit être adopté en procédure accélérée avant le 15 juillet, date de la fin du régime d’exception de l’état d’urgence.