La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Européennes : la vraie-fausse entrée en campagne d’Emmanuel Macron
Par Public Sénat
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« Emmanuel Macron n’est pas en campagne, elle commence dans un mois. Il s’exprime sur l’Europe depuis le début du quinquennat et même avant. Mais au moment où le Brexit va se concrétiser (la Grande Bretagne devrait officiellement quitter l’Europe à la fin du mois), et où l’on voit Viktor Orban multiplier les sorties eurosceptiques et xénophobes, il est normal qu’Emmanuel Macron porte la voix d’une Europe qui protège » tient à préciser François Patriat, patron des sénateurs LREM.
En effet, depuis son début de mandat, les professions de foi d’Emmanuel Macron en vue « d’une refondation » de l’Europe s’égrènent à un rythme régulier. Un discours d’1h30 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne le 26 septembre 2017 (voir notre article), une intervention suivie de trois heures d’échanges avec les eurodéputés au Parlement de Strasbourg, le 17 avril 2018 (voir notre article). Récemment, c’est à l’occasion de l’ouverture du salon de l’agriculture que le président de la République a longuement insisté sur les bienfaits de l'Union européenne pour les agriculteurs.
Mais alors que le scrutin européen approche (26 mai), c’est sous une forme plus concise que le chef de l’État compte lancer la campagne du premier scrutin de mi-mandat, dont il sait qu’un succès ou un échec pèsera sur sa capacité à réformer par la suite.
Dans une interview donnée, dimanche soir à la chaîne italienne, Rail Uno, Emmanuel Macron a une nouvelle fois résumé sa vision de l’Union Européenne. « Nous avons besoin d’une Europe plus forte, souveraine sur le plan de la défense, politique, numérique, climatique… c’est-à-dire une Europe qui sait protéger ses citoyens ». Et ce sera dans une tribune « concise » diffusée dans 28 pays, y compris en Grande-Bretagne, que le chef de l’État devrait lancer, mardi, « un appel d’urgence » à l’adresse des citoyens européens. Selon son entourage interrogé par Le Monde, Emmanuel Macron affirmera « que le rejet de l’Europe n’est pas un projet, mais qu’il est au contraire possible de reprendre le contrôle de l’Europe » (…) Il va proposer des choses qui parlent aux peuples, qui répondent aux anxiétés, aux espoirs ».
LR fustige « une tentative de préemption sur les thèmes de la droite »
Un semblant d’entrée en campagne à coups de grands moyens qui agace l’opposition. Le sénateur LR, Marc-Philippe Daubresse, voit dans « l’Europe qui protège » d’Emmanuel Macron, « une tentative de préemption sur les thèmes de la droite ». L’élu du Nord se réfère au conseil national des Républicains tenu à Menton en juin dernier, où « sept piliers » « pour une Europe qui protègent « nos frontières, nos entreprises et notre civilisation » avaient été adoptés à l’unanimité.
Hasard du calendrier, dans une lettre que s’est procuré l’Opinion, ce week-end, Laurent Wauquiez demande Jean-Pierre Raffarin, toujours membre de LR, de « faire connaître sa position sur la campagne des Européennes » d’ici le 12 mars prochain. L’ancien Premier ministre, avait affirmé il y a quelques semaines se sentir proche du projet d’Emmanuel Macron. Dans sa lettre, le patron des Républicains rappelle à Jean-Pierre Raffarin ses positions passées. « Vous avez pointé le malaise démocratique d'une Europe qui n'a su ni réformer, ni convaincre (...), vous avez affirmé que l'Europe n'est pas fédérale mais une coopérative avec des compétences définies en fonction de priorités, les autres compétences devant être renvoyées aux États-nations ». Or, fait valoir Laurent Wauquiez, « ces convictions que vous exprimiez en juin 2016, notre famille politique en a fait des piliers de son projet en juin 2018 ».
« Une forme de supercherie, de suffisance » de la part d’Emmanuel Macron
Du côté des socialistes, on goûte peu la dichotomie opérée par le chef de l’État entre progressiste et nationalistes. « C'est un peu les gentils contre les méchants. Moi, je refuse de dire qu’il y aurait d’un côté des progressistes et de l’autre des nationalistes. Quand vous avez une vision libérale, ne pas interdire le glyphosate, ce n’est pas un problème. Pour autant, je ne considère pas, moi, que le glyphosate soit un progrès » souligne Patrick Kanner, président du groupe socialiste du Sénat. Pour l’ancien ministre de la Ville, la tribune d’Emmanuel Macron, pose une nouvelle fois la question du temps de parole accordé à Emmanuel Macron dans les médias. « En ce moment, avec le grand débat, il y a quand même un faisceau de présomptions autour d’une captation des médias opérée par le chef de l’État. Avec cette tribune, que laisse-t-il entendre aux autres pays ? Que la position de la France se résume à celle d’Emmanuel Macron ? Il n’y a pas de parti unique en France, à ce que je sache. C’est une forme de supercherie, de suffisance de sa part ».
Un bon score aux Européennes. Mais pour quoi faire ?
Au coude à coude dans les sondages avec le Rassemblement National, LREM pourrait obtenir entre 20 et 25 sièges à Bruxelles. Un bon score au niveau national mais qui pourrait se révéler relativement inefficace au niveau du Parlement européen, où le PPE (droite européenne) devrait rester majoritaire. Sous l’impulsion du Premier ministre Hongrois, le PPE pourrait même potentiellement changer d’alliance pour former une coalition avec les partis d’extrême droite. « Le PPE va probablement rester majoritaire, quelle sera donc sa capacité d’action, puisque les élus LREM iront au groupe Alde (Alliance des démocrates et des libéraux, troisième force du Parlement européen) » s’interroge Marc-Philippe Daubresse. « J’espère qu’Emmanuel Macron va être transparent et dire que les députés LREM rejoindront le groupe Alde » complète Patrick Kanner avant de rappeler que le PSE (Parti socialiste européen) constitue actuellement la deuxième force du Parlement européen.
Un rapport de force qui a son importance également pour la désignation du président de la commission Européenne. Une nouvelle procédure pourrait en plus changer la donne. Début 2018, les eurodéputés ont annoncé qu'ils rejetteraient toute personnalité proposée par le Conseil européen qui n'aurait pas été chef de file pour les élections européennes, comme président de la Commission.
Dernière interrogation. Alors que les noms des deux ministres, Nathalie Loiseau et Agnès Buzyn circulent, qui pour conduire la liste LREM ? « Autant pour les élections législatives, Emmanuel Macron avait choisi la carte du renouvellement, autant pour les Européennes, il a toujours dit qu’il privilégierait quelqu’un qui a de la bouteille. Je pense qu’on le saura fin mars » confie François Patriat.