« Moi, je voudrais savoir quelle tête ferait M. Macron, si Mme Merkel faisait une tribune dans la presse française pour expliquer aux Français ce qu’ils devraient faire » s’interroge, ce matin, le sénateur LR, Roger Karoutchi avant d’indiquer « avoir un peu de mal avec cette diplomatie de l’incantation ».
Sans surprise, la tribune de 7 pages diffusée dans 28 pays et au titre évocateur, « Pour une renaissance européenne », du chef de l’État ne fait pas se lever les membres de l’opposition. Il y a pourtant « urgence » selon Emmanuel Macron car « jamais l’Europe n’a été autant en danger ».
Afin de remédier à cette « crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain », Emmanuel Macron égrène une série de propositions. À l’image des grands débats organisés à l’intérieur des frontières hexagonales, le président de la République souhaite que se mette en place, d’ici la fin de l’année, une « Conférence pour l’Europe ». Citoyens, universitaires ou encore partenaires sociaux y seraient réunis pour définir une nouvelle feuille de route pour l’Union européenne. « Sans tabou, pas même la révision des traités » suggère-t-il.
Pointant les menaces qui pèsent sur les démocraties européennes, Emmanuel Macron préconise d’interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères », et de créer une « agence européenne de protection des démocraties » destinée à protéger les élections » contre les cyberattaques et les manipulations ».
Un office européen de l’asile : « Il recycle une vieille idée de Nicolas Sarkozy »
Toujours dans cet esprit de protection des peuples, le chef de l’État remet au goût du jour une proposition faite en septembre 2017 à l’université de la Sorbonne, la création « d’un office européen de l’asile et d’une police des frontières communes ». Insuffisant, pour le président des Républicains, Laurent Wauquiez qui, sur Twitter, reproche à Emmanuel Macron, de ne pas parler des vrais sujets, comme « l’immigration massive » et « l’islamisme ». Un montage vidéo quelque peu bâclé, posté sur Twitter par le compte des Républicains présente d’ailleurs Emmanuel Macron comme favorable à l’élargissement de l’Union et souhaitant « faire plus » pour accueillir les migrants. « Emmanuel Macron présente cet office européen de l’asile comme une idée novatrice, en vérité il recycle une vieille idée de Nicolas Sarkozy. Sauf qu’il a oublié que la plupart des États membres n’en veulent pas » observe Roger Karoutchi.
« On a l’impression qu’il veut être président de l’Europe
Sur les questions économiques et sociales, Emmanuel Macron milite pour « un salaire minimum européen », pour « une taxe sur le chiffre d’affaires des GAFA ». Et après le rejet du projet de fusion Siemens-Alstom, jugé non conforme aux règles de la concurrence par la Commission européenne, le président de la République préconise la mise en place « d’une préférence européenne » pour les entreprises. « Le dumping social et fiscal figure parmi les préoccupations des citoyens européens. Or, la construction européenne est fondée sur le courant de pensée d’Emmanuel Macron, à savoir, une concurrence libre et non faussée » observe Sophie Taillé-Polian, sénatrice du Val-de-Marne et membre de Générations.
« Ce qui est paradoxal, c’est que ce que propose le chef de l’État est assez éloigné de la politique qu’il mène à l’intérieur de nos frontières » ajoute le sénateur socialiste Martial Bourquin. « Comment peut-on parler de protection quand on a attaqué le code du travail avec des ordonnances ? On a l’impression qu’il veut être président de l’Europe. Mais semble déconnecté de ses difficultés à gouverner et de l’impact auprès de ses partenaires de ses conceptions sur l’Europe ».
Au Parlement, vers une coalition centriste ?
Pour Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin, vice-présidente d’Agir, et qui devrait figurer sur la liste de rassemblement conduite par LREM, « c’est une belle démarche de la part d’Emmanuel Macron de s’adresser à l’ensemble des peuples européens ». Au coude à coude dans les sondages avec le Rassemblement National, la liste LREM pourrait obtenir entre 20 et 25 sièges à Bruxelles. Un bon score au niveau national mais qui pourrait se révéler relativement inefficace au niveau du Parlement européen, où le PPE (droite européenne) détient actuellement une majorité relative. Dans quel groupe et surtout dans quelle coalition les eurodéputés En Marche pourraient faire peser cette parole présidentielle ? « C’est un point qui est encore en discussion (…) On peut penser que le Parlement européen qui, traditionnellement, est géré grâce à une coalition PSE (parti socialiste européen) et PPE, verra le besoin d’élargir cette majorité à un troisième mouvement, voire à quatre » veut croire Fabienne Keller. Les eurodéputés LREM pourraient donc siéger au groupe Alde (Alliance des démocrates et des libéraux, troisième force du Parlement européen). « Et peut-être (que la prochaine coalition) pourrait s’adjoindre les forces des Verts européens, qui sont des Verts centristes » explique la sénatrice.
Pour ce faire, Emmanuel Macron a d’ailleurs lancé la piste « d’une banque européenne du climat » et fixe comme ambition : « Zéro carbone en 2050 et division par deux des pesticides en 2025 ».