« Si on ne se remet pas profondément en cause, le risque : c’est la disparition ». « Ne pas parler d’échec serait se cacher derrière son petit doigt ». Quelques heures après l’annonce des résultats, le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau avait la tête des mauvais jours. Son poulain, le philosophe conservateur François-Xavier Bellamy, n’a pas répondu aux espoirs placés en lui. Malgré une campagne honorable, sa liste arrive en quatrième position loin derrière les écologistes, avec 8,5%. Le score le plus bas de la droite depuis les premières élections européennes en 1979. Est-ce à dire qu’il s’agit d’un échec de la droite « Trocadero » ? Telle que l’avait défini, il y a quelque temps, le Premier ministre, Édouard Philippe.
Dans un communiqué publié hier soir, le président du Sénat, Gérard Larcher lance un appel en faveur « d’une remise en cause profonde », « d’une ligne politique repensée » et « d’un rassemblement plus large » de la droite et du centre. Plus explicite, ce matin sur France Inter, Geoffroy Didier, réélu de justesse au Parlement européen, estime que sa liste a « perdu un point lorsque François-Xavier Bellamy a commencé à faire revenir son conservatisme sociétal en disant devenir un acteur de l'histoire sur Vincent Lambert ».
« La droite doit s’ouvrir, elle doit s’élargir »
Damien Abad (LR) : « J’en ai assez de cette droite du conservatisme sociétal »
Même analyse de la part de Damien Abad, député de l’Ain et vice-président des Républicains, sur Public Sénat. « La droite doit s’ouvrir, elle doit s’élargir, elle doit retrouver ce qui était son ADN, celui de l’UMP à l’époque de Nicolas Sarkozy (…) « Moi, j’en ai assez de cette droite du conservatisme sociétal et des questions identitaires » a-t-il fustigé.
« Ce qui est important de constater sur le plan politique pour notre pays, c'est qu'on est dans une nouvelle bipolarisation qui s'est consolidée après les élections présidentielles. Toute la question, c’est comment exister dans cet étau ? » (…) « Il faut savoir à nouveau tendre la main. Il y a des gens qui sont partis parce qu'ils ont pensé qu'on était en train de se rétrécir. » a reconnu lucide, le sénateur LR et membre du bureau du parti, Alain Joyandet.
« Il faut tout reconstruire sinon nous allons disparaître », prévient Alain Joyandet
Alors que Laurent Wauquiez réunit un bureau politique exceptionnel, ce soir, à 18H, la question de son maintien à la tête du parti se pose ouvertement. Première à sonner la charge, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse a déclaré « qu’à la place » de Laurent Wauquiez, elle démissionnerait. L’ex candidate à la présidence de LR, Florence Portelli a indiqué à l’Obs qu’il serait « hallucinant » que Laurent Wauquiez se maintienne à la tête du parti après une telle déroute.
« Quand un entraineur perd des matchs, il part »
« C’est à lui de prendre ses responsabilités. Mais en football, quand un entraineur perd des matchs, il part. Il ne faut pas se le cacher, Laurent Wauquiez a un problème d’adhésion avec les Français » résume le sénateur de Haute-Saône, Michel Raison. Le sénateur de Meurthe-et-Moselle, Jean-François Husson poursuit la métaphore footballistique. « C’est comme si vous arrivez en demi-finale de coupe du monde et que vous prenez 9-0. Quand vous prenez une branlée pareille, il faut en tirer les conclusions ». À la question d'un départ de Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau a botté en touche, hier soir. « S’il ne s’agissait que de personnaliser l’échec, ce serait facile. Bien sûr que le rassemblement doit se faire aussi avec Laurent Wauquiez. Il est président de LR. Il a été élu légitimement. Mais il y a un certain nombre de questions auxquelles nous devons répondre collectivement ».
« Wauquiez est allée à l’encontre de l’alliance de la droite et du centre »
« La droite républicaine et le centre ont été siphonnés par En marche », analyse Hervé Marseille
Un collectif que le patron de la droite sénatoriale aimerait voir rassembler « Gérard Larcher, en passant par Laurent Wauquiez mais aussi Valérie Pécresse, Christian Jacob, François-Xavier Bellamy… les centristes où ceux qui nous ont quittés comme Xavier Bertrand ». Hervé Marseille, le président du groupe centriste du Sénat, allié historique de la droite à la Haute assemblée, rejette à demi-mot, la responsabilité de cette déroute électorale sur Laurent Wauquiez. « Il y avait, depuis des décennies, une alliance entre la droite républicaine et le centre. La ligne choisie par M. Wauquiez est allée à l’encontre de cette alliance. On en voit la limite » regrette-il avant d’appeler « à la refondation de la droite républicaine et le centre ». « Sinon, on court à la disparition ».
Un rassemblement qui commence mal. Selon nos informations, Gérard Larcher et Bruno Retailleau ne se rendront pas au bureau politique de son parti. « C'est la nuit des longs couteaux qui se prépare » commente en off un sénateur LR.
Au micro de Public Sénat, le sénateur des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi a indiqué, lui aussi, qu'il ne se rendrait pas au bureau politique. « Un bureau politique convoqué le lundi matin pour le lundi après-midi, ça ne laisse pas le temps de la réflexion, de l’analyse, des contacts nécessaires pour un bureau politique un peu productif » a-t-il observé.