Le général Christophe Gomart, ancien directeur du renseignement militaire français et des forces spéciales, figurera en troisième position sur la liste Les Républicains pour les élections européennes. Éric Ciotti, le président des LR, y voit le choix d’un « parti de gouvernement », bien que celui-ci n’ait plus occupé le pouvoir depuis 2012. « La compétence ne s’improvise pas », a fait valoir le député des Alpes-Maritimes lors d’un point presse en présence de l’intéressé, ce mardi 19 mars en milieu d’après-midi, depuis les nouveaux locaux du parti, à quelques mètres de l’Assemblée nationale.
L’information circulait déjà depuis plusieurs heures, éventée notamment par Le Figaro. Après la désignation de Céline Imart, céréalière de profession, comme numéro deux dans un contexte de crise agricole, l’arrivée de Christophe Gomart en troisième position sur la liste conduite par François-Xavier Bellamy vient faire écho au dossier ukrainien, remis sur le devant de la scène par les déclarations répétées d’Emmanuel Macron sur une éventuelle intervention des Européens sur le terrain.
« Sauter dans le grand bain politique n’est pas complètement exonéré de dangers », a raillé l’ancien militaire, passé notamment par les parachutistes, et qui multiplie depuis quelques années les passages sur les plateaux télévisés comme expert des questions militaires et internationales. « Je m’engage auprès des Républicains, qui est le parti de l’ordre et de la liberté », a expliqué Christophe Gomart. Le sénateur LR Roger Karoutchi évoque auprès de Public Sénat « un profil qui incarne le régalien », et qui ne sera pas seulement compétent sur les questions de défense, « mais aussi sur la sécurité intérieure ». Christophe Gomart, 64 ans, devrait rentrer de plain-pied dans la campagne ce samedi, en participant au « meeting de lancement » que tiendra François-Xavier Bellamy aux Docks de Paris, à Aubervilliers.
Combien de places éligibles ?
À cinq jours du coup de départ officiel de la campagne des LR, le parti d’Éric Ciotti continue de plancher sur sa liste pour le scrutin du 9 juin. Ce lundi matin, un conseil stratégique a mis cet épineux dossier à son ordre du jour. « Il y avait au moins 15 candidats potentiels autour de la table », soupire une participante. La question du recasage des sortants a pris des allures de casse-tête. À l’exception d’Arnaud Danjean, les sept autres députés européens qu’a fait élire LR en 2019 sont candidats à leur succession. Crédité de 8 % des suffrages dans un dernier sondage Opinion Way pour Les Echos, au coude à coude avec EELV à la quatrième place, LR peut difficilement prétendre, à ce stade de la campagne, à plus d’une dizaine de sièges, ce qui laisserait peu de places aux nouvelles têtes.
« Il ne devrait pas y avoir plus de quatre ou cinq places attribuées aux sortants. Ceux qui ont bien travaillé auront toute leur place. Il faudra aussi penser à nos amis centristes qui restent avec nous [référence au parti d’Hervé Morin, ndlr] », glisse un stratège LR. Selon nos informations, la commission d’investiture ne devrait pas trancher avant le début du mois d’avril. Il faudra donc compter encore au moins deux semaines avant de connaître l’intégralité des candidats placés en position d’éligibilité.
« Si l’on reconduit tous les sortants, nous n’aurons plus de place pour la nouveauté »
Mais cette longue attente en agace certain. « Je vois mal comment on peut lancer notre campagne samedi sans avoir de liste complète », fait mine de s’étonner un sénateur. Une élue, proche d’Éric Ciotti, reconnaît à mi-mots que les candidats putatifs n’ont pas manqué de mettre la pression sur la direction ces dernières semaines. « Pourquoi est-ce que l’on devrait se précipiter ? La plupart des autres partis n’ont toujours pas leur liste au complet », fait-elle remarquer. « Il nous faut un mix entre politiques et personnalités de la société civile pour répondre aux attentes de renouvellement. Certains sortants seront reconduits, d’autres non. Mais si l’on reconduit tous les sortants, nous n’aurons plus de place pour la nouveauté. »
Parmi les nouveaux noms qui circulent, celui de Patrick Dray, cousin éloigné du socialiste Julien Dray, actuel conseiller spécial de Gérard Larcher. Selon Le Figaro, le soutien du président du Sénat devrait suffire pour assurer à cette figure de l’ombre une place éligible. Plusieurs sénateurs LR interrogés par Public Sénat sur cette éventuelle candidature affirment ne pas en savoir davantage.
Spécialiste des questions agricoles, Anne Sander, élue depuis 2014 et qui occupe aussi le poste de première questeure du Parlement européen, pourrait être reconduite sans difficulté sur la liste LR. Mais le sort des autres sortants ne semble pas avoir été tranché : Laurence Sailliet, ancienne chroniqueuse de Cyril Hanouna, Nadine Morano et Brice Hortefeux, tous deux ministres sous Nicolas Sarkozy, et Geoffroy Didier, ex-porte-parole de Valérie Pécresse, devront prendre leur mal en patience.
Monter en puissance
« Le principal c’est de travailler sur le contenu et notre programme. On sait bien que les deux têtes de listes sont généralement les plus importantes, ce sont elles qui mènent la campagne », balaye la sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp, porte-parole du parti. Elle espère « une belle mobilisation » pour le meeting de samedi, les Docks de Paris pouvant accueillir jusqu’à 4 000 personnes. LR n’a plus organisé d’évènement de ce type depuis la campagne présidentielle de Valérie Pécresse, dont le meeting raté au Zénith a laissé quelques traces. Sur le compte X (anciennement Twitter) du parti, une bande-annonce particulièrement léchée a été épinglée : des images de militants en liesse, empruntées à la campagne de 2019, alternent avec un François-Xavier Bellamy marchant d’un pas déterminé dans ce qui ressemble aux coursives d’un centre des congrès, prêt à en découdre.
Chez LR, on se félicite de la bonne performance réalisée par cet ancien professeur de philosophie lors du premier débat des européennes sur notre antenne. Après cinq années passées au Parlement européen, le candidat a fait montre de sa bonne connaissance des dossiers, et a eu à cœur de marquer sa différence avec ses principaux adversaires, le camp présidentiel et l’extrême droite. Avec plus ou moins de succès selon les thématiques ; sa proposition de « double frontière » sur les questions migratoires est également défendue par le Rassemblement national, qui fait la course en tête avec 27 % des intentions de vote dans le sondage OpinonWay déjà cité plus haut.
Il s’agit aussi pour la droite de ne pas reproduire les erreurs de la campagne de 2019, qui a vu LR perdre 12 sièges au Parlement européen. Cet échec avait poussé Laurent Wauquiez à quitter la présidence du parti. « L’implication de François-Xavier Bellamy est forte. Techniquement, il sait de quoi il parle. Maintenant, il faut imprimer davantage », souligne Roger Karoutchi. « Sans doute faudra-t-il faire moins de meetings qu’en 2019, ce qui lui avait valu d’arriver en fin de campagne assez épuisé, et davantage de médias pour parler au plus grand nombre », estime le sénateur des Hauts-de-Seine. Alexandra Borchio-Fontimp abonde : « Les sondages reconnaissent sa compétence, mais nous avons besoin d’une visibilité supplémentaire. Il va continuer à se déplacer sur le terrain, bien sûr, mais nous allons aussi l’encourager à multiplier les débats ».