Européennes: dans les urnes, le flop des bulletins jaunes
Les "gilets jaunes" ont mobilisé dans la rue, pas dans les urnes. Les deux listes issues du mouvement de contestation sociale, qui a provoqué la...
Par Maryam EL HAMOUCHI
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Les "gilets jaunes" ont mobilisé dans la rue, pas dans les urnes. Les deux listes issues du mouvement de contestation sociale, qui a provoqué la plus grande crise du quinquennat, ont recueilli à peine 1% des suffrages aux européennes dimanche, selon les premières estimations.
"Alliance jaune", menée par le chanteur Francis Lalanne, a remporté environ 0,5% et "Evolution citoyenne", avec à sa tête Christophe Chalençon, moins de 0,5% des voix lors de ce scrutin européen, loin du seuil des 5% nécessaire pour envoyer des élus au Parlement européen.
"On nous vole le scrutin", a accusé Christophe Chalençon en assurant à l'AFP qu'il déposerait des "recours" partout en France pour "faire invalider les élections", du fait du rejet, dans les bureaux de vote, des bulletins de vote "Evolution citoyenne" imprimés sur du papier 80 grammes.
"A partir de demain, nous allons mettre le feu", menace-t-il.
"C'est décevant, je visais plutôt entre 1 et 2%", regrette de son côté Frédéric Mestdjian, cinquième sur la liste "Alliance jaune". "Le succès c'est d'avoir pu porter cette liste jusqu'au bout", ajoute-t-il.
Tous les deux regrettent que le "vote sanction contre Emmanuel Macron", se soit "cristallisé" autour du Rassemblement national (RN).
Au-delà des deux listes, le mouvement s'est aussi immiscé dans des partis qui ont intégré des "gilets jaunes" sur leurs listes. Benjamin Cauchy était ainsi en neuvième position de la liste de Nicolas Dupont-Aignan (DLF, environ 3,6%) alors que Jean-François Barnaba s'est allié aux Patriotes de Florian Philippot (entre 0,5 et 0,7%). L'UPR et le PCF ont également revendiqué la présence de quelques "gilets jaunes" sur leurs listes.
Né de contestations sur le prix des carburants qui se sont étendues à des revendications sur le pouvoir d'achat, la justice fiscale et la participation politique, le mouvement des "gilets jaunes" a rythmé de longs samedis de manifestations, rassemblant jusqu'à 282.000 personnes le premier jour de mobilisation le 17 novembre, selon le ministère de l'Intérieur.
Très vite la question d'une traduction politique et électorale du mouvement s'est posée. Dans les premiers sondages qui, dès décembre, introduisaient dans leurs enquêtes l'éventualité d'une liste "gilets jaunes", celle-ci était donnée aux alentours de 10% d'intentions de vote.
Nicolas Dupont-Aignan, au côté du "gilet jaune" Benjamin Cauchy, donne une conférence de presse présentant sa liste pour les élections européennes, le 28 mars 2019 à Paris
AFP
Mais à l'approche du scrutin, les résultats se sont érodés. Plusieurs figures du mouvement ont tenté de monter des listes, la plupart ont abandonné. Les deux représentants ont été critiqués par des historiques du mouvement.
Le passé de Christophe Chalençon, réputé proche de l'extrême droite, était souvent pointé du doigt, quand Francis Lalanne a été accusé de "récupération".
"C'est un mouvement qui a pour caractéristique de systématiquement voir les personnes voulant en être les représentants, délégitimés, attaqués par leurs pairs et il n'y a pas eu une liste +gilets jaunes+ mais plutôt un héritage convoité par différentes forces", résume Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
- Electorat hétérogène -
Sur quelles listes s'est déporté le vote "gilet jaune" ? Selon un sondage Ifop publié vendredi, 44% des personnes se sentant "gilet jaune" indiquaient vouloir voter pour le RN contre 4% pour La République en marche.
"Le débouché politique du mouvement des +gilets jaunes+ dans ces élections européennes, c'est très clairement le RN", analysait alors Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox.
Pourtant, chez certaines figures des "gilets jaunes", le vote semble plus éclaté. Thierry Paul Valette, qui avait constitué une liste avant d'abandonner, a appelé à voter pour la liste soutenue par Emmanuel Macron avant de finalement s'abstenir. Ingrid Levavasseur, un temps sur la liste Alliance jaune, a glissé un bulletin EELV dans l'urne, a-t-elle indiqué à l'AFP.
Jacline Mouraud, lors d'une conférence de presse au lancement de son mouvement "Les Emergents", à Orléans le 27 janvier 2019
AFP/Archives
Jacline Mouraud a décidé de voter blanc. Hervé Giacomoni, porte-parole des "gilets jaunes" de l'Aube, s'est rangé du côté de l'UPR pour soutenir le Frexit.
"On parle de +gilets jaunes+, ça tend à unifier le groupe mais ce qui les caractérise c'est que justement, il y a des gens qui sont très différents", analyse pour l'AFP Emmanuelle Reungoat, maîtresse de conférences à l'université de Montpellier.
"Ce qui les rassemble c'est plutôt la défiance à l'égard de la représentation" politique, ajoute-t-elle.
La structuration du mouvement en listes électorales a divisé au sein des "gilets jaunes", certains considérant que leur mouvement était profondément anti-système et d'autres pensant qu'il fallait intégrer le système pour le changer.
"On peut être dans la rue, avoir des revendications et les scander mais, à un moment donné (...) il faut pouvoir dire les choses en rentrant dans le système", estime Ingrid Levavasseur, qui compte se présenter aux élections municipales.
"Il faut qu'on reste un mouvement d'opposition", souligne Yacin Chebad, impliqué depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" lillois. Lui plaide pour un retour aux origines: le blocage des ronds-points.
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