La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Européennes: la majorité face au mur de la participation
Par Jérémy MAROT
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Malgré l'entrée en campagne massive du gouvernement et les salves du chef de l'Etat, la mobilisation de l'électorat macroniste aux élections européennes reste en-deçà des espérances de la majorité et ouvre des questions sur la stratégie poursuivie.
Sur le fond, le scrutin du 26 mai était taillé sur mesure pour les sympathisants d'Emmanuel Macron, qui s'était fait élire en 2017 à grand renfort de drapeaux bleu étoilé et d'hymnes à la joie. Une vaste étude Terra Nova de 2018 sur le profil des marcheurs a montré que la construction européenne était chez eux le sujet prioritaire avec le chômage et qu'une infime minorité (4%) d'entre eux se disaient "euro-dubitatifs".
Et pourtant... A cinq jours de l'échéance, 56% des sympathisants de La République en marche seulement (50% des sympathisants du MoDem) se disent "certains d'aller voter" dimanche, selon une étude Ipsos/Cevipof/Fondation Jean-Jaurès/Le Monde parue lundi. Un chiffre en recul d'un point par rapport à la précédente enquête d'avril 2019 !
Ce résultat est à relativiser au regard de celui des autres partis, tous plus faibles (52% pour le Rassemblement national). La participation, estimée entre 41 et 45%, reste dans l'étiage de 2014 (44%).
Plus inquiétant encore pour la liste de la majorité, pour 100 électeurs d'Emmanuel Macron en 2017, 62 opteront pour la liste LREM-MoDem. Alors que pour 100 électeurs de Marine Le Pen en 2017, 79 voteront pour la liste RN.
La pêche reste donc maigre si l'on considère les efforts déployés par la majorité depuis deux semaines, y compris pour dramatiser l'enjeu de l'élection, alors que les sondages donnent la liste "Renaissance" au coude-à-coude, voire derrière celle du RN, entre 21 et 24%. "Une situation aussi évidente et redoutable, aussi aveuglante de risques, de toutes mes années d'engagement, je n'en ai pas rencontré", a martelé le patron du MoDem François Bayrou.
Afin de mobiliser ses troupes, La République en marche continue à multiplier les petites réunions publiques avec l'ensemble de ses co-listiers, des parlementaires et ministres (environ 500 à date). Parallèlement, Emmanuel Macron a poussé les feux dans son implication, posant pour une affiche de campagne, décochant des flèches à l'encontre du RN et donnant une interview offensive à la presse quotidienne régionale lundi.
Sans pour autant provoquer d'emballement.
- "Hymne à la peur" -
"C'est lié aussi au contexte politique", plaide le directeur de campagne Stéphane Séjourné. "Il y a eu un grand débat qui a duré longtemps. Les chaînes info ont parlé politique en continu pendant six mois, comme si on était en campagne. Cela a usé l'électorat", estime-t-il.
Les tacticiens de la majorité pointent aussi l'absence de dynamique pour toutes les formations, et l'incapacité de faire émerger un débat autour de l'Europe. "On a du mal a parler du projet car il y a beaucoup de sujets nationaux qui se mêlent", déplore un cadre de la campagne.
La pression dans la dernière ligne droite se reporte donc sur les trois débats télévisés, sans toutefois savoir s'ils aideront réellement à battre le rappel des troupes.
Le gouvernement labourera le terrain, à l'image du Premier ministre qui se rend mardi soir à Valenciennes et jeudi soir à Orléans. Et un dernier grand meeting à La Mutualité vendredi soir couronnera la séquence.
D'ores et déjà, l'engouement fort tempéré questionne la stratégie mise en place par Emmanuel Macron pour ce premier grand test électoral depuis 2017: nationalisation du scrutin en rétablissant une circonscription unique, polarisation du match face au RN, dévoilement tardif de la liste et du programme, choix de Nathalie Loiseau pour mener la bataille.
"Il focalise toute l'attention sur une liste ayant la prétention d'avoir le +monopole de l'Europe+, après avoir composé une liste qui apparaît en-dessous de ses ambitions", souligne, acide, le président du Mouvement européen Yves Bertoncini.
"On passe de l'hymne à la joie (en 2017, ndlr) à l'hymne à la peur. En 2017 il était dans l'esprit de conquête, là il semble dans l'esprit de défaite". Pour lui, "la seule chose claire qu'il dit finalement c'est: +évitez-moi de perdre!+".